Partie 5 - Chapitre 2 - Alcinoa.
Soigner Éli m'a demandé plus
d'énergie que je ne le pensais. Ses blessures étaient beaucoup plus profondes
qu'il n'y paraissait. Comme-ci l'électricité l'avait brûlé autant à l'intérieur
qu'à l'extérieur. Éli avait déjà utilisé les éléments de manière à devenir
l'élément voulu, comme l'air. Jamais il n'en avait subi de séquelles. Je ne
pensais pas qu'il puisse manipuler de la sorte. Son action a permis de
terrasser Polyphème. Je n'ai fait que finir le travail. Maintenant, il dort
d'un sommeil agité. Je vois ses yeux bouger sous ses paupières.
Je suis seule à être éveiller.
Basile est lui aussi harassé de fatigue. Il n'a pas eu de chance. En se
précipitant dans la caverne, il a déclenché un piège incendiaire. Il a pris de
plein fouet une explosion de feu et la vague sonore du cyclope. Heureusement
pour lui que les deux éléments se sont annulés. Sinon, il serait mort.
Tandis que je passe mes mains
dans les cheveux d'Éli que je ne vois pas mais que je sens au toucher, je tressaille
au bruit de pas qui s'approchent. C'est avec un temps de recul que je réalise
que j'entends. Une forme humaine se découpe dans les rayons du soleil filtrés
par les feuillages environnants.
- Bonjour Alcinoa. Je vois que
vous veillez sur vos partenaires telle une déesse protectrice.
Stauros ! Il n'y a que lui pour
arriver de la sorte. Je sens la colère et la frustration montées en moi.
- Vous ! Qu'allez-vous nous faire
encore subir ?
Il s'approche d'Éli et le
contemple d'un regard vague.
- Moi, rien du tout ma chère. Je
ne suis pas l'initiateur de vos actions.
- Vous êtes quand même derrière
tout ce qui nous arrive ! Vous êtes responsable de son état.
Je montre mon amant allongé sur
le sol, la tête posée sur les genoux. Je n'arrive pas à définir son expression.
Est-ce de la compassion ? De la pitié ? J'espère que non. Délicatement, je pose
la tête d'Éli sur un tapis de mousse. Je me relève pour faire face à Stauros.
Je porte ma main à l'épée qui pend à mon côté. J'avoue, j'ai envie de me jeter
sur lui.
Avant que je ne me décide, il
s'accroupie devant Éli et pose sa main sur ses yeux. Une lumière diffuse rend
ses doigts presque transparents. Il lui rend un nouveau pan de sa mémoire. Que
va-t-il découvrir ? Une nouvelle preuve de la futilité de cette quête ? Une
profonde lassitude m'étreint. Elle doit transparaître car Stauros se montre
prévenant.
- Vous arrivez bientôt au terme
de votre route. Tout deviendra alors très clair. Les questions qui vous hantent
trouveront leurs réponses. Vous pourrez alors souffler et reprendre une vie
normale.
- Il nous reste encore un
adversaire.
- Oui, le Jarkore vous attend à
Athènes. Ne sous-estimez pas cet adversaire. C'est sans aucun doute le plus
redoutable. Je n'ai le droit de vous donner qu'un indice : "L'Union fait
la force !"
Même si j'avais voulu plus
d'explications, Stauros avait disparu. Par contre, Éli ouvre les yeux. Comme il
plisse les sourcils, je comprends que je suis dans la lumière. Je me déplace
légèrement et m'approche pour l'embrasser. Il a un mouvement de recul qui me
choque.
- Qu'y-a-t-il mon amour ?
Il balbutie. Ses mots sont
incohérents. Mais sa phrase me trouble.
- Pourquoi irradies-tu de la
lumière ?
C'est impossible. Nous sommes à
l'ombre d'un grand arbre. Pourtant, il a raison. Mon corps irradie une lueur
douce. C'est encore un coup de Stauros. Juste avant de dire ses derniers mots,
il m'a touché l'épaule. Éli persiste en me faisant réaliser une chose pourtant
si évidente que je ne saisie pas pourquoi je ne l'avais pas remarqué :
- Tu me vois maintenant ?
- Oui, je te vois. Juste toi,
rien d'autre.
Je suis toujours aveugle, mais je
vois Éli, comme quand il devient un élément. Se pourrait-il que l'électricité
est modifié son corps ?
- C'est Stauros qui t'a rendu la
vue et t'as mise dans cet état ?
- Je ne vois que cette
explication.
- Ou est Basile ?
Je constate avec soulagement
qu'il reprend ses esprits. Je lui réponds qu'il est allongé à l'ombre de la
grotte. Éli se relève doucement. Son visage est crispé, l'effort doit être
douloureux. Tandis que je porte la main à mon bâton, il me fait non de la tête.
Il veut aller voir Basile. A moins qu'il ne veuille vérifier dans la pénombre
de la grotte si je rayonne toujours. Quand nous entrons, nous découvrons notre
ami adossé au mur. Il tourne la tête vers nous et sourit.
- C'est gentil de passer le voir.
