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samedi 15 novembre 2014

Partie 5 - Chapitre 10 - Basile

Partie 5 - Chapitre 10 - Basile.
J’ouvre les yeux après un battement de paupières. C’est la première fois que je vois cette pièce. Les murs sont faits de torchis. Le plafond est en bois, des planches grossières qui laissent apparaître le chaume qui doit servir d’isolant. Sur ma droite, face à la porte d’entrée, une cheminée dans laquelle pend un chaudron. Le sol est en terre battue. Les meubles sont en bois rudimentaire.
Face à moi, deux personnes. Elles me tournent toutes deux le dos. Elle, une fée gracieuse qui porte une armure qui lui retient les ailes dans le dos. Elle arbore une longue chevelure tressée à la couleur nuancée de rose au parme. Ses courbes sont voluptueuses, à damner un saint. Heureusement, je n’en suis pas un. Lui, peut être. Il a les mains posés contre le mur, de chaque côté d’une fenêtre ridiculement petite. Il regarde au sol en secouant la tête dans un mouvement de négation. Comme s’il était blasé par quelque chose. Les deux se tournent vers moi. Elle a un regard mitigé. Il me transperce des yeux. C’est fou, j’ai vraiment l’impression d’être dix ans en arrière, mais dans un péplum. J’ai devant moi, Elliot Guerreor attifé comme un fantassin et sa femme transformée en fée.
- Basile, tu les as amené jusqu’à nous !
Qui est ce « Basile » ? Moi ? On dirait bien qu’il me parle. A moins qu’il n’évoque un personnage qui n’est pas présent.
- Euh, plaît-il ?
L’entrée fracassante d’un soldat grec me sauve la mise.
- Le général Léonidas vous fait mander.
La fée entraîne Eli à la suite du spartiate. Elle se tourne vers moi et me dit :
- Viens Basile, ne t’inquiète pas, ça va lui passer.
En passant devant la fenêtre, je vois mon reflet. Je suis, moi-même, revêtu d’une armure de cuir cloutée, d’une large ceinture à laquelle pend une épée. Je porte une jupe, non, ce n’est pas possible ! Quelle honte d’être fringué de la sorte. Pourtant, tous les soldats que je croise portent le même type d’accoutrement. Il n’y a bien qu’Eli pour rêver de choses pareilles. Je suis tellement accaparé par l’environnement que je manque de lui rentrer dedans alors qu’il vient de s’arrêter. J’ai là l’occasion rêvé d’en finir avec lui. Je n’ai qu’à dégainer et lui enfoncer ma lame à la base du cou. J’en suis encore à tâter la poignée de mon arme, plongé dans l’indécision, quand il s’écarte. Je fais maintenant face à un colosse en armure dorée. Elle est tellement sculptée qu’on la dirait moulée sur son corps sculptural. Il porte à la main son casque de guerre dont la bannière rouge ondule au vent. Son visage est fermé. Il a les traits taillés à la serpe. Son regard est pénétrant, il affirme son autorité uniquement en vous fixant. Mais quand il se met à parler, sa voix ne tolère aucune contestation.

