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dimanche 23 février 2014

Partie 3 - Chapitre 6 - Eli

Partie 3 - Chapitre 6 - Éli.
Je ne l'aime pas. Je m'en méfie comme de la peste. Quoi de plus normal, vous ne trouvez pas ? La veille, je me battais contre lui et ses sbires. Aujourd'hui, je devrais lui faire des gentillesses. Hors de question. Il a quelque chose que je ne sens pas. L'attitude de quelqu'un ayant un dessein machiavélique. Je vois bien son petit manège. Il fait les yeux doux à Alcinoa qui le voit, lui !
Attendez. Il m'a carrément demandé de devenir son maître d'arme. Au début j'ai refusé. Mais dès le premier groupe de monstres, il est devenu évident que je ne pourrais pas assurer la sécurité de ce boulet. Je m'en veux encore de ne pas avoir su empêcher Alcinoa d'être enlevée ou figée dans la glace. Je ne me pardonnerai pas s'il lui arrivait malheur parce que je protégerai Bacille. Oui je sais. C'est petit de coller des surnoms péjoratif. Vous n'allez pas me priver de mon seul plaisir quand même. En tout cas, il est vraiment mauvais en combat. A croire que sa version concernant l'infection par un monstre soit vraie. J'étais plus fort que lui, lors de notre premier combat, mais là, il est devenu carrément nullissime. Il ne le feint pas. Généralement, un combattant protège sa vie. Il en résulte que certaines passes d'arme prouvent que vous êtes ou non initié. Dans son cas, soit c'est le meilleur acteur de tous les temps, soit il est tout simplement néophyte en combat. Je suis convaincu qu'il n'est meilleur en rien. Même son idée de longer la côte était nulle. C'est sûr qu'on ne rencontre plus de ménades. A proximité de l'eau, elles ont laissé place aux ichtians, créature mi-homme, mi-lézard. Ils sont divisés en deux catégories : les guerriers et les chamans. Les derniers sont les plus dangereux. Ils maitrisent les éléments, enfin surtout l'eau, et ils voient Alcinoa !
Oui, d'accord... J'ai compris... Le voyage vous intéresse moins que de savoir ce que Stauros m'a rendu. Vous êtes curieux attention, c'est un défaut. La première fois, il m'a restitué les dix premières années de ma vie. Les derniers souvenirs concernaient la séparation d'avec mon père. La trame reprend à mon intégration au collège privé Saint Joseph. Comment s'intégrer dans un tel établissement ? Jusqu'à ce jour, je m'étais habillé selon mes choix, hormis pour l'entrainement d'aïkido. Là, il fallait porter un accoutrement similaire à celui de tous les autres. Nous avions un costume par jour. Comme j'étais résident à temps complet, ça faisait sept panoplie du parfait élève. Cela faisait de la lingerie, le deuxième poste en matière de travail, juste après le réfectoire. L'uniforme avait pour but d'effacer les inégalités sociales. Ça partait d'un bon sentiment de la part de la direction. Mais c'était hypocrite de croire que du tissu pourrait combler un tel fossé. Sans compter sur le fait que certains élèves étaient les enfants des principaux mécènes. Vous pensez bien que le fils de l'archéologue déjanté face aux fils à papa bouffis d'orgueil, ça ne pouvait que dégénérer. Dès le début, le ton était donné. Au premier appel, les moqueries ont commencé à fuser. Si la majorité des élèves sont restés impassible à l'énoncé de mon nom, un petit groupe m'a clairement fait comprendre que je devrais me soumettre. C'était mal me connaître. Tant qu'il n'y avait que des mots, je supportais. C'est au premier cours de sport que les choses se sont corsées. Le prof, un ancien militaire, ne jurait que par la force brute. Il était la parfaite démonstration qu'un corps humain peut faire des prouesses s'il est bien entretenu. On aurait pu croire que c'était le genre de brute sans cervelle, tant s'en faut. Il a repéré le conflit dans les premières minutes. Je suis convaincu que cela a induit son changement de programme. Il n'était pas prévu de faire de la boxe en début d'année, pourtant... Je me suis retrouvé sur le ring face à Arthur De Castel. Fils bien né d'une famille de la noblesse française. C'était le chef de la bande, le meneur, celui dont la voix compte double. Vu la vitesse à laquelle il a chaussé les gants, il devait être rompu à ce sport. Ça lui permit de se moquer de moi jusqu'au gong de départ. Seize secondes plus tard, il était KO. Malgré le casque, je lui ai explosé le nez. Pensez-vous que cela allait me permettre de jouir d'une tranquillité bien méritée ? Je venais de signer pour une année de tribulations. Il vous faut savoir que l'établissement dans lequel je venais de rentrer a un règlement très particulier. Chaque pensionnaire, en plus de ces heures de cours, doit participer à la vie collective en assumant une tâche attribuée dès le début d'année. Le sort détermine ce que vous aurez à faire. Je me suis retrouvé à la lingerie. J'aurais pu tomber sur pire, genre entretien. Mon adversaire s'est, comme par hasard, retrouvé à la cuisine, avec ses principaux lieutenants. Chaque attribution a ses avantages et ses inconvénients. La cuisine permet de manger autant que l'on veut, parfois même, quand la cuisinière est de bonne humeur, de se faire son menu. L'inconvénient, on mange les derniers et on se tape la vaisselle. La lingerie, c'est assez tranquille, une fois qu'on a pris le rythme. L'inconvénient, les odeurs du linge sale. Allez savoir pourquoi, le responsable de la lingerie était un homme. Rustre certes, mais pas tombé de la dernière pluie. Il a eut tôt fait de comprendre qu'un des gars qu'il avait dans son équipe était le vilain petit canard. D'autant qu'Arthur avait ses espions partout. Il suffisait de vouloir du rab ou plusieurs desserts pour lui être redevable. De ce fait, n'importe qui pouvait être à sa botte. Comme j'étais dur à la tâche, Émile, le responsable de la lingerie, me confia les clés. Je pouvais ainsi, arriver plus tôt ou partir plus tard pour m'entrainer. L'aïkido m'avait donné la souplesse et la rapidité. C'est ce qui m'a permis de triompher lors du premier combat contre Arthur. Reste qu'il me fallait acquérir de la force. Émile ne manquait jamais d'idées. Genre : décharger d'un camion, une palette de paquets de 25 Kg de lessive, à la main. Au début, j'ai cru qu'il m'en voulait. Seulement, après un mois de ce traitement, même le prof de sport a vu la différence. Au deuxième combat contre Arthur, j'ai été moins vite, certes, mais je l'ai couché une seconde fois.
N'allez surtout pas croire que cette deuxième victoire me protégerait de sa bande. A compter de ce moment, mes repas étaient souillés. Insectes, trop salé, jusqu'à ce que mes résultats s'en fassent sentir. J'ai bien essayé de me venger : poil à gratter dans les uniformes ou excès d'amidon pour des tenues en cartons. Mais Émile n'a pas apprécié.
- Couche-le autant que tu veux sur le ring, tu agis en homme, face à ton problème. Use de moyens détournés, tu deviens faible comme eux.
Pour une fois, Émile monta au créneau. Il prit à partir la direction qui ferma les yeux. Du coup, comme la cuisinière était une amie, il s'arrangea pour que je puisse avoir à manger. De son côté, elle prit en flagrant délit un des lieutenants d'Arthur en plein saccage de repas. Il fût viré de ce poste pour atterrir à l'entretien des toilettes.
Je dois interrompre mon récit car nous arrivons à une grotte étrange. La falaise qui borde la plage est sculptée en forme de visage monstrueux. Ça ne présage rien de bon. Une odeur pestilentielle en sort et maintenant qu'Alcinoa a récupéré l'odorat, elle ne manque pas de faire la remarque. Le corps d'un satyre en très mauvaise état ajoute à l'atmosphère lugubre.

- On devrait rentrer là-dedans.
- Visiblement c'est occupé par quelqu'un de peu hospitalier. Pourquoi veux-tu qu'on y entre ? On continue à longer la plage jusqu'à Mégare comme tu nous l'as suggéré, Basile.
- Écoute Éli, tu n'as pas prononcé un mot depuis des heures. Tu agis mécaniquement comme-ci ton esprit n'était plus vraiment parmi nous. Regarde autour de toi ! Il va faire nuit. Il nous faut un abri...
- Tu crois vraiment que tu vas me faire gober que tu proposes ça parce que tu te soucies de nous ?
A ce moment précis, je ne sais pas ce qui m'a pris, j'ai dégainé. Je me suis mis à l'accuser d'avoir tout planifié. De vouloir nous attirer dans un piège afin de se débarrasser de moi. Alcinoa tenta de me faire entendre raison, en vain.
- Basile, prend ton arme !
- Hors de question. Tu veux me tuer, fais le sur un homme désarmé. Tu prouveras que j'avais raison !
- Sauf si je trouve le basilic encore en toi ! DEGAINE !
Même si sa démarche est hasardeuse due à la privation de trois de ses sens, Alcinoa se dresse entre nous, face à moi. Elle a les bras tendus pour protéger Basile. J'hallucine. Elle prend sa défense.
- Éli, tu me fais peur. Reprend toi mon amour. Ça ne te ressemble pas.
J'entends sa voix, mais la colère me consume. Est-ce que c'est à cause des souvenirs que Stauros m'a rendu ? Les quatre années ne sont que combats. Elles ont fait de moi une machine bien huilée pour le plus grand plaisir du prof de sport. Dans le même temps, Émile a veillé à ce que je ne sois pas un dur sans cervelle. Je suis tout de même obligé de reconnaitre que cette part de moi me rend nerveux.
Devinant mes mains pendre le long de mon corps, Alcinoa s'approche de moi. Je me laisse entourer par ses bras affectueux. Seulement, je sens sa peur. Elle a peur de moi. C'est le cercle vicieux. Je voudrais me calmer, mais je sens sa peur. Sa peur alimente ma colère qui, à son tour, accroit sa peur. La dernière fois, ça s'est terminé par une décharge électrique. Je le regarde. Tout en moi transpire la haine. J'ai la tête légèrement baissée en avant, pourtant je ne le quitte pas des yeux.
A cet instant précis, il fait quelque chose d'inattendue. Il pénètre dans la grotte, seul et sans même prendre la précaution de s'armer. Alcinoa me regarde avec ses mains. Ses doigts parcourent mon visage, en dessinent les moindres contours. Elle tremble. Se pourrait-il qu'elle ait peur de moi ? A cet instant, ma colère s'efface. Elle laisse place à un sentiment de honte. Je prends conscience du gouffre qui me sépare de ce que j'étais quelques jours plus tôt. Pourquoi prononce-t-elle cette phrase ?
- Si ce que tu crois être indestructible l'est réellement, alors vous triompherez.
Ce sont les paroles de Stauros. Il avait raison. Cette histoire est en train de mettre notre amour à l'épreuve. La vraie question reste entière : A quoi bon arriver au bout de l'aventure pour perdre ce a quoi l'on tient ?
- Je ne veux pas te perdre...

Elle énonce ces quelques mots dans un souffle. L'instant aurait pu être magique si le cri qui suivit ne l'avait pas réduit à rien. Sans réfléchir, je me précipite à l'intérieur de la grotte.

samedi 15 février 2014

Partie 3 - Chapitre 5 - Michel Stauros

Chapitre 5 - Michel Stauros.
Je suis quelqu'un de méthodique, d'organisé. Quand je subodore qu'on a touché à mes affaires, ça devient une obsession. Vous allez me dire qu'en travaillant à plusieurs dans un environnement restreint, il y a plus de probabilités qu'on touche à mes affaires. En temps normal, je vous donnerais raison, mais là, l'expérience est tout de même une première mondiale. Vous imaginez-vous le bien que l'on pourrait faire si on arrivait à sortir les gens du coma ! Je ne vois pas Ophélie me trahir. Elle a signée une clause de confidentialité très généreuse. De mon côté, je me suis retenu de faire de la "publicité". Il n'y a qu'un nombre restreint de personnes qui savent ce que je fabrique ici. Par contre, est-ce qu'Alicia a parlé ? Il va falloir que je vérifie. Hier, elle avait l'air à bout. Quand je pense à la manchette qu'elle a flanqué... Oui, il faut qu'on discute. Avant d'incriminer qui que se soit, passons en revue les dernières 48 heures.
Samedi matin j'ai travaillé sur le fichier du basilic. Il fallait faire quelques retouches afin qu'il ne soit pas aussi fort que prévu à l'initial. Difficile de survivre à quelque chose qui pétrifie tout ce qui bouge dès la première rencontre. Pendant ce temps, j'ai demandé à Ophélie de compiler tout les éléments concernant Mégare et sa périphérie. Je n'ai pas vu le temps passé. Elle est partie avant moi après m'avoir assuré qu'elle avait terminé. C'est une brave fille. Célibataire malgré une plastique qui ne laisse personne indifférent. Je ne lui connais pas de liaison, mais c'est vrai que je ne suis pas genre à m'intéresser à ce style de détail. Quoi ! Oui, bien sûr... J'ai bien pensé sortir avec. Mais mélanger la bagatelle et le professionnel, c'est jamais bon. Et puis, je crois savoir qu'elle ne cours pas après les collègues. Plus d'un médecin s'y est cassé les dents.
L'après midi, je suis allé me faire un neuf trous. Ça me détend tout en me permettant de réfléchir. Le premier élément qui me permet de penser qu'il y a eu intrusion, c'est mon carnet de notes. J'y appose toutes les idées pour l'histoire que je fais vivre à Eliot Guerreor. Il est organisé par thèmes, les endroits, les liens avec les souvenirs réels, les monstres implémentés. J'y fais figurer également tous les personnages qu'il va rencontrer. Comme j'ai quelques coups d'avance, j'ai été surpris de voir mon carnet s'ouvrir à la page du basilic. Cela faisait un moment que je ne l'avais pas ouvert à cet endroit, vu que je travaillais sur le boss gardant l'ouïe. Le second élément concerne le pc que j'utilise pour le "bombardement" cognitif d'Éli. Le logiciel étant lourd, il faut attendre quelques minutes avant de l'éteindre, sinon il force l'arrêt. Et quand ça arrive, la nouvelle ouverture s'initialise au premier fichier au lieu de reprendre au dernier utilisé. Je suis sûr d'avoir coupé comme il le fallait.
Quand j'en ai parlé à Ophélie ce matin, elle a réagit vivement, elle en a rougit. Ce n'est pas dans son tempérament. En règle générale, elle est sûre d'elle, maître de ses émotions. Bon faut dire que je m'y suis pris comme un gros lourdaud. Il y avait de quoi se sentir agressé. Puis je ne vois pas quelle raison elle aurait. L'argent ? Elle touche un très bon salaire, quasiment le double de ses collègues du même échelon. C'est vrai que tout le monde a un prix. Mais vu que le reste de la profession pense mon concept farfelu, je ne vois pas quelqu'un la payer pour avoir accès à mes notes. L'ambition ? Elle a raté son diplôme de médecin parce qu'en situation de stress intense, comme une opération, elle ne gère pas les conflits. Il peut arriver qu'un membre de l'équipe d'intervention ne soit pas d'accord avec la méthode utilisé. C'est enregistré, pourtant le responsable doit garder la tête froide et poursuivre. Ophélie perdait ses moyens en cas de contestation. Ça ne faisait pas d'elle un bon dirigeant. Du coup, j'ai une subalterne surqualifiée. Seulement, comme mon expérience est expérimentale, elle sera forcément soumise à la critique. Elle ne le supporterait pas d'être sous les feux de la rampe. Aucune chance qu'elle veuille s'approprier mes recherches.
Non, il faut me rendre à l'évidence, ça ne peut pas être Ophélie. Hormis les parties prenantes comme Alicia, Ophélie et Hector Guerreor, je n'en ai parlé à personne d'autre que le chef d'établissement. Même si c'est un ami, il ne va pas risquer la réputation de l'hôpital. Il en parlera qu'une fois que le succès sera assuré. Donc, si personne dans mon entourage n'avait accès ou intérêt à accéder à mes dossiers, il ne reste qu'Alicia. Car je ne crois pas que le vieil Hector ne puisse poursuivre un but nécessitant une réflexion prolongée. J'ai quand même du mal à y croire. Quelle serait sa motivation ? Elle aime son mari. Elle souhaite que l'opération réussisse. Elle sait que toute interférence pourrait la compromettre. Bien sûr, elle a demandé que son mari soit débranché. Seulement, elle m'a toujours donné l'impression d'être sous influence. Se pourrait-il qu'il y est quelqu'un dans son entourage qui ne souhaiterait pas voir son mari revenir à la maison ? Si c'est le cas, la survie d'Éli a du sacrément le ou la contrarier. En admettant que je sois dans le vrai, ce qui reste à prouver, comment avoir accès au labo ? Il faudrait la complicité de quelqu'un à l'intérieur de l'établissement. Ça fait tout de suite un nombre considérable de suspects.
Le dimanche. Qu'est-ce que j'ai fait ? Je suis allé voir Hector Guerreor à son domicile. Troublante rencontre s'il en est. Cet homme en constance lutte contre la fatalité. Que dire de ses dernières paroles ? Criantes de lucidité et d'espoir. Il n'est pas possible qu'il soit celui qui influence Alicia. Il a vraiment été surpris d'apprendre qu'elle avait donné son accord pour le débrancher. S'il a oublié ce genre de détail, il n'est pas logique de l'incriminer dans un complot risquant l'intégrité de son fils.
Attend Michel, tu t'entends parler ? Complot... Alors que tes preuves ne sont que présomptions. Il y a tout de même le coup de téléphone. Quand j'y repense, il ne s'est pas présenté, si ce n'est comme un ami des Guerreor. J'ai bien demandé des précisions sur son identité, mais il a éludé la question en titillant ma curiosité. En me présentant le vieil Hector comme une mine de renseignements intéressants, j'en ai zappé ce point. Du coup, cet inconnu m'a éloigné de mon labo. Il était, sans aucun doute, le seul à savoir que je serais absent ce dimanche. Bon, allez, admettons que je tienne un suspect. Quel mobile ? Pour le définir, il faudrait que je sache qui il est. Aussi ce qu'il a bien pu faire. Il faut que je recoupe les résultats.
Il est 22 heures. Personne ne travaille de ce côté, hormis deux personnes : Orlando, un infirmier de 53 ans qui n'a aucune idée de ce que je fais. Il s'assure de la santé des patients en effectuant sa ronde. Comme il arrive parfois d'en avoir à l'isolement, il ne se doute de rien. Puis il y a Solange. C'est une ASH, comprenez Agent de Service et d'hygiène. Elle est sympa, mais là encore, aucun risque qu'elle soit liée à mon affaire. Elle est mère de quatre enfants qui ont chacun un père différent. A la naissance du dernier, il y a eu des complications qui ont fait qu'elle ne pourra plus en avoir d'autres. En même temps, elle en a eu plus que la moyenne. De toute façon, ni Orlando ni Solange n'ont accès au labo. Le ménage est fait dans la journée durant les heures ou il y a quelqu'un.
Je ne croise personne. Je pianote le code sur le cadran servant de serrure au labo. J'ouvre la porte pour recevoir en plein poumon les effluves du parfum d'Ophélie. Non seulement il est entêtant, mais il persiste. Après avoir vérifié les constantes d'Éli, j'ouvre le dossier des enregistrements du jour. J'affiche la courbe du rythme cardiaque et l'encéphalogramme. Comme à chaque fois, dès qu'il rentre en phase de rêve, le cœur accélère. Comme je le pensais, le basilic a eut un effet conséquent. La seule chose qui a emballé son palpitant de manière plus vive a été la baiser d'Alicia. J'étais convaincu que son parfum aurait fait le même effet. Partiellement. Dans les deux expériences, il a fait une attaque. Pourtant, il n'y a aucune raison. La première fois, son aversion pour la nicotine a joué le déclencheur. Dans le deuxième cas, ce n'est pas quelque chose dont il a horreur. Au contraire, le parfum d'Alicia aurait dû voir le même effet que son baiser. Les courbes montrent bien une réaction, certes, ridicule à côté du festival de la première expérience. Pourquoi la tension décolle-t-elle de cette manière ? Son cœur fait office de disjoncteur. Pour protéger le cerveau, il se bloque. Je sais que certains fakirs arrivent à baisser leur rythme cardiaque jusqu'à simuler la mort. Cela exige un effort conscient. Ça serait une première mondiale ! Une maîtrise inconsciente d'un organe majeur. Voilà le passage où Hector lui glisse un mot à l'oreille. Et là, mon sapin de noël. Le cerveau est un feu d'artifice. Il faut que je passe l'action au ralenti. J'affiche la vidéo de la chambre. Je coordonne le débit des deux en diminuant la vitesse de cinquante pourcent. Il approche, se penche, et...
C'est bien ce que je pensais. L'expérience est un succès bien qu'elle ne corresponde pas à ce que j'avais prévu.

Les caméras, voilà qui va me révéler s'il y a eu intrusion. Bien sûr, je ne verrais pas l'intérieur du bocal puisqu'elles sont braquées sur Éli. Néanmoins, s’il y a la moindre lumière dans le bocal, ça se verra sur la fenêtre de la chambre. Voyons voir, les enregistrements vidéo de dimanche. Voilà, en avance rapide, stop... J'avais raison ! Il y a bien eu intrusion dans mon labo à 10H23. Tiens, ça n'est pas normal. Il manque vingt bonnes minutes. Qu'est-ce que c'est que ce bazar ?

lundi 10 février 2014

Partie 3 - Chapitre 4 - Alcinoa

Chapitre 4 : Alcinoa.
Les images reviennent. Enfin, si je puis dire. Je suis aveugle. Je ne perçois que les manifestations élémentaires. Pourtant, il y a des exceptions que je ne m’explique pas. Michel Stauros, qui apparaît en général après une victoire d'Eli sur un monstre particulièrement fort. Il me restitue un de mes sens et une partie de la mémoire d'Éli. Seulement, cette fois-ci, pas de Stauros. Ce qui se présente à moi, nimbé de brouillard, c'est la tête de Basile en gros plan. Il a les lèvres formant une figure improbable qui s'approchent des miennes. Le réflexe est instantané... Baaaaafffff.
- Outch, content de vous revoir parmi nous... Déclare Basile, ou quelque chose comme ça. Comme je ne l’entends pas, je lis sur ces lèvres, enfin j'essaie la plupart du temps.
Que met-il arrivé ? Éli a voulu récupérer son arme, à peine est-il entré en contact avec, que j'ai vu des éclairs parcourir son corps. Il s'est tordu sous la douleur sans lâcher le manche de son gladius. J'ai voulu le pousser mais la dernière chose dont je me souviens, c'est l'étrange sensation de picotement qui me traverser. Le plus curieux, c'est que je ne suis pas censé ressentir quoique se soit.
Éli est toujours allongé. Je le devine à la position des éléments de son armure dans lesquels sont enchâssées des pierres élémentaires.
- Comment va-t-il ? Je ne sais pas pourquoi je pose la question, il m'entend mais moi, non.
- Il dort paisiblement. Quant à savoir s'il se réveillera, ça, c'est une autre histoire.
Il a réussit à utiliser le son. Bien sûr, je tique, mais mon esprit s'inquiète pour celui que j'aime. La décharge aurait pu nous tuer. Décidément, il doit lire dans mon esprit :
- Il est solide. Le coup l'a assommé mais il s'en remettra. Il récupère de notre combat. Ça a dû être moins facile qu'il ne me le montrait. C'est un as du bouclier. J'en ai encore la mâchoire toute endolorie.
Je me demande si je ne préférais pas quand je ne l'entendais pas.
- Pourquoi n'en avez-vous pas profité pour vous en débarrasser ?
Après un temps d'arrêt durant lequel un sourire s'est dessiné au coin de ses lèvres, il m'explique. Soit disant qu'il souhaite gagner à la loyale. Sans compter qu'il m'aurait perdu. Je rêve, il n'a aucun scrupule à m'avouer ses sentiments. J'ai beau lui dire que je ne ressens rien pour lui, qu'Éli représente toute ma vie, il reste optimiste, arguant qu'il gagne à être connu.
- Tu la touches, je t'ouvre en deux sans aucune hésitation.
Nous avons tous deux sursauté. Je me jette sur lui alors qu'il se redresse à peine. Je le couvre de baiser savourant le goût salé de sa sueur. Alors qu'il doit me serrer contre lui, je sens son odeur. Je le sens... J'ai recouvré l'odorat.
- Excellent, nous allons pouvoir nous remettre en route. Je sais où nous devons aller.
- Comment peux-tu le savoir, nous n'avons pas vu Stauros ?
Éli nous raconte que le choc électrique n'a pas eu qu'un effet sur son corps. Après avoir perdu connaissance, son esprit s'est mis à accélérer. Les images se sont mises à défiler comme s'il dévalait une pente abrupte. Au milieu de ce cortège d'images, Stauros est apparu tel un esprit évanescent. Le prochain sens est le toucher. Nous devons nous rendre à Mégare.
Le nom des villes ne l'évoque rien. Ce n'est pas le cas d'Éli ni de Basile. Si ce dernier a déjà sur moi un effet urticant, j'imagine sans peine ce que doit ressentir Éli à l'annonce qu'il nous accompagne. Son argument principal tient à sa relation toute particulière avec le basilic. Il prétend être en mesure d'identifier toute personne infectée. J'ai vraiment du mal avec cette explication. Résumé le monstre qu'Éli a vaincu à une maladie, ça me paraît peu plausible. Les intonations de la voix de mon amour m'amène à conclure qu'il pense la même chose. Néanmoins, je m'oppose à sa suggestion. Attacher Basile à une colonne, c'est le promettre à une mort certaine. Même si nous avons été ennemis, je ne veux pas que nous en venions à de tels procédés. Je n'ai pas besoin de voir pour imaginer le regard lourd de reproches que doit me lancer Éli. Je suis tombé sous le charme de cet homme principalement à cause de ses qualités. Sa noblesse, son sens de la justice, sa bienveillance m'ont transporté sur le nuage de la séduction. Nous autres fées avons l'avantage de pouvoir choisir d'être vues ou non. Durant des semaines, je l'ai observé. Oh, je sais ce que vous vous dites, il a des défauts comme tout le monde. Bien sûr. Mais qu'est-ce qu'un défaut, si ce n'est une qualité poussé à l'extrême. Ainsi quelqu'un de têtu est une personne trop opiniâtre. Un glouton est un gourmet trop gourmand, ainsi de suite. Éli a un sens aigu de la justice, mais la vengeance peut amener trop loin. On dirait que Basile l'a bien cerné. Il dose ces arguments de façon à le titiller mais sans dépasser les limites. Éli cède prétextant que nous pourrons nous séparer des le premier village. Ne voulant pas rester une minute de plus dans cette enceinte, nous nous mettons en route afin de profiter des dernières heures de l'après midi.
Sans jamais se retourner, Éli marque le pas. Il enchaîne monts et vaux à la même allure, celle de quelqu'un qu'il est impossible d'arrêter ou de dévier. Il m'est beaucoup plus facile de le suivre depuis que Basile nous accompagne. Comme je le voie distinctement, je cale mon pas sur le sien. Il est aussi loquace qu'Éli n'est taciturne. Il n'arrête pas de parler de tout et de rien. Chaque vestige, adversaire fait l'objet d'une digression. J'aimerais demander à Éli d'avantages de renseignements sur l'apparition de Stauros, sur ces souvenirs. Seulement, je suis convaincu qu'il ne se livrera pas devant lui.
Le soir venu, je fais style d'avoir froid afin qu'Éli l'envoi chercher du bois pour faire un feu. Mais c'est lui qui part en chercher. Il doit savourer de se retrouver un peu seul sans ce moulin à parole à proximité. C'est alors que Basile embraie :
- Si tu as perdu tes sens, tu ne peux pas ressentir le froid, n'est-ce pas ?
Il m'a percé à jour. Je vais changer de technique.
- Je n'ai trouvé que ce moyen pour tenter de t'envoyer plus loin. J'ai besoin de parler à Éli mais il ne dira rien tant que tu seras présent.
- Il fallait le dire plus tôt, vous voulez un peu d'intimité.
Je n'ose pas imaginer ce que signifie le sourire biais qui s'affiche sur son visage. Je ne préfère pas relever. Au contraire, je joue sur ce terrain.
- Effectivement, nous n'avons pas l'habitude d'avoir un chaperon.
- Eh bien, je pourrais bivouaquer à quelques mètres. Cela vous serait-il suffisant ?
Je lui confirme vouloir faire l'essai. Quant Éli revient, Basile prétexte un besoin pressant pour nous laisser seuls à proximité du feu de camp. Pourtant, cela n'a pas l'effet escompté. Éli le soupçonne de manigancer quelque chose. Il n'a pas confiance, moi non plus d'ailleurs, mais pas pour les mêmes craintes. Alors que je l'imagine trop curieux pour ne pas tenter d'écouter, Éli pense que son histoire de parasite n'est qu'une invention. Il est persuadé que le basilic va refaire surface au moment le plus inattendu.
Je tente malgré tout une approche :
- Comment Stauros s'y est-il pris pour te rendre tes souvenirs ?
Pas de réponse. Ce n'est pas qu'il n'a pas entendu, mais il est dans ses pensées. Je réitère la question en lui touchant l'épaule pour attirer son attention. Il sursaute.
- Pardon, tu disais?
A la troisième fois, il répond :
- En fait, Stauros n'a pas besoin d'être présent. Il peut agir sur chacun de nous à sa guise. Il a donc profité de mon inconscience pour me transmettre mes souvenirs suivants, l'adolescence.
- Qu'est-ce que l’adolescence?
Éli m'explique que les humains naissent tout petit puis grandissent. L'adolescence est cette période ou l'enfant devient adulte. Avant même que je lui pose la question, il développe le sujet. C'est l'époque des extrêmes : excellents souvenirs et pires cauchemars. Pour sa part, ça a été le moment de s'affirmer vis à vis des autres, le plus souvent, avec les poings. Tout en gardant un œil sur Basile, Éli raconte ses souvenirs. L'école, sorte de temple du savoir dans lequel, des adultes tentent de transmettre un savoir à des enfants de tout âge. C'est bien différent et beaucoup plus compliqué que chez notre système. Une fée florale née lors de la première ouverture d'un bouton. Elle a déjà la taille adulte. Elle conserve de ses parents chaque information qu'ils auront souhaité lui transmettre. Puis, durant le premier cycle lunaire, elle se voit attribuer un mentor qui lui apprendra le reste. Une fois le test de survie remporté, la fée est intégrée au clan auquel elle appartient. J'ai laissé aller mes pensées de sorte que j'ai zappé une partie des souvenirs d'Éli. Quand je tourne à nouveau mon attention, il termine une phrase ainsi :
- J'ai donc tous les souvenirs de mes quinze premières années qui me reviennent graduellement.
Dois-je être heureuse pour lui ou inquiète pour nous ? Stauros lui rend des pans de sa mémoire dans laquelle je suis absente. Quelque part, c'est normal puisqu'Éli était déjà quasiment adulte quand je l'ai vu pour la première fois. Normalement, lors de la prochaine étape, il devrait me voir apparaître dans ses souvenirs. C'est avec le fil de cette espérance que je tisse le cocon de mon sommeil.
Le lendemain, j’apprends avec surprise qu'Éli s'est laissé convaincre par Basile de lui confier une garde. L'argument est simple : "j'aurais pu te refroidir quand t'étais dans les vapes". Du coup, Éli est plus reposé, donc, de meilleure humeur. Quand je dis meilleur, n'entend plus ouvert à la discussion. J'en profite pour le questionner.
- Stauros t'a-t-il donné un indice concernant notre prochain objectif ?
- Tu veux dire en dehors du lieu approximatif ?
Nous rions. C'est vrai qu'il ne dit jamais rien de plus que le strict nécessaire. Cette fois pourtant, il a eu une phrase énigmatique :
" C'est sur le fil que tu combattras pour extraire le toucher de la colle "

J'ai dû blanchir car Éli me demande immédiatement pourquoi je ne dis plus rien.

samedi 1 février 2014

Partie 3 - Chapitre 3 - Hector

Chapitre 3 - Hector.
Je ne me rappelle pas la dernière fois ou j'ai serré une femme dans mes bras. La sensation est curieuse. Un mélange de gêne, de fébrilité et de chaleur animale. Même si une infime partie de moi apprécie ce genre de manifestation, tout le reste de mon être se contracte. Outre le fait que c'est la femme de mon fils, je ne suis décidément pas fait pour ça. D'abord il y a cette lutte en moi. Ensuite, j'ai déjà du mal à savoir pourquoi je suis là alors il ne faut pas qu'elle me perturbe. J'ai fait de grand sacrifice pour venir jusqu'ici.
- Traître !
- Comment ça ? C'était un coup régulier. Je n'ai pas à rougir de mon choix. En plus, il fallait que je vienne.
- Tu ne repartiras pas !
- La ferme, Alicia me parle. Pardon mon enfant, vous disiez ?
- Que faites-vous là, beau papa ?
Oulala  que ça m'énerve quand elle me dit ça. Je lui ai dit cent fois qu'elle devait m'appeler Hector.
- Impossible, tu ne l'as pas vu plus de dix fois en vingt ans.
- Je ne t'ai pas demandé de te taire ?
- Tu croyais réellement que prendre ces cachets serait utile contre moi ?
- Je ne vais pas me laisser entraîner dans un nouveau débat avec toi. Je t'ai dit de me foutre la paix alors CASSE TOI !
J'ai dû dire le dernier mot tout haut. Alicia se dégage en me regardant avec les yeux rougis. Je me confonds en excuses tout en n'étant pas fâché que le rapprochement physique soit terminé. Elle n'est pas en état de s'arrêter sur mes écarts de conduite.
- Je suis venu voir Éli. Vos larmes me font conclure que je ne me suis pas trompé d'établissement.
Elle bredouille difficilement quelque chose du fait de son état de nerf. Je comprends néanmoins l'essentiel, Éli est dans la chambre 123. Je l'embrasse sur le front avec une phrase du genre : "ça va aller mon p'tit."
Je m'attendais à un couloir noir de monde avec des internes passant d'un lit à l'autre. Au lieu de cela, rien ne résonne hormis mes chaussures qui couinent sur un sol nickel. C'est quoi cette odeur de vestale ? Elle devient de plus en plus forte à mesure que j'approche de la chambre de mon fils. Je finis par trouver celle qui transforme l'hôpital en parfumerie. Elle porte une marque rouge sur la joue droite. Elle a dû recevoir un coup, pas une gifle, il n'y a pas les traces de doigts. Par contre le professeur, lui, les a bien qui lui zèbre la mâchoire. Mais qu'est-ce qui c'est passé ici ? Je dois avoir un regard évocateur car il me confirme que ma bru a bien la main lourde.
Il est très fort ce Stauros. Bien qu'il soit surpris de me voir, il fait mine de rien en me parlant d’Alicia. Mais je ne me suis pas drogué pour elle, mais pour lui. Ma tête ayant suivi mes pensées, je donne un coup de menton en direction du lit de mon fils. Il enchaine :
- Éli a fait un nouvel arrêt cardiaque. Il a fallu le choquer deux fois pour que son cœur reparte.
- Vous en êtes à enregistrer ce genre de détail.
Comme il fronce les sourcils, je m'explique. C'est vrai quoi, un arrêt cardiaque, c'est important. Mais le nombre de choc électrique ayant servit à le remettre en route... C'est pousser à l'extrême la recherche de l’exactitude.
Et voilà, encore un qui se demande ce que je fais là. C'est mon fils qui est allongé là. Quoi de plus normal pour un père que de venir au chevet de son fils malade.
- Tu n'as pas toujours été là.
- D'autant plus ! Non, mais attend, je ne vais pas me justifier devant toi. Qu'est-ce que je dois faire pour avoir la paix ne serait-ce qu'une demi-journée ?
- Il n'y a rien à faire. Tu es un solide d'adversaire, certes, mais tu fatigues. Même tes drogues ne te permettent plus de m'endormir très longtemps.
Elle a raison. C'est sans doute pourquoi je suis là. Éli est mon fils. Il est ce que j'ai de plus cher au monde. J'aimerais lui dire au revoir avant de l'oublier, de m'oublier.
- Il faut que vous le rameniez. J'ai besoin de lui parler.
- Si cela ne tenait qu'à moi... Mais ce n'est pas le cas. Votre fils semble égaré.
- Expliquez-moi.
- Il existe plusieurs stades de coma. Du plus léger, dans lequel il a des réponses aux sollicitations cognitives. Au plus profond, où la seule chose qui sépare de la mort est bien souvent un respirateur. A ce stade, le corps n'obéit plus. Votre fils était sous respirateur avant que je ne m'occupe de lui. Il y a quelques semaines, Alicia a donné son consentement pour débrancher Éli. Normalement, il aurait dû s'éteindre. Mais, pour une raison que j'ignore, il s'est mis à respirer sans assistance. Ça a été un choc pour votre belle-fille. Je crois qu'elle avait fini par lui faire ses adieux.
- Seriez-vous en train d'insinuer que ma bru a décidé d'euthanasier mon fils sans me consulter ?
- Je vous ai consulté Hector, mais vous ne vous en rappelez plus.
- Elle ment ! Elle a voulu tuer ton fils ! Ensuite, elle s'en serait prise à nous !
Alicia me fait penser à ma défunte épouse. Pas physiquement bien sûr, sinon Éli souffrirez d'un complexe d'Oedipe. Moralement, elle a cette fougue pour défendre ceux qu'elle aime. Il y a quelques minutes, elle était recroquevillée sur elle-même à pleurer. Maintenant elle se campe derrière moi près à ...
- Tu te rends compte que tout le monde se contre fout de ton histoire.
- Lâche-moi, pas maintenant, c'est important.
- T'es-tu inquiété de l’important pour moi quand tu as avalé ces cachets ?
- Je suis désolé, laisse moi encore quelques minutes... Je t'en prie.
- Ah, tu me supplies. Ça ne te ressemble pas. Tu ramollis.
- Hector ! Qu'avez-vous à répondre ?
- T'es pitoyable. Tu restes sans voix. Tu m'écoutes ?
Je passe devant Stauros, faisant fi de toutes ces voix, celle dans ma tête, celle d'Alicia et du professeur. Je m'assoie sur le lit. Me penche vers l'oreille d'Eli et lui souffle :
- Ne baisse jamais ta garde petit. Si ton adversaire est plus fort que toi, sois rusé.
A ce moment précis, la main d'Éli se crispe. Son poing se serre sur le drap quelques secondes puis se détend. Alicia est médusée. Stauros se précipite vers son bureau qui jouxte la chambre. Je me tourne vers ma belle-fille le sourire aux lèvres.
- Il m'a entendu... Ne baissez pas les bras Alicia. Il va revenir.
- T'es content de ton petit effet. Tu n'es même pas médecin, comment tu peux lui donner de faux espoir ?
- Je t’interdis de dire cela, vipère ! Déblatère autant que tu veux sur moi, mais ne touche ni à mon fils, ni à sa femme !
- Comme si tu pouvais m'interdire quoique ce soit...

Elle a raison. Au plus le temps passe, au plus je sens son emprise sur mon esprit. Même les cachets, qui sont censé m'aider à fixer la mémoire immédiate, deviennent inefficaces. Éli, il faut que tu te battes et que tu reviennes avant que je ne perde mon combat.