Visiblement, il ne semble pas
voir la moindre aura autour de moi.
- Quand tu nous regardes, tu ne
remarques rien ? Demande Éli.
- Donne-moi un indice, là comme
ça, je donne la langue au chat.
Éli s'écarte de moi et se campe
bien en face. Il me regarde des pieds à la tête, puis revient sur Basile.
- Tu ne vois rien autour
d'Alcinoa ?
En faisant un signe négatif de la
tête, je l'affranchis en lui parlant de l'aura qu'Éli et moi voyons nettement.
Il nie à nouveau. Il semblerait que nous soyons les seuls à la percevoir.
Heureusement, car si tous les monstres me voyaient ainsi, je deviendrais une
cible facile pour le premier sniper. Je propose de nous reposer et de manger un
morceau. Vu l'état général des troupes, mes compagnons acquiescent de concert.
Éli se laisse tomber assis à côté de Basile. Il regarde autour de nous afin
d'habituer ses yeux à l'obscurité de la grotte. Je tourne mon attention vers
l'endroit qu'il fixe. Il y a un gros coffre en fer sculpté. Je ne l'avais pas
remarqué jusque là. Faisant un pas pour m'approcher, Basile m'en dissuade :
- Attention ! Il y a peut être
encore des pièges comme celui que j'ai déclenché.
Je reviens en arrière et m'assoit
à côté d'Éli. Après tout, il sera encore là une fois que nous aurons mangé. Je
tends à chacun un morceau de pain et de la viande séchée. Puis nous buvons une
grande rasade d'eau fraîche. Éli est songeur. Sans doute réfléchit-il aux
souvenirs que Stauros lui a rendus. Je me tourne vers lui, il me sourit pour me
rassurer. Il devine que je m'inquiète de notre devenir.
- Je ne pensais pas que tu aurais
été capable d'en finir avec le cyclope.
- Moi non plus. Si on m'avait dit
avant que j'assénerais le coup final, je n'aurais pas voulu y croire.
- Quoi ! C'est toi qui as achevé
Polyphème !
Nous expliquons à Basile ce qu'il
a manqué. Comment Éli est devenu la foudre, se déplaçant à grande vitesse. Le
coup magistral qu'il lui a porté, le sonnant pour la peine.
- Je n'ai eu qu'à lui plonger
l'arme d'Éli dans l'œil pour l'achever.
Basile est impressionné. Il nous
fait remarquer que c'est le premier boss que je me fais. Il fait le lien entre
cet acte et mon aura qu'Éli et moi voyons. Nous n'avions pas envisagé cette
possibilité. Ça éveille ma curiosité. Je demande donc à Basile :
- Tu crois que ça pourrait
expliquer aussi le fait que je distingue Éli également ?
- Je ne sais pas. Peut être. Je
dirais que votre relation a franchit une étape. En faisant ça, tu nous as sauvés
la vie. Attention, je ne dis pas que tu ne l'avais pas fait avant, notamment en
nous soignant. Mais cette fois, c'est différent, non ?
Nous restons silencieux face à
cette question. C'est vrai au jusque là, c'était toujours Éli qui avait battu le
boss. Je n'avais fait que participer et soigner. L'idée tenait la route. De
toute façon, nous ne pouvions être sûr de rien, mais peut être qu'Éli serait
moins enclin à s'inquiéter pour moi.
Le soleil doit être à son zénith
car les rayons entrent moins profondément dans la grotte. Éli se met debout et
sors pour vérifier son affirmation.
- Midi ! Nous avons le restant de
la journée pour franchir le mont Parnasse. Nous ferions bien de nous mettre en
route.
Joignant le geste à la parole,
Éli ramasse plusieurs pierres qu'il jette vers le coffre. Rien ne bouge, pas de
piège. Il s'approche bientôt suivi de Basile et moi. Il soulève le couvercle et
découvre le contenu. Une épée, un kopis, dans un fourreau finement travaillé.
Quand il dégage la lame, je remarque de suite qu'elle possède la même aura que
moi.
- Elle te revient, c'est ton trophée.
Je passe la sangle du fourreau
autour de mon épaule et le fixe de façon à ce que je puisse le saisir en
passant ma main au dessus de la tête. Nous ramassons l'or et les pierres
précieuses pour découvrir une cape en soie noire.
- Elle est particulière. Je
ressens son lien avec l'élément air.
Éli le la passe sur les épaules
et rabat le capuchon sur mon visage. Je les vois stupéfaits.
- C'est une cape d'invisibilité.
C'est génial. En cas de danger, tu pourras disparaître.
Je retire le capuchon. Éli devine
que je n'ai nullement envie de me cacher. Il pose ses mains sur les miennes
tout en me soufflant un "s'il te plaît". Après tout, mieux vaut
l'avoir et ne pas s'en servir que d'en avoir besoin après s'en être privé.
Nous nous mettons en route, nous
enfonçant dans les entrailles du Parnasse à la lumière de torches. Je ne sais
toujours pas ce que Stauros lui a rendu. Mais je suis certaine que le moment
venu, il le dira.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire