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samedi 24 mai 2014

Partie 4 - Chapitre 4 - Alcinoa

Partie 4 - Chapitre 4 - Alcinoa
Retrouver le sens du toucher m'a fait un bien fou. A moins que ce soit les caresses d'Éli. Toujours est-il que je me sens dans une grande forme. C'est d'ailleurs ce qui est surprenant. Les derniers événements ont été grandement éprouvant. Pourtant, tous ces traumatismes ont cédé la place à un bien être que je n'ai pas éprouvé depuis que nous avons franchit le portail. J'ai le sentiment qu'Éli ressent la même chose. Il se montre beaucoup plus souple avec Basile. Faut dire qu'il a fait preuve de courage et qu'il est resté le dernier rempart pour nous protéger.
Les paroles de Stauros nous ont mis en garde. L'avenir va être encore plus éprouvant. Mais j'ai confiance. Le fait d'avoir faillit mourir nous a rapproché. Ça a renforcé nos liens. Même si je sais pertinemment que nous allons encore risquer nos vies, la seule pensée du réconfort que nous nous sommes prodigués me fait sourire. Je marche au côté de l'homme de ma vie. Sa main dans la mienne me rappelle la douceur et la tendresse qu'il m'a témoignée.
Mon sourire s'efface. Je repense au flot d'images que Stauros a injecté en Éli. Du fait que je lui tenais la main, j'en ai été témoin. Je suis troublé par la vue de cet homme qui semble être son père. J'ai déjà vu ce visage. L'expression de son regard m'a frappé. Je n'arrive pas à définir ou ni quand. J'ai beau passé en revue les différents épisodes récents, je ne le situe pas. Soudain je comprends. Je n'ai pas rencontré cet homme dans la réalité, mais en rêve. C'est l'homme que j'ai soigné. Il avait nagé durant un long moment. Il est parti sur une mise en garde alors qu'il était poursuivit par un monstre étrange. Comment est-il possible que le père d'Éli apparaisse dans un de mes rêves ? Ça n'est pas logique. A moins que je ne l'ai rencontré dans mon ancienne vie. Je ne vois que cette explication. Éli me serre la main doucement. Je comprends qu'il me regarde car il communique par petites pressions répétées. Je dois le détendre, retrouver ce bien être que je ressentais il y a quelques minutes. Mais je ne parviens pas à m'expliquer pourquoi. Pourquoi cet homme m'est apparu. Pourquoi m'a-t-il mis en garde contre Basile ? S'il était si néfaste, il n'aurait pas pris autant de risque pour nous défendre.
D'un autre côté, être la conscience d'Éli l'oblige à le protéger. Il a pourtant cherché à le tuer à Mycènes. Oui, mais il était sous le contrôle du Basilic. Cette quête me fait perdre la raison. Je n'arrive pas à échafauder un raisonnement cohérent. Il me manque des explications. J'ai beau essayer de fouiller dans le flot d'images transmit à Éli, rien n'éveille la moindre réponse. Les deux premières parties de sa mémoire étaient des tranches de vie. Son enfance d'abord, puis son adolescence. Cette fois, ses souvenirs concernent une personne. Comme-ci Stauros tentait de lui rappeler l'existence et l'influence de cette personne sur sa vie. L'image qui m'a le plus troublée est celle ou Éli me présente à son père. Je me suis reconnu malgré l'absence de mes ailes. Les fées ont le pouvoir de masquer la réalité aux incrédules. Pourtant, nous rechignons à utiliser ce subterfuge envers les personnes liées à notre devenir. À moins que...
... Je n'ai renoncé à être une fée pour vivre dans le monde des humains. Seulement, ça ne colle pas avec mes souvenirs. Ceux concernant les combats qu'Éli a livrés contre les ennemis de mon peuple avant notre fuite. Il y a donc deux passés différents. Ce n'est pas possible. Sauf si Basile a raison et que Stauros soit l'instrument de mon peuple pour nous séparer. Si c'était le cas, il connaîtrait Basile. Il n'aurait pas été aussi surpris d'apprendre son existence. Maintenant qu'il le sait, quel impact cela aura-t-il sur notre quête ? Il me faut mettre les choses au clair :
- Basile, penses-tu que ta présence n'engendre pas un risque pour notre quête ?
Ma question lui fait stopper sa progression. Il me scrute comme pour percevoir ce qu'elle peut bien vouloir sous entendre. C'est injuste que je puisse le voir alors qu'Éli me reste caché.
- Je ne vois pas en quoi ça engendrerait un risque. Au contraire, un combattant en plus ça soulage, non ?
- Sauf si la difficulté de notre quête se règle en fonction du nombre de personnes.
- Ça serait vicieux, mais bon, personne ne le sait.
J'ai du me rembrunir car Éli intervient :
- Tu en as parlé à Stauros ?
Devant mon signe affirmatif de la tête, Éli poursuit :
- Depuis quand le sait-il ?
- Depuis la caverne d'Arachnée. Il est apparu quand Basile est sorti pour vérifier que le boyau qui remontait vers la surface était praticable. Il y a autre chose aussi.
- Quoi donc ma chérie ?
Même si ces deux derniers mots me vont droit au cœur, j'ai l'impression d'être en pénitence.
- J'ai vu les images qu'il t'a injecté.
- Je n'ai aucun secret pour toi. Elles concernaient toutes mon père.
Basile intervient :
- Il est pas gonflé votre Stauros d'attendre que je tourne le dos pour venir.
Je n'avais pas vu ça sous cet angle. Il est vrai que d'apparaître pile au moment où Basile soit partit rend suspect son intervention. D'ailleurs Basile ne se prive pas de le souligner. C'est Éli qui émet une hypothèse :
- A moins qu'il ne puisse me rendre ma mémoire uniquement quand ma conscience ne risque pas de faire barrage.
Cette fois, c'est Basile qui se renfrogne. Soudain Éli lève son bras. Depuis le début de notre quête, je l'ai vu faire se signe avant chaque affrontement. Je ne distingue que ses brassards, mais je sais que quand il lève son bras gauche, c'est signe de danger et qu'il faut nous taire. Il m'entraîne vers un gros rocher et me souffle de rester à couvert. Je commence à en avoir marre d'être tout juste bonne à me cacher ou à guérir leurs plaies. Je sens la colère grandir en moi et avec elle, les éléments que je ne percevais plus correctement. Maintenant que j'ai recouvré le toucher, je sens les picotements significatifs. Ma colère attise le feu. Je finis pas voir de toutes petites flammèches jaillir au bout de mes doigts. Et si cette fois, je prenais part au combat. Mon odorat me révèle l'approche de ménades. Elles sont plusieurs et avances en tenaille. Je vois Éli, ou tout du moins son armure, campé sur ses deux pieds avec Basile à ses côtés. Les premières flèches fusent vers eux. Elles sont en surnombre et ne s'attendent pas à me voir. Il me faut attendre l'attaque des spadassins. Ensuite, je pourrais m'occuper des archères. Mon cœur accélère. Je ne l'ai vois pas, mais je l'ai sens. En me fiant à mon nez, je pourrais les avoir. J'en ai la conviction.
Quelle est cette lumière ? C'est Basile ! Il est parvenu à créer un bouclier de feu. Il fait quatre mètres de diamètre. Les hoplites qui fondaient sur eux stoppent brusquement leurs courses. Incroyable. Je n'en reviens pas qu'il arrive à maîtriser les éléments. Néanmoins, les archères restent un problème. Même si Éli parvient à détourner leurs traits en se servant de bourrasques, quelques flèches se figent dans le bouclier de Basile. En regardant le combat, je perçois les flèches qui franchissent le bouclier de feu. Ça me permet de définir la position des tireurs. Il y en a cinq. Les flammes se réduisent. Basile ne parviendra pas à garder cette barrière très longtemps. Éli se met à utiliser le eu pour en extraire des projectiles qu'il envoie avec rage sur les combattantes de proximité. Elles sont lestes et véloces. Chaque boule de feu rate sa cible pour s'écraser plus loin. C'est maintenant que je peux intervenir. Je profite d'une volée qui me permet de choisir une direction. Tout en restant à moitié protéger par le rocher, je me lève et balance toute ma frustration dans une colonne de feu qui ouvre une rivière de flamme. Le cri de l'archère touchée de plein fouet est bref. Pas besoin de les faire souffrir.
- Reste abritée Alcinoa ! Hurle Éli.
Je fais la sourde oreille, après tout, je n'ai pas retrouvé mon ouïe. La seconde colonne de feu dévaste tout dans la direction d'une seconde archère. Autant le cri plaintif d'une mourante circule sur une fréquence que je perçois, autant les jurons ne me parviennent pas. Je l'ai loupé. Éli franchit ce qui reste des flammes en courant dans ma direction. Il pourfend au passage la ménade sur son chemin et envoie une lame d'air que je voie passer juste devant moi. Je m'agenouille précipitamment derrière le rocher. Le gladius d'Éli tombe devant moi. Il a dû être touché. Basile fait face à quatre ménades. Son bouclier de feu est un souvenir. Je vois à son visage, que cette démonstration de force l'a considérablement épuisé. Malgré les contestations d'Éli, je me redresse pour aider notre chaperon. Je propulse de toutes mes forces un mur de feu qui incendie deux de ses assaillantes. Profitant de leur surprise, Basile réduit leur nombre. Il se retrouve en duel, ce qui est plus équitable. Mon audace me vaut d'être l'objet des tirs suivants. Éli fait obstacle de son corps. Il a dû être à nouveau touché car je vois ses brassards en direction du sol.
- Alci, je t'en prie, reste à l'abri.
Sa voix est entrecoupée d'une respiration rauque. Il souffre. Pourtant je le voie. Il utilise l'air pour que les flèches logées dans sa main et dans sa cuisse tombent au sol. C'est à ce moment que je comprends qu'il n'y a pas que la colère qui alimente sa capacité élémentaire. La peur et la douleur le transcendent. Il s'élance tel le vent vers les archères qui le criblent de flèches. Une fraction de seconde lui suffit pour mettre hors d'état de nuire chacune des belligérantes.
Basile, de son côté, parvient à se défaire de la dernière ménade. Il tombe à genou. Il est blessé à la hanche. La javeline de son adversaire la perçait de part en part. Je ramasse mon bâton et me précipite pour le soigner. Alors que son visage est empreint de gratitude, j'entends Éli grondait derrière moi :
- Tu as perdue la tête !
- Je voulais vous aider. C'est autant ma quête que la tienne !
- Je ne le sais que trop. Seulement c'est à moi qu'il incombe de te protéger et non l'inverse. S'il t'arrivait quelque chose, je ne me le pardonnerais pas.
- Qui a décidé qu'il n'y a que toi qui dois prendre des risques ? Depuis notre arrivée dans ce monde, j'ai déjà été congelée et incendiée. Tu ne crois pas que j'ai mon joug à porter. Il est hors de question que je reste en retrait. Si je dois perdre la vie, je préfère que ce soit en me battant pour survivre !
Je dois avoir haussé le ton considérablement car Basile me dévisage avec une expression indéfinissable. Comme il me voie porter mon attention vers lui, il croit bon d'ajouter :
- Moi, je compte pour du beurre ?
- Ah toi, la ferme ! Répondons-nous de concert.
- Au moins vous êtes d'accord sur ce point ! Dit-il en souriant.
Je me tourne vers Éli, le bâton à la main. Son armure pivote, il fait demi-tour en me tournant le dos. Après avoir ramassé son arme qu'il avait laissé tomber, il se remet en route sans rien dire. Je n'arrive pas à croire qu'il reprend la route comme ça, muré dans le silence. C'est notre première dispute. A cet instant me reviens les paroles de Stauros. Ce périple mettra notre amour à l'épreuve. Ce matin, j'aurais juré qu'il s'était renforcé. Maintenant, je ne suis plus sûr de rien. Je rumine, certaine du bien fondé de mon point de vue. Il boite, il est blessé mais refuse que je le soigne. C'est alors que je me rends compte que mes paroles lui ont sans doute fait plus de tords que les flèches. C'est aussi la première fois que je marche seule, sans qu'il ne me tienne la main. Je suis trois pas derrière lui et même si je ne le voie pas, je sais qu'il ne se retourne pas. Basile a l'air perdu, partagé entre Éli et moi.
- Laisse moi te soigner s'il te plait.
Je l'implore en vain. Il continue d'avancer sans ralentir le pas. Une minute après, minute qui m'a paru une heure, il finit par dire qu'il veut rallier Ambrossos avant la nuit. C'est le dernier village avant Delphes. Nous pourrons nous reposer. Je commence à m'en vouloir. Nous souffrons tous deux d'un handicap. Même si le sien est invisible, il n'en reste pas moins frustrant. Suis-je une égoïste de vouloir me battre à leur côté ? Qu'adviendrait-il de sa mémoire si je perdais la vie ? Je comprends pourquoi il ne souhaite pas que je prenne part au combat. Non seulement il me perdrait, mais il perdrait également son passé.
Alors que je suis décidée à faire la paix, c'est ce moment que choisis son père pour apparaître.


samedi 17 mai 2014

Partie 4 - Chapitre 3 - Michel Stauros

Partie 4 - Chapitre 3 - Michel Stauros.
Quel crétin ! Mais qu'est-ce qui m'a pris d'accepter que ce flicaillon vienne fourrer son nez partout. En plus, il est perclus de préjugés. Il ne peut pas être objectif. Sans compter qu'il m'a foutu dans une mouise pas possible. Daniel est parti furibond. Il n'a pas apprécié que je ne l'informe pas pour Hector. C'en est même étrange. J'ai trouvé sa réaction disproportionnée. Tous les papiers ont été faits, l'hôpital ne risque aucune attaque. Pourtant il m'a semblé nerveux. Surtout quand nous avons visionné la vidéo. Il devrait être celui qui souhaiterait le plus que l'on fasse la lumière sur les intrusions dans son établissement.
Et Alicia ! Elle m'invite au restaurant pour me planter là. Elle se barre avec le flic. Durant tout le temps de l'entretien, elle est restée muette. Ce n'est qu'à la fin qu'elle intervient. Pour quel résultat ? Je vous le donne en mille ! Se faire passer pour une femme instable. Et par voie de conséquence, je deviens nigaud de la croire. En temps normal, je n'accorde pas beaucoup d'importance à ce que pense les autres de moi. Mais il y a des limites, j'ai ma fierté.
Je n'ai pas trop le temps de m'appesantir sur mon sort. Il se trouve qu'Éli progresse plus vite que je ne le pensais. Pourquoi ? Peut être est-ce la présence de son père. En suivant le programme que j'avais instauré, il devait acquérir le sens du toucher. La particularité de ce sens est qu'il est double. Il y a le toucher direct et l'indirect. Pour m'assurer de ce dernier, j'avais branché un ventilateur. Tourné vers le lit, il doit me permettre de déceler une réaction capillaire à la fraîcheur. Je suis agréablement surpris de constater la "chair de poule" qui parcoure le bras de mon patient. Reste le direct à tester. Rien de plus simple, une plume qui remonte à fleur de peau sur la face intérieure de l'avant bras.
Je fais un bond quand la main d'Éli se referme sur mon poignet. Je n'aurais jamais cru qu'après dix ans dans le coma, il puisse encore avoir une telle poigne. Ça n'a duré qu'une seconde, mais j'ai ma preuve que la sensibilité tactile est bien revenue. Je souris en reposant sa main le long de son corps. Il n'a pas fait d'arrêt cardiaque. Enfin des résultats qui ne mettent pas sa vie en danger.
Même s'il y a de quoi être on ne peut plus satisfait, je suis inquiet. Je n'avais pas prévu qu'il aille si vite. J'avais passé du temps à créer le scénario. Il aurait dû galérer plus. Ça me donne l'impression qu'il a un soutien. S'il s'avère que j'ai raison, il va me falloir revoir le niveau de difficulté. Je ne me suis pas lancé dans cette aventure pour risquer une réussite partielle. Et s'il continue à cette vitesse, il arrivera peut être à sortir du coma, mais pour combien de temps. Il faut que je me remette au travail.
Le prochain sens est l'ouïe. Le monstre que j'ai prévu pour le garder s'appelle Polyphème. C'est un cyclope haut de plus de trois mètres et armé d'un gourdin gros comme une branche de chêne. D'après les notes d'Éli, il serait le gardien d'un troupeau de moutons. La légende raconte qu'il habiterait une île. J'ai fait une petite entorse en le plaçant sous le mont Parnasse. En quittant la ville de Delphes, il sera obligé de traverser les grottes de ce mont pour rallier Athènes. Si Éli a trouvé un allié, il est légitime que j'apporte un soutien à mon gardien. J'ai un faible pour les hommes sangliers. Ils sont brutaux, résistants et capables de les occuper pour qu'ils soient moins fringants face à mon cyclope. La mythologie dit que les cyclopes travaillaient dans les forges du dieu Héphaïstos. Ils doivent donc être capables de réaliser des ouvrages de métal, comme des pièges. Je pense qu'il pourrait manipuler le feu. Ça accentuera le danger vis à vis d'Alcinoa. Bien, je n'ai plus qu'à synthétiser tout ça et à l'implémenter dans le programme.
- Chercherais-tu à le tuer ?
La question m'a fait faire un bond. J'étais tellement concentré que je n'ai pas entendu la porte de mon labo s'ouvrir.
- Non, pas vraiment Daniel. Je lui rends simplement la tâche plus ardue.
- Dans quel but ?
- Au plus il peinera pour atteindre le but, au plus il augmentera ses chances de s'y accrocher.
- Tout de même, ça le donne l'impression d'être disproportionné.
- Depuis quand es-tu spécialiste dans ce domaine ?
Je regrette immédiatement le ton sarcastique employé. Mais Daniel a la sagesse de ne pas relever. Je tente de changer de sujet :
- Pourquoi es-tu là ?
- Disons que je veux suivre de plus près tes travaux.
- Tu ne me fais plus confiance ?
- Je veux me prémunir d'autres surprises, mauvaises surprises.
- Écoute Daniel, je te l'ai déjà dit. Je suis désolé de ne pas t'avoir mis au courant pour Hector, mais...
- Pas de ça avec moi Michel !
Je vais encore prendre une soufflante. Il faut que je parvienne à le rassurer, je ne veux pas l'avoir sur mon dos constamment.
- Très bien. Tu veux que je te transmette toutes les informations, pas de problème. Je ne ferais rien sans ton aval. Mais je ne peux pas travailler avec quelqu'un qui regarde par dessus mon épaule.
- Ce n'est pas ce que je te demande.
- Alors que veux-tu ?
- Je veux que tu changes d'assistante.
Je reste bouche bée. En fait, je ne vois pas le lien. Je fronce les sourcils alors il enfonce le clou.
- Il faut que tu trouves une raison, mais tu dois t'en séparer, le plus tôt possible. Voilà les dossiers de plusieurs candidats pour la remplacer.
- Attend, tu sais ce que tu me demandes ? Tu veux que je mente à une employée qualifiée ?
- Non, tu n'auras pas à mentir. Elle a eu un différent avec Mme Guerreor non ?
- On peut pas appeler ça un différent.
- Appelle ça comme tu veux, mais elle a reçu un coup de sa part.
Comment peut-il être au courant de ça ? Je ne l'ai fait figurer nulle part. Et j'ai demandé à Ophélie de ne pas en parler. Les vidéos ! J'ai omis d'effacer les vidéos qui enregistrent toutes les interventions. Il a du les visionner. Je ne vois que cette explication. Je repars à la charge :
- Te rend tu compte du temps qu'il m'a fallut pour la former. Elle connaît tout le programme par cœur. Elle est très efficace dans son travail. Pourquoi me faudrait-il prendre le risque de tout recommencer avec une autre personne ?
- Parce que c'est ta seule garantie pour que je ne m'ingère pas plus dans ton travail. C'est à prendre ou à laisser. Je te laisse libre de la méthode, du moment que ça vienne de toi.
- Elle risque de saisir le syndicat.
- J'en fais mon affaire. Elle ne doit pas savoir que je suis derrière ça. C'est à cette seule condition que tu auras mon soutien et que tu garderas les coudés franches.
- Je n'aime pas ça, Daniel. Tu ne peux pas me demander de faire ça.
- Non seulement je le peux, mais je le fais. Tu as jusqu'à demain soir. Sur ce, passe une bonne soirée.
La porte claque derrière lui en me faisant sursauter. Je reste prostré, réfléchissant aux raisons qui le poussent à me demander ça. Ensuite, je me torture l'esprit pour tenter d'imaginer comment je vais procéder. Ne parvenant plus à travailler, je décide de rentrer. Je referme le labo après avoir pris soin d'annuler les accès d'Ophélie. Demain va être un très mauvais jour. Il faut que je trouve une raison valable.
Je rejoins ma voiture sur le parking. Je suis songeur. Ça ne ressemble pas à Daniel de congédier un employé pour une telle raison. Si elle avait frappé Alicia, je pourrais l'admettre. Mais ce n'est pas le cas. C'est même l'inverse. A moins que ce soit Alicia qui le lui a demandé. Le seul moyen de le vérifier, c'est l'appeler. Mais si je l'appelle, il va falloir que je lui explique. Elle fait déjà des plans sur les intrusions alors là, elle aura de quoi "psychoter". Elle risque d'en parler à l'autre empêcheur de tourner en rond, voir carrément à Daniel. Je suis pris au piège. Comment vais-je m'en sortir ?
Je rentre chez moi. Je suis toujours à retourner cette situation dans ma tête. Je me sers un "Kavalan", un whisky de 20 ans d'âge. Son feu irradie le fond de ma gorge. J'essaie d'assembler les différentes pièces du puzzle. Il y a trop d'événements étranges pour que ce soit des coïncidences. C'est pas vrai... Je me mets à parler comme Alicia. Décidément elle a une mauvaise influence sur moi. Pourtant, la curieuse réaction de Daniel durant le visionnage de la vidéo, sa demande concernant Ophélie, son chantage. Ça fait beaucoup. Mais quel lien y-t-il entre Daniel et Ophélie ?
Faut que j'arrête. C'est mon patron, il est en droit de modifier les affectations du personnel. Peut-être veut-il mettre une personne à lui dans mon environnement ? Quelqu'un qui lui rendrait compte de mes faits et gestes. Vu qu'il n'a pas apprécié mes initiatives, ça reste le plus plausible. Je n'aime pas mieux cette solution. Comment faire confiance à quelqu'un si l'on est persuadé qu'elle joue double jeu ?
Voyons les candidatures. Ça me donnera peut être un éclairage nouveau sur les intentions de Daniel. Il en a sélectionné trois. C'est peu. Trois hommes, youpi, quelle chance ! Oui je sais, je suis ironique. On va mettre ça sur le compte de l'apéro qui commence à me chauffer. Je m'en sers un deuxième. En lisant les cv des candidats, j'ai l'impression d'avoir un copier-coller.

Le troisième verre me détend complètement. Je me demande ce que Daniel dirait si je choisissais un candidat en dehors de sa sélection. La décontraction laisse place à une frustration empreinte de colère. Exaspéré, je balance mon verre qui éclate au sol. Je bois au goulot. Mes idées s'embrouillent. Je m'effondre sur mon canapé avec, dans les yeux, Ophélie et Daniel dansant un tango sur une bouteille de whisky.

samedi 10 mai 2014

Partie 4 - Chapitre 2 - Basile

Partie 4 - Chapitre 2 - Basile.
On a vraiment eu chaud. Vaincre Arachnée n'a pas été une partie de plaisir. Nous avons tous donné de notre personne. Je ne vous explique pas comment mon cœur s'est arrêté de battre quand j'ai vu Alcinoa se transformer en torche humaine. Je n'arrive pas à croire qu'il n'y ait aucune trace. Hormis ses cheveux qui sont nettement plus court mai tenant. En même temps, avec une coupe flamboyante, c'est un luxe d'avoir encore des cheveux.
Éli n'est toujours pas revenu à lui. C'est vrai qu'il a pris cher. Entre les perforations, le poison et tous les coups, je crois que je serai mort. Il est résistant mais je subodore qu'autre chose l'empêche de revenir. A chaque "boss", il recouvre une partie de sa mémoire. Je présume qu'il lui faut du temps pour assimiler. Je redoute le moment ou ses souvenirs vont lui faire comprendre ma supercherie. Il est évident que je ne suis pas sa conscience. Mon seul péché est d'avoir "héberger" le Basilic. Dois-je mourir pour ça ? Il fallait que je survive, c'est le seul moyen que j'ai trouvé.
- Il faudrait rebrousser chemin vers Mégare. Notre chemin passe par les marais. Nous ne parviendrons pas à Delphes s'il reste dans le cirage.
Alcinoa ne détache pas son regard absent d'Éli. Ses mains le caressent. Elles dessinent chaque contour, chaque cicatrice. Elles soulignent chaque muscle et entourent chaque grain de beauté. Au bout de quelques minutes, elle me répond lentement en détachant chaque syllabe :
- Nous attendrons le temps qu'il faudra ici !
Elle est plus têtue que lui. Le problème, c'est qu'on est à découvert. N'importe quel monstre peut jaillir de n’ importe où et nous surprendre. Elle s'en fout. Je n'aurais qu'à m'en occuper dit-elle. Comme-ci s'était si facile.
- Tu vas bientôt arrêter de te plaindre !
Si j'ai mis quelques secondes à réaliser d'où venait la voix, Alcinoa s'est jeté à son cou.
- Comment te sens-tu ?
La question semble incongrue, mais que dire dans ce genre de situation ? Éli nous rapporte qu'il a une soif terrible. Je lui jette une outre qu'il attrape et porte à ses lèvres desséchées. Après quelques rasades, il réclame à manger. Cette fois, c'est Alcinoa qu'il lui donne quelques fruits séchés et du fromage.
- Je t'ai entendu parler d'un marais, tu expliques ?
- Pour gagner notre prochaine destination, nous allons devoir rentrer dans les terres. Le prochain village est Ambrossos. Après, si nous gardons Delphes en destination, nous allons devoir traverser les marais qui entourent les collines menant au mont Parnasse.
- Quel est le danger ?
- Rien de plus ni de moins que ce que nous avons déjà affronté. Les ichtians tiennent le marais pour leur. Et la route sera l'occasion de rencontrer satyres, ménades et autres centaures.
- Une ballade de santé alors à côté de ce que l'on vient de traverser.
Pour quelqu'un qui revient des berges du Styx, il ne manque pas d'aplomb. Mais à quoi bon ternir cette bonne humeur matinale ? Polyphème se chargera bien de nous compliquer la tâche en temps voulu. J'aide Éli à se lever. Il garde mon bras en main et me sourit franchement en me remerciant pour mon aide face à Arachnée. J'attends le pic, mais rien ne vient. Il est sincère. Ça perturbe.
- Je vais aller me décrasser dans la rivière. Ensuite nous pourrons nous nous remettre en route. Je nous ai fait perdre assez de temps.
Alcinoa lui demande pour venir avec. Je n'ai pas besoin de son regard soutenu pour comprendre qu'ils ont besoin d'un moment d'intimité. Ils ont faillit se perdre l'un l'autre. Le coup du remerciement m'a fait baisser ma garde. Ce n'est que quelques minutes après leur départ que je percute. Éli va lui raconter ses souvenirs. Ils vont établir un plan dont je serais la victime. A moins qu'ils n'en profitent pour me laisser ici tout seul. Je me précipite dans la direction qu'ils ont prise. Arrivé au sommet de la dernière dune, je me jette au sol pour les espionner. Je détourne très vite le regard. En fait, je ne crois pas qu'ils parlent beaucoup. Alcinoa doit apprécier d'avoir récupérer le sens du toucher.
Allongé dans le sable, mon regard se perd vers l'endroit ou nous avions dressé le "camp" en attendant qu'Éli émerge. Je peste contre mon délire. Si je n'avais pas imaginé qu'ils allaient partir sans moi, je ne serais pas ici en train de contempler un groupe d'homme-rats en train de fouiller nos affaires. Je ne peux pas appeler Éli car comment lui expliquerais-je que j'ai abandonné notre camp pour venir en haut de cette dune ? Dune qui permet de "mâter" leurs ébats aquatiques. Non, je suis coincé et doit m'en débrouiller seul. Très vite en plus car les bestioles vont remonter nos traces à grande vitesse. Je glisse doucement du sommet de la dune aux hautes herbes. J'ai quand même un peu de chance, le vent est avec moi et masque mon odeur. Par contre, je prends plein les narines de leur odeur pestilentielle. Ils ne sont que trois. Avec une bonne technique et l'effet de surprise, je devrais pouvoir en poutrer un et lui piquer son arme. Ça nous laissera à deux contre un.
Je mets mon plan à exécution. Je me jette sur celui qui me tourne le dos et lui brise les cervicales. Je me saisie de son arme, une épée courte rouillée pour faire face au deux autres. Le combat est inévitable. N'ayant plus l'effet de surprise, je dois esquiver leurs attaques conjointes avant de tenter une passe quelconque. Je donnerai cher pour un bouclier. Les deux monstres se montrent moins agressifs que je ne l'aurais imaginé. Au lieu de profiter du surnombre, ils se regardent comme pour inciter l'autre à charger. Je marque un fendant qui passe à deux centimètres de la poitrine du premier. Il fait un bond en arrière. Le second ne semble pas enchanté de se retrouver en face de moi. Il fait un premier puis un deuxième moulinet. Je ne bouge pas. Contre toute attente, il s'enfuie en courant, abandonnant son maigre butin. Il est vite suivi par l'autre qui jette au sol mes armes. Comble de veine, je balance l'épée que j'avais ramassée, elle se plante entre les omoplates du dernier qui explose en poussière noire. Incroyable. J'aurais voulu faire ça, je n'y serais pas parvenu. Maintenant, il va falloir nettoyer le chantier.
Tout en m'activant, mon esprit n'arrête pas de se fixer sur les confidences qu'ils vont finir par se faire. C'est inévitable. Sans compter qu'Éli va finir par récupérer des souvenirs qui lui seront révélateurs. A ce moment, il ne fera pas bon rester dans les parages. Même s'il est indéniable que j'ai fait de gros progrès, il me surclasse toujours en combat.
Tellement focalisé sur mes pensées et "le ménage" que j'effectue, je sursaute quand j'entends :
- Tu as l'intention de construire ici ?
Décidément, quelle piètre vigie. Je ne les ai même pas entendus arriver. La question suivante est plus sérieuse :
- On a eu de la visite ?
- Rien dont je n'ai pu m'occuper.
- Je te dois des excuses Basile. Je me suis montré suspicieux et désagréable.
- En même temps, j'étais ton ennemi il y a peu.
- C'est vrai, mais tu m'as prouvé que tu ne l'étais plus. Ça fait plusieurs fois que tu as pris part au combat et as protégé l'un de nous. Cette dernière fois, c'est de nous deux que tu t'es assuré.
Quel revirement ! J'en rougirais presque. Mais c'est encore trop frais pour que je n'y adhère sans arrière pensée.

Le soleil est à son zénith quand nous nous remettons en route. Nous quittons les embruns pour une atmosphère toute aussi humide : les marécages. 

vendredi 2 mai 2014

Partie 4 - Chapitre 1 - Inspecteur Egala

Partie 4 - Chapitre 1 - Inspecteur Égala.
J'en ai vu pas mal dans ma carrière. Ça fait vingt ans que je traine mes guêtres dans cette ville. Entre les règlements de compte, les trafics et tout le reste plus sordide encore, j'étais convaincu qu'il en faudrait beaucoup pour m'impressionner. Je me trompais. J'étais loin d'imaginer qu'il soit possible d'arpenter le rêve d'un autre. Encore moins de faire revenir un comateux dans le monde des vivants. Oui, je sais, tant qu'on respire, on est vivant. Mais bon, c'est pas une vie que de vivre couper de la réalité. Quoique... A bien y réfléchir, il vit dans un rêve, alors que moi, je trime dans ce cloaque. Vous vous demandez sans doute ce que je pense de ce bazar ?
Comme vous le savez déjà, je connais Alicia Guerreor. Enfin, quand je dis que je la connais, c'est une façon de parler. Je suis intervenu sur l'accident dont ils ont été victimes il y a dix ans. Par empathie, à l'époque j'avais encore ce travers, je suis resté en contact avec elle. Seulement rien ne changeait. Elle ne voulait pas accepter que son mari ne reviendrait pas. Je suis du genre à regarder droit devant moi. Je ne comprends pas ceux qui s'accrochent à un espoir qui tient plus du miracle qu'autre chose. J'avais moi aussi mes soucis. Bref, j'ai pris mes distances.
Par contre, je ne connaissais pas les autres, à commencer par ce "professeur" Stauros. Ils ont quelques choses qui me répugnent tous ces gens à titres. Ils sont, à mon avis, aussi répréhensibles que les dealers. Ils vous vendent du rêve en échange de votre argent mais refusent d'être tenus pour responsables de votre addiction. Quelle hypocrisie ! Les dealers sont jugés et écroués pour un temps. Eux, personne ne les inculpe même si l'issue de leurs expériences est souvent fatale. Michel Stauros est un véritable vampire. Il profite de la douleur des gens pour leur proposer ses services. Il ne leur promet rien, c'est "expérimental". Comme ça, si ça foire, on passe au suivant. Et Dieu sait qu'il y en a des malheureux.
- Je ne vous permets pas !
- Attend le prof ! Je suis dans mon chapitre, je dis ce que j'ai envie. Tu me fais gerber avec tes histoires à deux balles. Tu ne crois pas qu'elle n'a pas assez souffert pour lui servir ton espoir édulcoré ?
- Bien sûr, allez-y ! Traînez-moi dans la boue ! Votre esprit étroit de fonctionnaire ne peut même pas effleurer une esquisse de compréhension. Avec vous, c'est toujours comme ça. Vous pensez que nos diplômes ne valent rien tant qu'on n'a pas sauvé la vie de quelqu'un que vous respecter. Ceux que vous ne connaissez pas, ne comptent pas.
- Oh ! Hé ! Tu l'as mets en veilleuse oui. T'inquiète, t'es pas mon principal suspect.
Oui parce qu'il faut dire qu'il y a pire qu'eux. Leurs employeurs sont encore plus vils qu'eux. Tous ces chefs de cliniques, patrons d'hôpitaux qui jouent avec l'argent des malheureux et qui considèrent les praticiens comme des chevaux de courses. Tant qu'ils gagnent, ils sont rentables. S'ils se blessent, c'est l'abattoir. Daniel Persol est l'un d'eux.
C'est le patron de Stauros. Comme moi, il a découvert le petit monde de son protégé. Seulement, il n'a pas apprécié d'avoir été tenu à l'écart de certaines décisions. Comme celle de brancher un vieux farfelus atteint d'Alzheimer au stade terminal. Même si l'hôpital est un endroit où beaucoup finissent leurs jours, autant éviter que ce soit au cours d'expériences hasardeuses.
- Mes expériences ne sont pas le fait du hasard.
- Bon, s'il vous plait, le prof. Vous n'êtes pas obligé d'intervenir pour si peu.
- J'y suis contraint, vous vous laissez aller.
- N'empêche qu'il a raison sur un point : vous auriez dû me parler de cette idée farfelue.
- Elle n'a rien de farfelue. Je n'ai que faire des méandres administratifs. Il me fallait prendre une décision rapide face aux derniers événements.
Nous sommes quatre dans le bureau du prof. Il ne se refuse rien le bougre. Bureau en acajou, bibliothèques assorties et bondées de livres à grosses reliures de cuir. Un bonzaï au milieu d'une reconstitution miniature d'un jardin asiatique. Les fauteuils de bureau sont un mixte acajou et cuir de buffle. Ils sont confortables même si en nous regardant, la seule qui soit bien assise soit Alicia. Elle reste également muette comme une tombe. Elle nous écoute avec un sourire énigmatique. Je ne comprends pas le lien entre tous les événements.
On voit clairement sur la vidéo surveillance qu'une personne s'introduit dans le "bocal". Elle me fait délirer cette expression, chez nous le bocal, c'est la salle aux pièces à conviction. Bref, on ne sait pas l'identifier. Qu'est-ce qui permet à Alicia de penser que cette intrusion est liée à l'agression de son patron ? Mystère ! Ça n'est pas logique. D'un autre côté, c'est vraiment pas de veine que d'avoir deux délits dans son environnement proche. Mais ça arrive, et ça arrivera encore. De toute manière, j'ai les infos qu'il me faut. Je n'ai plus qu'à attendre que ce brave restaurateur sorte du coma.
- Sinon, je pourrais toujours vous l'envoyer !
- Très drôle.
Décidément, il est du genre susceptible, le prof. Après avoir serré la main aux deux hommes, je m'approche d'Alicia. C'est alors qu'elle ouvre la bouche :
- Il n'y avait rien sur les caméras du resto, n'est-ce-pas ?
Ça jette immédiatement un froid. J'ai beau éluder avec le couplet "confidentiel, enquête en cours", elle insiste.
- S'il y avait eu le moindre détail exploitable, vous ne seriez pas venu !
- Là, c'est trop. Je suis venu par amitié et par professionnalisme. Je ne dois négliger aucune piste. Réfléchissez à ce que vous dites Alicia ! Tout ne tourne pas autour de vous. Tout ne se résume pas à votre souffrance et à votre malheur !
Je remarque tout de suite que j'ai tapé fort. Pas besoin d'être inspecteur pour voir l'effet de ma répartie. Oui, bien sûr qu'elle a raison. Si une caméra avait enregistré l'agression de son patron, je ne serais pas venu pour une intrusion dans un labo. Je la regarde porter la main à sa bouche tandis que ses yeux s'embuent. Elle se reprend, elle est forte. Elle ne veut pas donner signe de faiblesse devant trois hommes. C'est une fois de plus le prof qui s'en mêle :
- Inspecteur, j'ose croire que dans votre métier vous en voyez de toutes les couleurs. Mais ce n'est pas une raison pour traiter les gens comme ça !
- Je sais prof, je sais.
Je n'ai pas cessé de regarder Alicia s'efforcer de garder sa contenance. Il est évident que quoique je dise, je la ferai craquer. Je la saisie par les épaules et l'assure de la contacter très bientôt. Je quitte le bureau du prof le premier, en proie à une réflexion profonde. Je tourne dans le couloir menant à l'ascenseur que j'appelle en appuyant sur le bouton. Une fois à l'intérieur, j’attends que les portes se ferment et appuie sur l'étage, disons plutôt, le sous sol requis. Puis, comme dans les films, une main entrave la fermeture au dernier moment. Une main de femme...
- Alicia, je suis conscient d'y avoir été un peu f...
Ce n'est pas Alicia mais une plantureuse infirmière. Non, ça fait vraiment cliché. Elle me sourit, appuie sur le bouton correspondant à sa destination et me tourne le dos. J'avoue laisser mon regard trainer sur les courbes quasi parfaite de cette beauté au parfum entêtant. L'ascenseur s'ouvre pour la laisser passer. Elle sait pertinemment que je la mate, d'où le petit geste de la main en guise de salut. Un coupé sport l'attend. Elle ouvre la portière sans même un regard vers moi. Le bolide démarre en trombe, j'ai juste le temps de lire l'immat, par réflexe.
Une fois dans ma C4 de fonction, j'allume mon PC. J'entre l'immatriculation, histoire de voir qui sort avec l'infirmière de mes rêves. Tandis que le pédigrée du propriétaire de la voiture s'affiche, ma portière s'ouvre brusquement.
- Vous ne verrez pas d'inconvénient à me ramener chez moi, inspecteur ?
Je n'ai pas le temps d'infirmer ou de confirmer qu'Alicia monte déjà dans la voiture. J'appuie trop tard sur le bouton "veille" de mon ordi. Elle a aperçu l'homme.
- Vous lui voulez quoi à David ? Il n'a pas payé une contravention pour excès de vitesse ?
- Vous le connaissez ?
- David Tennant ? Bien sûr, c'était le meilleur ami de mon mari.