- Est-ce toi qui a amener le Jarkore jusqu’à nous ?
Vu la tronche qu’il tire, je ne sais pas quoi répondre. Ma seule certitude est que j’ai plutôt intérêt à donner la bonne réponse. Le problème, c’est que je ne me souviens pas d’avant. Quoi, vous ne suivez pas ? Bien, je vous explique. Je ne suis pas Basile, je suis dans son corps. Euh, non, je ne suis pas le basilic, lâchez-moi avec ça ! Bon ! Tanpis, je lui réponds :
- Je n’en sais rien. C’est possible…
Ma réponse évasive a le mérite de m’accorder un sursis. A moins que ce ne soit ce que l’on entend :
- GRECS ! LIVREZ-MOI VOS INVITES !
- JAMAIS !
- Général, avant de répondre de la sorte, vous feriez mieux de regarder à l’extérieur d’Athènes ! Lui répond le Jarkore, enfin je crois.
Au même instant, un soldat chargé de veiller sur le mur d’enceinte s’écroule, le corps criblé de flèches. Celui qui nous harangue continue :
- Vous ! Spartiates ! Etes-vous réellement prêt à mourir ici, dans une ville qui vous a tant fait souffrir dans le passé. Une ville que vous avez toujours détestée !
Je ne sais pas qui il est, mais il semble bien renseigné sur l’histoire de la Grèce antique. Visiblement, en titillant les spartiates de la sorte, on sent bien monté la grogne. C’est alors que Léonidas répond :
- Nous ne laisserons pas des grecques, fusses-t-ils Athéniens, périrent par des mains de monstres ! Maintenant, plutôt que de crier de loin, VENEZ GOÛTER AU FER SPARTIATE !
Tous les soldats du Général poussèrent un cri en levant leurs armes. Si je n’ai pas sursauté quand Léonidas a levé le ton, j’ai du me plaquer les mains sur les oreilles quand ils se sont tous mis à hurler. Mais qu’est-ce que je fous ici ? Oui, je sais, je suis venu pour celui qui maintenant s’adresse au général en lui parlant à l’oreille. Je ne sais pas ce qu’il lui dit, mais il me toise d’un air sombre.
- C’est hors de question ! Vous êtes un héros, mais je ne peux pas vous laisser seul face au Jarkore.
- Je ne suis pas seul, général. J’ai Alcinoa et Basile à mes côtés. Nous avons passé à travers tellement d’épreuves, que je suis sûr que nous relèverons ce nouveau défi. Sans compter que vous aurez à défendre Athènes.
- Il faut déjà qu’ils franchissent les murailles, ça nous laisse…
Si ce bon vieux général voulait dire « du temps », je crois qu’il se met le doigt dans l’œil jusqu’au coude. Le craquement du bois sous les coups de bélier ne présage rien de bon. Par contre, si Eli arrive à le convaincre, ça fera mes affaires. Une fois seuls, je pourrais facilement le terrasser. Si nous devons faire face à un adversaire, il n’y aura rien d’étonnant à ce que j’ai l’arme à la main. Une fois Eli à terre, il ne me restera qu’à retourner d’où je viens et j’aurais gagné.
- Bien, je crois que je n’ai pas le choix. Nous ne pourrons pas tenir à 300 sur deux fronts. Si le Jarkore veut vous avoir, nous aurons les coudés franches pour faire face à l’armée qui veut entrer. Bonne chance Eli.
Ce dernier se tourne vers moi. Il me fait un signe de la tête pour m’inviter à le suivre. Il me passe devant, la fée lui emboîte le pas. J’ai toujours la main crispée sur la garde de mon glaive. C’est alors que je le voie saisir son arc, il nous mène au combat, c’est le moment. Ma lame est à la moitié du fourreau quand il se retourne pour me parler :
- Basile, Alcinoa, le général pense que le Jarkore tient l’acropole. Il ne pourra donc nous rejoindre qu’en descendant l’escalier qui est au bout de cette rue. J’attends de vous que vous vous mettiez en planque de chaque côté.
- Je ne suis pas d’accord. Il faut que nous fassions front ensemble Eli !
Oulà, il y a de l’eau dans le gaz entre les époux Guerreor. Par contre, je suis d’accord avec elle, car si nous ne sommes pas ensemble, je n’atteindrais pas mon but. Je n’ai pas envie de rester plus que nécessaire dans ce rêve débile.
- Moi aussi, je suis pour. L’union fait la force, si on se sépare, le Jarkore nous vaincra.
Le visage d’Eli se crispe. Il n’apprécie pas mon avis. Je décide d’enfoncer le clou :
- Tu n’as aucune chance sans nous.
Il se décompose. Je dois toucher exactement le point sensible. Si je continue, il va exploser. J’aurais ainsi l’occasion de le vaincre. Je dois le pousser à s’en prendre à moi.
- Combien de fois est-ce que je t’ai sauvé la mise, hein ? Qu’est-ce qui peut bien te faire croire que tu le battras, toi seul ?
Je vois son visage blanchir. Je connais bien Elliot Guerreor. Quand on arrive à ce niveau, il est déjà bouillant de colère. Il ne tolère pas qu’on doute de ses capacités. Seulement, il a une chance insolente, celui d’avoir une femme exceptionnelle. La fée intervient :
- A quoi tu joues Basile ? Tu crois peut être que nous aurions pu survivre sans le concours des uns et des autres ? Tu dois la vie autant à Eli, que lui te la dois. C’est en équipe que nous sommes parvenus jusqu’ici, c’est en équipe que nous continuerons.
Cette dernière phrase était plutôt destinée à Eli qu’à moi. J’ai un sentiment étrange vis-à-vis de cette fée. Elle a les traits d’Alicia, mais pas son caractère. C’est bizarre, on dirait… Non, ça n’est pas possible. Je n’ai pas le temps de réfléchir davantage. Plusieurs flèches à l’empennage noir se figent au sol à moins d’un mètre de nous. Vu la façon dont elles se sont plantées, les archers auraient pu nous avoir. C’est pour attirer notre attention et c’est réussit.
Je lève les yeux vers les escaliers qui mènent aux Propylées. Sortant de l’ombre des colonnes, un homme athlétique se dirige d’un pas sûr vers nous. Sa voix s’élève, portée par l’acoustique de l’environnement.
- Si vous tentez de m’atteindre de loin, mes archers vous transperceront !
Il est trop tard pour le duel face à mon adversaire de toujours. Il va nous falloir déglinguer ce pantin avant que je puisse lui donner sa dernière leçon. Eli lui répond :
- Qu’est-ce que tu veux ? Pourquoi ne pas nous tuer de loin, si c’est si simple ?
Il est dingue. Pourquoi ne pas se foutre à poil tant qu’on y est. Mais l’autre n’est pas gêné de faire la conversation à longue distance, quoiqu’elle s’amenuise.
- Je détiens le dernier sens de ton amie. Notre duel est écrit. Mais je te préviens. Ce n’est pas innocent que je sois le dernier de tes adversaires. Les autres n’étaient que des minables.
- C’est sympa pour eux ! Je suis sûr qu’ils vous tenaient en haute estime également.
Il éclate de rire. J’hallucine, on dirait de vieux potes qui se mettent en boite. Pourtant, quelque chose me dérange. Je scrute l’homme qui s’avance. Bien qu’il soit masqué, sa démarche ne m’est pas étrangère. Il porte une armure qui semble être le juste milieu entre souplesse et solidité. Quelle peut-être la matière ? Du cuir cousu sur une cotte de maille ? Ce n’est pas ses vêtements qui me chagrinent. Non, ça vient d’autre chose. Quand il se remet à parler, je n’en reviens pas :
- Je te propose un duel à mort. Toi contre moi. Ni plus, ni moins.
- Bien sûr, et si je te bats, tes archers nous finiront.
- Si tu gagnes, mes archers ne te poseront plus aucun problème, crois moi.
Le voilà au bas des escaliers. Il se dresse face à nous, de l’autre côté de la petite place ou nous nous trouvons. Si l’intensité du moment n’était pas aussi palpable, je pourrais m’extasier devant la magnificence de l’acropole en arrière plan. 

Dire que c’est un champ de ruine maintenant. Il n’y a bien qu’Eli pour rêver de choses disparues. La fée est inquiète, ça s’entend au son de sa voix.
- Eli, tu ne vas pas le croire.
- Mon amour, s’il ne tient pas parole, tu n’auras qu’à le carboniser. Mais, j’ai une étrange impression. Il ne plaisante pas. Ne me demande pas de l’expliquer, mais je suis convaincu que ce duel va mettre un terme à notre quête, d’une manière ou d’une autre.
Il cueille son visage aux creux de ses mains et pose ses lèvres sur les siennes. Je les ai vu le faire des centaines de fois. Et comme à chaque fois, la jalousie me consume de l’intérieur. Pourquoi lui et pas moi ? Qu’a-t-il de plus que moi ?
Eli pose son arc, son carquois au sol. Il dégaine son gladius tout en se dégageant de l’étreinte de la fée. Je n’en reviens pas de faire et dire ça. Alors que je lui attrape le bras, je lui dis :
- Laisse-le. C’est sa révérence.
Je suis incapable de vous décrire la lueur que j’ai vu dans le regard de cette femme aux allures si fragile. Mais je peux vous assurer qu’elle n’a rien d’une poupée de porcelaine.
Les deux adversaires se jaugent, à quelques mètres l’un de l’autre. Chacun porte gladius et bouclier. Seul le Jarkore porte un masque. Quelque soit l’issue du combat, je suis gagnant. Soit il meurt et je n’aurais plus rien à faire ici. Soit il survit, et la fatigue me rendra la tache plus facile. Je n’ai qu’à savourer le spectacle et attendre la fin.
Ah, ça y est, ça commence !



mardi 11 novembre 2014

Partie 5 - Chapitre 9 - Inspecteur Egala

Partie 5 - Chapitre 9 - Inspecteur Egala.
Entendre la voix d'un étranger quand on téléphone chez soi est extrêmement surprenant. Mais quand le message vous fait comprendre que la personne qui vous est le plus cher au monde est en danger, alors là, la tension monte de plusieurs crans.
- Qu'est-ce que vous voulez ? Ou est ma femme ? Vous n'avez pas intérêt...
- Ola, déjà des menaces... Vous êtes pathétique.
- Qui êtes-vous ?
- Ai-je vraiment besoin de me présenter, inspecteur Egala ?
- Je ne reconnais pas votre voix, ARRÊTEZ CE P’TIT JEU !
Je n’ai pas le temps de passer à la salve d’insultes qui me venait à l’esprit, Kat m’arrache le téléphone des mains.
- Inspecteur Labry, déclinez votre identité.
Un rire éclate, tellement fort que je l’entends bien que le kit main-libre ne soit pas branché.
- Bonjour Inspecteur, repassez-moi de suite votre collègue… A moins que vous ne vouliez avoir du sang sur la conscience.
Kat me tend à nouveau le téléphone. Sa main tremble. Est-ce la peur ou l’énervement ? La voix de mon pire cauchemar me hérisse le poil. Mais ce qu’il me dit me remplit de terreur.
- Votre femme et vos deux enfants ont une heure, peut être deux. Après quoi, l’oxygène viendra à manquer.
Il me donne l’adresse que je répète à voix haute. Kat a déjà mis le moteur en marche. Elle démarre sur les chapeaux de roues. La voix désagréable reprend :
- Vous noterez que je n’ai tué personne. J’ai laissé votre famille en pleine santé. S’il leur arrive quelque chose, ça sera votre faute. Maintenant, je vous laisse, vous avez fort à faire.
De nouveau, un rire sardonique éclate avant de couper la communication. Tout en roulant, Kat avait appelé la brigade pour le plus de collègues viennent nous donner la main. L’adresse est celle d’un grand chantier de construction gigantesque. L’idée même de la surface à couvrir me fait paniquer. Je suis plutôt d’une nature pacifique. Je n’aime pas utiliser mon arme de service, mais la haine grandit en moi au point que je me sens tout à fait capable de loger une balle entre les deux yeux de ce psychopathe. Le problème, c’est que je ne sais pas qui il est.
- C’est Tennant, c’est obligé. Il a du avoir vent que nous étions sur ses talons, du coup, il s’en prend à toi.
Je n’en reviens pas de prononcer les mots qui suivent :
- On n’a aucune preuve. De plus, ce n’est pas parce que nous sommes sur cette affaire que c’est obligatoirement notre suspect. Comment pourrait-il savoir que nous le suspectons ?
Kat tape sur le volant. Elle a l’air autant affecté que moi. Elle me demande d’appeler le QG pour savoir si d’anciens criminels auraient été relâchés récemment. Mon collègue me confirme ce que je pensais, impasse ! Pas de voyous que j’ai mis à l’ombre libérer dernièrement. Nous arrivons sur le chantier. Même le capitaine est de sortie. Il me crie après :
- EGALA, qu’est-ce que vous faite là ?
- C’est ma famille chef, vous ne croyez pas que je vais rester sans rien faire !
- Ce n’est pas ce que je vous demande ! Laissez nous faire ici, les chiens sont déjà en chasse. Retournez chez vous, cherchez des signes éventuels. Votre femme est astucieuse, elle vous aura peut être laissé un indice.
- Chef, vous ne pouvez pas…
- EGALA, C’EST UN ORDRE !
Là, je vois rouge. Je m’avance vers le capitaine, la rage montante me faisant blanchir. Kat essaie de me retenir vainement. Quand il ne me reste qu’un pas à faire, je prends une énorme claque en pleine figure qui m’assomme à moitié. Vu la taille des mains du chef, il n’est pas étonnant que je vois trente six chandelles.
- Quand vous aurez fini de faire votre caprice, vous pourrez faire votre boulot de flic ! Labry, emmenez le, et magnez vous.
J’ai toujours cru que prendre une baffe de la sorte aurait plutôt accru ma rage. Ben non. Le coup m’a clamé direct. A ce moment précis, j’ai l’impression que mes idées se sont remis dans l’ordre. Ce n’est plus l’affectif, mais rationnel qui prend le dessus. Le chef a raison. Nat ne se sera pas fait enlever sans me laisser un indice. A moins que… NON ! Faut que je me concentre sur le rationnel et que je fasse confiance à mes collègues. Je croise le regard du capitaine. Pas un mot de plus, juste un accord tacite entre deux hommes qui se respectent. Dont l’un à une joue toute rouge.
Kat me laisse le volant, j’enfonce la pédale d’accélérateur, direction ma maison. Derrière le bruit du moteur qui vrombit, je laisse mon esprit tenter de faire la part des choses. Je sens pourtant une force en moi saper les fondements de ma raison. Le deux tons hurle, les voitures s’écartent comme elles peuvent. Le paysage défile à grande vitesse. Ma rage me fait prendre des risques qui obligent Kat à me dire :
- Si on meurt en route, ça ne les aidera pas !
Le temps que le concept me parvienne, nous sommes arrivés. La maison est toute lumière éteinte. Je sors mes clés et ouvre la porte. J’appuie sur l’interrupteur tout en dégainant mon arme. Je sais ce que vous vous dites, à quoi bon dégainer, le coupable n’est certainement pas là. C’est un vieux réflexe de flic. Kat et moi nous séparons, elle reste en bas tandis que je prends l’étage. Rien d’anormal dans les escaliers, ni sur le palier. En face, j’ouvre la chambre de mon fils. Comme à son habitude, les jouets traînent un peu partout. La chambre de ma fille est quelque peu mieux rangée mais ne m’apporte rien en termes d’indices. J’avance vers notre chambre. Nathalie a du se changer. Plusieurs tenues sont posées sur le lit. Sérieusement, qui prendrait le temps de choisir sa tenue avant de se faire enlever. Je fronce les sourcils devant le paradoxe de la situation, quand Kat m’appelle.
- Mike, tu devrais venir voir !
Je descends les marches quatre à quatre. Qu’a-t-elle bien pu trouver ? Je déboule dans la cuisine pour voir ma collègue appuyée sur le frigo. Elle tape du bout de son arme sur le planning familial. Il est écrit : « 18H00 Nocturne du zoo ». Kat et moi nous regardons, on se comprend. La pendule sonne vingt heures. Le parc est à l’autre bout de la ville. Voilà déjà trois quart d’heure de passé depuis le coup de fil le plus horrible de ma vie.
- Kat, je me demande si on ne s’est pas fait banané.
- Je n’osais pas te le dire, il n’y a qu’un moyen de le savoir.
- Oui, mais si on se plante…
Je laisse la phrase en suspens car j’entends le bruit d’une voiture qui arrive. Je me précipite vers l’entrée et manque d’envoyer valser mon fils qui courrait dans la direction opposée. Je le prends dans mes bras en le serrant de toutes mes forces. Lui n’en comprend pas la raison, gigote pour se défaire de mon étreinte. Nat arrive, le visage inquiet. Faut dire que la voiture est garée en travers de la route avec le gyrophare qui fonctionne encore.
- Mike, qu’est-ce qui se passe ?
Après avoir reposé le fiston au sol, je serre ma femme dans mes bras en laissant échapper un long soupir de soulagement. Bien qu’elle ne soit pas très friande des démonstrations affectives publiques, elle comprend qu’il y a du se passer quelque chose qui m’a ébranlé. C’est Kat qui explique brièvement à Nat les derniers événements. Puis elle appelle le chef pour lui dire de stopper les recherches.
- Chéri, pourquoi t’aurait-on fait croire à notre enlèvement ?
- Pour m’éloigner de l’endroit ou nous devions effectuer une planque. Je ne vois que ça.
- Alors, retourne vite là-bas, il n’est peut être pas encore trop tard.
Kat sourit de me voir presque mis dehors par ma femme. Je l’embrasse en lui soufflant de bien fermer toutes les portes à doubles tours. Elle acquiesce en me murmurant un « je t’aime ».
Nous reprenons la voiture, mais cette fois-ci en mode discrétion. Kat a repris le volant, elle roule nerveusement démontrant son agacement.
- Si c’est pour nous éloigner de la planque, c’est bien Tennant l’auteur du coup de fil.
- C’est ce que tout semble indiquer en effet. Mais pourquoi prendre un tel risque ? Il doit se douter que maintenant il va avoir un mandat d’amener au cul.
- Tu m’étonnes, le chef était furax. Mobiliser quarante personnes sans compter la brigade canine pour une fausse alerte, tu vas prendre un savon.
- Il m’a déjà mis une tarte, ça devrait suffire non ? Sinon, on la joue comment ?
- On ne rigole plus. On rentre et on arrête tout le monde.
- Ok. On va avoir une longue nuit, tu le sais.
- Ben en fait, on devait planquer toute la nuit, alors, quelques interrogatoires, ça changera.
A peine arrivé au motel, nous nous sommes précipités vers la chambre que nous étions censés surveiller. Un solide coup de pied dans la porte eut raison de la serrure. Ce que nous y avons découvert, nous a surpris. Nous étions loin de nous imaginer que cette personne serait là, attachée aux barreaux du lit à moitié nu. Nous nous sommes approchés, tout en jetant un œil circulaire à la pièce ainsi qu’aux toilettes. Personne d’autre. Je me suis approché pour prendre son pouls.
- Il vit ! Soit il dort, soit il a été drogué. Appelle les urgences qu’ils envoient une voiture.
- Bon, ben, ça ne sera pas pour ce soir l’interrogatoire. Ecoute, Mike, rentre chez toi, t’en a assez bavé aujourd’hui. Je gère. Passe me prendre demain à l’hôpital, je vais rester avec lui cette nuit.

Je ne me suis pas fait prier. A peine ai-je quitté Kat, que je me mets à penser à cent à l’heure. Néanmoins, une seule question m’obsède : Pourquoi ? 

mardi 21 octobre 2014

Partie 5 - Chapitre 8 - Alcinoa

Partie 5 - Chapitre 8 - Alcinoa.
Éli m'inquiète beaucoup. Il est de plus en plus taciturne. On dirait qu'il s'éloigne de nous, de moi. À chaque fois qu'il se réveille, il met de plus en plus de temps à émerger. Je tente de l'inciter à me parler, mais il me répond toujours la même chose :
- Ce ne sont que des rêves.
Des cauchemars, oui ! Il est en sueur. Le regard qu'il porte quand il ouvre les yeux est celui d'un homme égaré. Au départ, lors de notre arrivée dans ce monde, j'avais perdu tous mes sens. Aujourd'hui, j'ai récupéré quatre d'entre eux. Il ne me reste que la vue à retrouver. Pourtant, elle me manque moins qu'au début. J'ai d'abord vu Stauros, puis Basile et maintenant je vois également Éli. Je parviens à distinguer tout ce qui a trait aux éléments, mais je ne vois pas les monstres, ni le décor dans lequel nous évoluons. J'ai bonne espoir de voir à nouveau, dans quelques temps, quand nous aurions vaincu le Jarkore. Mais pour l'heure, c'est l'esprit d'Éli que j'aimerais pouvoir cerner.
Basile est parti en reconnaissance dans la ville avec quelques soldats du général Léonidas. Cela nous sera utile afin de ne pas tomber dans une embuscade. Je tente à nouveau de m'approcher de mon amant.
- Éli. Je t'en prie, il faut que tu m'expliques ce que tu ressens. Raconte-moi ton rêve.
- À quoi bon. Je ne vois pas en quoi ça pourrait nous aider.
- Détrompe-toi. L'oracle a dit que nous ne pourrions réussir que si nous ne formions qu'un. Or, si tu t'enfermes seul avec tes pensées, voir tes craintes, je ne peux t'aider.
Éli me fixe intensément. Est-ce-qu'il me jauge ? Peut être pèse t-il le pour et le contre. Il me sourit, tend la main et me caresse la joue du revers.
- Et si ce que je rêve t'était insupportable ? Ferais-je preuve d'amour en te faisant porter mon fardeau ?
- Une charge est plus facile à porter quand on est deux non ?
- Soit. Seulement, il faut que tu me promettes de me dire exactement ce que tu ressens également.
- Ça parait évident.
- Bien, je vais te faire part de mes deux dernières escapades.
L'utilisation de ce mot me fait déjà peur. Éli n'est pas de ceux qui se fourvoient dans le langage. Chaque mot est choisit avec soin. Il se met à me raconter son rêve. La pièce dans laquelle il se trouve. La sensation désagréable d'être prisonnier de son corps. La présence de Stauros. À chaque fois qu'il termine une phrase, j'ai l'impression qu'il m'ajoute du poids sur les épaules. Il ne plaisantait pas quand il a parlé de fardeau. Il est tout bonnement en train de me dire qu'il serait dans un rêve quand il se trouve avec moi. Ce qui voudrait dire que tout ce en quoi je crois n'est que mirage. Impossible ! Nous avons risqué la mort à de trop nombreuses reprises pour n'être que des chimères. Quand il achève son récit, je reste prostrée. La façon dont il décrit les sensations qu'il a dans ces deux rêves est saisissante. Comment ne faire qu'un avec quelqu'un qui vous apprend que vous n'êtes pas réel.
Lorsqu'il achève son récit, c'est à mon tour de rester prostrée. Il me dévisage en attendant que je respecte ma part du marché. C'est au-dessus de mes forces. Je ne sais que dire. Il le voit et regrette déjà de s'être ouvert ainsi.
- Je suis désolé Alcinoa. Comme je te l'ai dit, ce ne sont que des cauchemars.
- Pourtant, tu sembles leur accorder un certain crédit.
- Je ne sais plus faire la part des choses.
Alors que je m'approche de lui pour qu'il me touche et me dise ce qu'il ressent, Basile revient. Il est tout excité, au point qu'il ne remarque pas la tension qui imprègne la pièce.
- Le Jarkore ! Je l'ai vu !
Nous reprenons nos esprits de concert.
- Comment est-il ?
Basile éclate de rire. Puis prend un air sérieux pour nous répondre.
- Nous avons battus des monstres bien plus impressionnants. C'est bien ça qui me fait peur. C'est un homme, comme nous. Seulement, il sait se battre. Nous avons assisté à l'un de ses entraînements. Il se bat avec furie. Les monstres qui l'accompagnent meurent avec fierté. Ils doivent prendre ça pour un honneur que de l'affronter. Aucun ne l'épargne, ils l'attaquent avec la rage. Pourtant c'est insuffisant.
- Et tu ne trouves pas étrange qu'il vous laisse assister à ses combats ?
- oh, t'inquiète. Nous étions bien planqués.
Éli se lève d'un bond. L'homme hagard a disparu. C'est le guerrier qui empoigne Basile par les épaules.
- Il n'a jamais regardé, ne serait-ce qu'une fois, dans votre direction ?
La question semble décontenancer Basile. Il fronce les sourcils, cherchant à se souvenir avec exactitude de ce qu'il a vu. Alors qu'il se dégage de la prise d'Éli, son visage marque l'étonnement.
- Si ! Une fois ! Effectivement, il a tourné son masque dans notre direction. J'ai compris pourquoi il porte le surnom de masque de mort. La visière de son casque est faite d'os, d'un os pour être précis. Celui de la face d'un crâne humain.
- Il savait que vous étiez là.
- N'importe quoi. Il s'est tourné vers nous parce qu'il a pris un coup de masse. C'est la dernière chose qu'à fait l'homme-rat qui l'affrontait.
Éli bouscule Basile en le poussant violemment. Le ton est dur, inflexible.
- Réfléchis voyons ! Il savait que vous étiez là. Son numéro n'est là que pour distiller la peur !
Je me lève à mon tour afin de me placer entre Éli et Basile qui n'a pas l'air d'apprécier ses insinuations.
- Du calme les garçons. Nous aurons besoin de toute cette énergie belliqueuse face à lui. S'il parvient à nous diviser, alors il a d'ors et déjà gagné.
Éli tourne les talons en pestant. Basile est vexé.
Je m'approche d'Éli. Il regarde par la fenêtre, les bras croisés. Je lui caresse les épaules puis la nuque. Je lui souffle quelques mots à l'oreille.
- Qu'est-ce qui te permet d'être si catégorique ?
Éli tourne la tête vers moi. Son regard est noir. Il est furieux. En fait, depuis le début, c'est toujours à couteaux tirés avec Basile. Il n'apprécie pas que je me mette entre eux. Seulement, nous ne serons pas trop de trois pour affronter le Jarkore. Éli le sait, mais a du mal à l'accepter.
- Je suis si catégorique parce que j'aurais fait pareil. D'abord tu distilles la peur, ensuite, tu passes à l'attaque.
Au même instant, des cris retentissent. Accompagnés par des bruits de mouvements de troupes, Éli conclu par une courte phrase :

