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dimanche 3 août 2014

Partie 4 - Chapitre 14 - Eli

Partie 4 - Chapitre 14 - Éli

Le combat contre la reine des ménades n'a été qu'une formalité. Alcinoa et moi sommes parvenus à nous défaire de nos adversaires assez facilement. En ce qui me concerne, l'archère n'a rien pu faire pour m'atteindre. Dès qu'elle a bandé son arc, je me suis changé en fumée. Chaque flèche me passait à travers sans mal. J'ai couru vers elle car j'avais la crainte qu'elle ne finisse par viser mes compagnons. Mais elle n'en a pas eu le temps. Bien que très rapide, le court instant qui lui fallait pour réarmer m'a servi à la pourfendre. 

Quant à Alcinoa, elle a trouvé la parade à la foudre, la terre. Je crois bien que c'était la première fois que je voyais un golem de terre aussi séduisant. Comprenant qu'elle ne lui faisait aucun dommage, elle a voulu battre en retraite, sans doute pour s'en prendre à Chiron. Mais Alcinoa avait prévu le coup. La reine, dès son premier pas vers la grotte, s'est enfoncée dans le sol mouvant. Dans un bruit de succion, la terre l'a avalé. 

Comme j'étais toujours en fumée, nos regards se sont croisés et nous nous sommes sourit. Sans un mot, la tension qui existait entre nous s'est dissipée. Nous avons cru devoir intervenir pour aider Basile, surtout quand il a fait mine de perdre. A l’ instant où nous allions nous lancer à son secours, il transformait son adversaire en poussière.

- La prochaine fois, je prends l'archère !

Nous avons éclaté de rire. Puis nous avons pris la direction de la grotte. 

- Tu crois que le lance-flamme d'Alcinoa a grillé Chiron ?

Basile a toujours le chic de mettre le doigt là ou ça fait mal. Chiron, nous l'avions oublié. Un gros doute nous a étreints jusqu'à ce qu'une silhouette équine se dessine dans l'ombre de la grotte.

- Je suis immortel, jeune humain. Les flammes ont brûlé mes liens. 

Alcinoa s'est vite mise à soigner les brûlures du vieux mentor de héros. En quelques minutes, toutes traces avaient disparu. 

- Je vous suis reconnaissant de votre aide. Ino, la reine des ménades, pensait qu'en me retenant prisonnier, je n'aurais plus d'influence sur les défenseurs de Delphes. Mais comment avez-vous su ?

Nous avons expliqué au vieux centaure la raison de notre venue. Comment l'oracle nous avait mis sur la voie et ce que nous attendions de lui. Il est resté étrangement silencieux. Quand nous avons terminé notre récit, il nous a juste répondu qu'il nous fallait partir vers Delphes sans tarder. En galant "homme" qu'il est, Chiron a proposé à Alcinoa de grimper sur son dos. Nous avons pu avancer plus vite. Sur le chemin, je n'ai pu m'empêcher de le questionner sur Polyphème. Jaugeant mon insistance, il finit par nous expliquer :

- Ce cyclope mesure 5 mètres de haut. Il frappe toujours avec un énorme gourdin fait de bois et de pierres liées de sangles de cuir. Bien que plus lent que l'homme, il a d'autres atouts en sa faveur. Il frappe le sol du pied, ce qui engendre une vague sismique qui fait tomber les plus courageux. Et si ça ne suffit pas, il pousse un cri capable de fendre la pierre. 

Chiron nous explique que Polyphème bloque depuis des semaines le passage menant à Athènes. Il empêche ainsi les armées grecques de venir au secours de Delphes. De nombreux soldats sont morts en tentant un passage en force.

- Comment le vaincre ? A l'aide des éléments ?

La question d'Alcinoa fait lever un sourcil de Chiron. 

- Il est insensible au feu ainsi qu'à l'eau. Il résiste au son et ne craint pas la terre. Son seul point faible est son œil. C'est le seul moyen de le vaincre. Il ne peut être touché que par une arme épique, comme celle que tu as.

Un silence lourd d'inquiétude s'est installé. Une fois de plus, Basile met le doigt sur le point épineux.

- Pourquoi l'oracle nous a-t-elle dit que vous pourriez nous aider ?

- Parce qu'elle sait que je possède un onguent qui peut vous permettre de résister à son cri. Il ne durera que peu de temps et je n'en ai que pour l'un d'entre vous. 

Avant même que je ne me porte volontaire, Alcinoa a répondu :

- Éli est celui qui a le plus de chance de l'abattre. 

Nous avons fini par arriver à Delphes. Avec Chiron à nos côtés, nous n'avons pas eu besoin nous faire annoncer. Les servantes de l'oracle ont ouvert directement les portes devant nous. Un sourire rayonna de suite sur le visage de la femme en toge blanche. 

- Chiron, je suis heureuse de vous revoir.

- Moi de même. Je vous suis reconnaissant de m'avoir fait secourir. 

Basile s'était renfrogné. Ça ne lui procurait aucun plaisir de revoir celle qui l'avait traité de parasite. Il coupa donc directement les politesses pour en venir au fait.

- Maintenant que tout le monde est rassuré, si nous allions chercher cet onguent ?

L'oracle le fusilla du regard mais répondit calmement :

- Je vois que vous avez honoré votre part du marché. En plus de ramener Chiron, vous avez le sceptre d'Ino. 

L'usage veut que le commun des mortels offre à l'oracle un objet de valeur. En échange, il reçoit une prédiction. Étant donné que nous avions déjà eu la notre, il ne nous restait qu'à prendre congé. Je voyais bien qu'Alcinoa avait envie de poser une question à l'oracle. Elle lui sourit et lui souffla :

- Sois patiente. Quand tu auras recouvré l'ouïe et la vue, tu comprendras.

A cet instant, j'ai lu dans le regard voilé de ma fée, une détermination comme jamais auparavant. Laissant le temple derrière nous, nous avons suivi Chiron jusqu'à sa demeure. Les soldats de la ville lui avaient aménagé une maison plus haute de plafond. L'intérieur était rudimentaire.

- Ce n'est que provisoire. Le temps que la guerre se termine. Si vous parvenez à vaincre Polyphème, les renforts nous parviendront. Je pourrais alors retourner chez moi. 

Je me rendais compte que notre quête était intimement imbriquée au devenir de tous ces gens. Une pression nouvelle se mit à peser sur mes épaules. Il n'en allait pas que de ma mémoire ou des sens d'Alcinoa, c'était toute la communauté qui dépendait de notre réussite. 

Chiron me tendit un petit pot en grès recouvert d'un tissu. Il expliqua qu'une fois à proximité du cyclope, je devrais m'enduire le corps de l'onguent. Celui-ci agirait comme une seconde peau. Elle absorberait le son du cri du monstre, une seule fois. Je n'aurais que le temps qu'il prendra à remplir de nouveau ses poumons. Après, je serais sans défense. 

Nous avons pris un repas avec les soldats qui nous remerciaient d'avoir libéré leur général. Si Basile se plaisait à raconter le combat contre les ménades, je restais silencieux. Alcinoa posa sa tête sur mon épaule et murmura :

- A quoi penses-tu, héros ?

Je n'aimais pas ce terme. Pourtant, je savais que dans sa bouche, c'était un compliment. Une façon de me dire qu'elle avait confiance en moi. Après un court instant de silence, je lui répondis :

- Je me demande bien comment je vais pouvoir toucher l'œil d'un monstre si grand et si redoutable.

Les soldats applaudissaient le récit enjolivé de Basile. À l'entendre, on aurait pu croire que nous ne faisions que de la figuration. La nuit s'installa sans que les défenses de la ville ne soient attaquées. Nous avons donc pris le repos nécessaire à notre périple du lendemain. Alcinoa s'était allongé tout contre moi. Je sentais son souffle chaud dans mon cou et sa poitrine se soulever à chaque respiration. En temps normal, j'aurais apprécié cette pause. Seulement mon sommeil ne voulait pas venir. Je n'arrêtais pas de penser à ce monstre, mais aussi à mon père. S'il avait raison. Ma vie ici ne serait qu'un rêve. Il n'y a donc aucun intérêt à poursuivre cette quête. Par ailleurs, quel besoin auraient eu les anciens du peuple des fées à envoyer un émissaire poursuivit par un monstre. Il en a parlé comme d'une maladie contre laquelle il se battait depuis 33 ans. Ce délai correspond à ma séparation d'avec lui. Dans les souvenirs rendus par Stauros, c'est à mes dix ans qu'il m'a envoyé loin de lui. De plus, l'oracle m'a appelé "le dormeur". Et lui m'a demandé de me réveiller. Se pourrait-il quand dormant ici, je rêve de l'autre côté ? Je n'avais jamais envisagé ça sous cet angle. Il me faut dormir à tout prix. Je ferme les yeux, tachant de caler ma respiration sur celle d'Alcinoa. Elle geint doucement. Elle doit rêver. Je parviens à faire abstraction des bruits du camp autour de nous. Mon esprit se calme. Tout devient lointain. Je m'endors.

J'ai l'impression de m'être à peine endormis quand on me secoue. Basile me regarde amusé.

- Allez vieux, on a un cyclope à "poutrer".

J'ai du mal à émerger. Le camp est attaqué. Les soldats sont partis défendre l'entrée sud, celle par laquelle nous sommes arrivés la première fois. Chiron me regarde d'un air intrigué. Il n'a pas le temps de discuter. Il doit aller aider les guerriers. Il me souhaite bonne chance et part au galop vers la bataille. 

Je plonge la tête dans un seau d'eau pour me remettre les idées en place. Impossible de me souvenir de ce que j'ai rêvé, hormis cette phrase " Éli revient mon amour, je t'en prie". Mes sens doivent me jouer des tours car je jurerais qu'Alcinoa la prononçait. J'avale un morceau de pain de la veille. Je revêts mon armure tout en cherchant du regard après ma fée. Elle sort de la maison de Chiron arborant une tunique de cuir renforcée. Elle montre par là qu'elle fera tout ce qui est en son pouvoir pour réussir.

- Ou sont tes ailes ? Demande Basile aussi stupéfié que moi.

- Chiron me les a délicatement sanglée. Au début, c'est dérangeant, comme si on te liait les bras au dessus du coude. Mais après quelques instants, on s'y habitue.

Elle se tourne pour nous montrer le travail du centaure. L'armure de cuir recouvre le tout, ne laissant dépassé que le bout des ailes au niveau des cuisses.

- Il m'a dit que ça me protégerait des attaques élémentaires basiques. C'est un ensemble, tunique, jambières et brassards. 

L'idée d'une Alcinoa guerrière ne me plaît pas, mais je sais que je ne pourrais pas la convaincre de renoncer à s'exposer. Elle veut autant que moi parvenir au terme de cette quête et pas sans rien faire.

Nous partons pour le mont Parnasse, barrière naturelle entre Delphes et Athènes. La base de cette petite chaîne de colline est percée de grottes. Autant de galeries qui permettent d'en éviter l'ascension. A peine avons-nous franchit la porte qu'une horde d'arachnoïdes nous attaquent. En quelques passes de combats, ils ne sont plus que poussière. Nous longeons les contreforts du mont en cherchant une entrée. Nous savons qu'elle nous mènera tout droit vers Polyphème mais nous ne ralentissons pas. Basile finit par me demander :

- As-tu réfléchit à la façon d'atteindre son œil ?

- Oui et non. Aucune des approches n'est sans risque pour vous. Du coup je ne sais pas trop. 

- Dis-nous tout de même les options.

Je leur explique que pour atteindre l'objectif, il faut soit que Polyphème tombe, soit que je sois en hauteur. Comme je n'ai aucune idée de l'endroit où il se trouve, il faudra aviser sur place. 

- J'imagine qu'il doit se tenir dans une grotte assez vaste pour un gabarit comme le sien.

A peine Basile a-t-il finit sa phrase que nous arrivons à une entrée cyclopéenne. Dix bons mètres de haut et autant de large. 

- Tu as sans doute raison. Mais même dans une galerie, il a de la place.

- Il ne peut pas utiliser son cri sous terre, il va s'ensevelir, non ?

Alcinoa s'arrête. Je me tourne vers ce qu'elle regarde. Un gourdin de la taille d'un petit arbre est posé à même la grotte. Si son arme est là, c'est qu'il ne doit pas être bien loin. Nous avons deux options. Soit on entre dans la grotte, soit on se cache à l'extérieur. La seconde parait la plus logique. Car la première nous place en terrain inconnu. Je regarde les arbres qui bordent la grotte. L'un d'eux ferait un bon endroit pour me placer à la bonne hauteur. J'explique rapidement à mes compères ce qui me passe par la tête. 

- Pourquoi c'est toujours à moi de faire le plus dangereux ? Répond Basile. 

- Tu veux peut être me remplacer pour crever l'œil ?

Il fait signe que non. Nous prenons donc nos places. Moi, dans l'arbre, sur une branche à trois mètres du sol. Alcinoa se font dans un bosquet de grandes fougères. Tandis que Basile s'avance à pas feutrés vers le gourdin. L'idée étant de le déplacer pour le mettre contre l'arbre dans lequel je me trouve. La première partie du plan se déroule sans accroc. Soudain, un craquement significatif résonne à proximité. Le cyclope arrive.


Basile ne sachant que faire, coure vers la grotte. Il s'y engage juste avant que le monstre ne se montre. Il regarde vers l'endroit ou il avait posé son gourdin. Ne le voyant pas, il se met à humer l'air. 

- Des visiteurs ? Hum, oui, deux hommes et une femme. 

En entendant notre nombre exact, la sueur me perle le long du dos. Polyphème se retourne, cherchant du flair notre direction. Comme nous avons choisi trois cachettes différentes, il hésite. Il aperçoit son gourdin. Il avance à pas lourd. Je dois me cramponner aux branches pour ne pas glisser de mon perchoir. Je vois son horrible tête s'approcher. Je n'aurais qu'un essai. Au moment où je m'apprête à sauter, il détourne son regard vers la grotte. Je n'ai rien entendu, mais peut être que Basile a fait un bruit qu'il a perçu. Il gonfle sa poitrine et pousse un cri en direction de la grotte. Je peux presque voir la vague sonore déferler vers l'entrée. Sans prendre son gourdin, il s'élance à la suite. Que faire ? Si je descends, il me verra et je ne serais plus à la bonne hauteur pour l'atteindre. En trois pas, il est devant la grotte qui lui renvoi l'écho de son cri. Aucun autre bruit ne lui parvient. Il fait demi-tour. Les gouttes de sueur m'irritent les yeux. Ma vue se brouille. Je ne vois pas Alcinoa et je commence à croire que Basile a peut être été touché par la déflagration acoustique. Ça y est, il se penche pour saisir son gourdin. 

Je saute en lâchant un "hep" qui l'incite à regarder vers le haut. Alors que je suis certain de le toucher, il fait un geste d'évitement. Ma lame lui touche le coin de l'œil et lui trace un sillon sanglant le long de la joue. Il hurle de douleur en tenant son visage d'une main tout en cherchant à tâtons son arme. Je me récupère comme je peux en roulant sur moi même. J'enrage, je ne suis parvenu qu'à le blesser. 

Alcinoa intervient en gelant le gourdin afin que Polyphème ne puisse l'attraper. Ayant peur pour elle, je lui hurle d'aller secourir Basile. À mon grand soulagement elle acquiesce. Elle se dirige comme elle peut vers la grotte. Le cyclope lève une jambe. Je comprends qu'il va se servir de son pouvoir sismique. Au moment où il abat son pied lourdement sur le sol, je plonge les armes en avant afin de le blesser à la cuisse. Je me retourne après la déferlante et m'écarte juste à temps pour ne pas prendre la claque du siècle. L'horreur ! Alcinoa est au sol, elle a perdu l'équilibre lors du choc. Tandis qu'elle essaie de se relever, Polyphème fait un pas en avant dans sa direction. Je le voie gonfler sa poitrine. Il va utiliser son cri contre elle. Je me fends et plonge mon gladius de nouveau dans sa cuisse. Juste à temps. Il lâche son cri puissant vers le ciel en le mêlant à sa douleur. Il fait demi-tour sur lui-même à une vitesse qui me désarme. Une de mes lames est figée dans l'arrière de sa cuisse.

- Je vais tous vous tuer ! Hurle-t-il.

- Pour ça, il faudrait que tu parviennes à m'atteindre gros lourdaud !

Je suis d'accord avec vous. Je fanfaronne ! Mais au moins, j'ai toute son attention. Comme il ne peut se saisir de son gourdin, il frappe l'arbre d'un coup de pied. La glace recouvrant son arme vole en éclats. Mon épée le gêne. Il grimace en faisant le pas qui lui permet de s'armer. Ça se complique. Maintenant il a une telle allonge, que je ne suis pas prêt de m'approcher. Sauf si... S’il utilise son gourdin comme une masse, ce qu'il fait. Je fais un pas de côté pour éviter le coup, seulement il est si violent que j'en perds presque l'équilibre. Je m'adosse à un arbre pour ne pas chuter. Il en profite pour assener un coup parallèle au sol. Cette fois, je me laisse glisser tandis que son poing déracine l'arbre qui me soutenait. Il lève de nouveau son gourdin. Je saute entre ses jambes tout en lui infligeant une nouvelle estafilade à l'intérieur de sa cuisse déjà touchée. Alors que son gourdin s'abat à l'endroit ou je me tenais deux secondes plus tôt, j'en profite pour reprendre ma lame. Néanmoins, je suis trop lent. A peine ai-je repris mon arme que je reçois une baffe qui me fait voler littéralement à trois mètres. Par chance, je me suis cramponné à mes deux gladius. C'est bien ma seule veine car le coup m'a sonné juste le temps qu'il faut pour armer son cri. 

Il hurle dans ma direction et je reçois l'onde sonore de plein fouet. À cet instant je comprends l'intérêt du baume de Chiron. Il absorbe le son et se désagrège. Cette fois, c'est Polyphème qui est surpris. Je n'ai plus le droit à l'erreur. Le monstre boite, si je parviens à le toucher encore à cette jambe, il tombera. Tout en cherchant une ouverture, je cherche du regard Alcinoa qui est parvenu à entrer dans la grotte. Alors que j'esquive un autre moulinet du gourdin, je distingue la lueur du bâton. Basile a dû être touché. Comme elle le soigne, je n'ai juste qu'à conserver toute l'attention de mon ventripotent adversaire.

- Alors gros porc, c'est tout ce que t'as dans le ventre ?

Il enrage. Il me tient à distance pour pouvoir m'infliger un nouveau cri. J'ai échappé aux conséquences du premier grâce au baume, le prochain me terrassera. L'onde sonore se propage comme un cône. Il faut donc que je m'approche si je veux pouvoir esquiver. Au plus je suis loin, au moins j'ai de chance d'y échapper. Par contre, au plus je suis près, au plus le choc sera puissant si je me loupe. Me servir de l'air ne me protégera pas. Le seul élément que Chiron n'a pas cité est la foudre. Peut être puis-je aussi m'enfoncer dans le sol pour éviter le son. Par contre, s'il enchaîne avec un séisme, je suis mort. Il n'y a pas de panacée, il faut que je me décide. Il écarte les bras en se cabrant en arrière, son cri va être destructeur. Instinctivement, j'opte pour la foudre. Au lieu de le frapper d'un éclair, je veux devenir électrique. Ça me brûle la peau. La douleur est insoutenable. Mon esprit lutte pour garder le contrôle de mon corps dont chaque atome semble aller à la vitesse de la lumière. Je ne rêve pas. Je me déplace à une vitesse qui ne cesse d'augmenter. Alors qu'il se penche pour crier, je suis déjà derrière lui. Il tente de me toucher en prolongeant son cri tout en effectuant un mouvement de rotation. Les arbres sur le chemin éclatent à l'impact sonore. Je vais tellement vite maintenant que j'ai peine à rester à proximité. Il faut que j'abrège parce que mon corps ne résistera pas plus longtemps. 

Je fais un bond extraordinaire qui me projette sur les épaules du cyclope. J’abats mes gladius à la base de son coup en y envoyant toute la foudre de mon corps. Polyphème bascule en avant, pris de convulsions. Il est sonné mais loin d'être mort. Quand son corps touche le sol, je m'effondre également de tout mon long. Mon corps fume. Je suis brûlé. J'ai de la peine à rester conscient. Mon visage est tourné vers la grotte. Je vois Alcinoa sortir en courant. Elle ne voit que Polyphème et mon armure. Elle crie mon nom. Je voudrais hurler qu'elle ne vienne pas, je n'y parviens pas.

- Polyphème a............ mal.

Ce sont les derniers mots du cyclope. Alcinoa ramasse mon gladius et le plonge sans sourciller dans l'œil du monstre qui éclate littéralement en poussière. La dernière chose que je vois avant de basculer dans l'inconscience, c'est cette guerrière sublime qui s'arme de son bâton.

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