- Pour une fois, je n'aime pas avoir raison !

samedi 4 octobre 2014

Partie 5 - Chapitre 7 - Stauros

Partie 5 - Chapitre 7 - Michel Stauros
Ça fait maintenant deux heures que j'essaie de joindre Alicia. Il faut absolument que je la prévienne. Son mari a prononcé, pour la première fois en dix ans, son premier mot. Je me repasse en boucle la vidéo. J'entre dans la chambre afin de réaliser quelques tests cognitifs. Je me vois lui prendre la main, la laisser retomber sur le lit. À l'aide d'un petit marteau, j'administre quelques coups et constate la réaction réflexe. Le tout est bon signe. Son corps réagit bien.
Il m'a fallut revoir deux fois la séance pour déceler l'accélération du pouls. Il était présent, dans son corps. Normal, allez-vous me dire. Oui et non. Il est extrêmement rare d'être spectateur de la genèse d'une résurgence. Mais ça veut dire que mon procédé fonctionne. Le Michel Stauros d'il y a un mois aurait pensé au Pulitzer. Pas celui d'aujourd'hui. Il y a eut trop d'événements depuis le démarrage de cette expérience pour ne pas avoir été changé.
Soudain, un doute m'assaille. Comment savoir si la personne qui a prononcé mon nom est bien Elliot Guerréor ? Depuis le coma de son père, je n'ai pas moyen de savoir quelle conscience émerge. Hector est lui-même plongé dans un coma profond. Il serait mort si Alicia ne m'avait pas obligé à le mettre sous respirateur. En cela, j'ai enfreint la volonté de mon patient pour respecter celle de son plus proche parent, sa bru.
J'échafaude une théorie, déjà pour me convaincre. Ensuite, je pourrais l'expliquer à Alicia. En commutant l'esprit d'Hector à celui de son fils, il est possible que sa conscience ait migrée. Je vois deux raisons à ça : premièrement, la volonté qu'il avait de parler à son fils avant de mourir. Deuxièmement, le désir qu'à tout être de se raccrocher à la vie. Or, son corps étant abîmé par la maladie dégénérative dont il est atteint, il en avait l'opportunité. Le problème reste que dans ce voyage, il faut également pouvoir rester en vie. Puisque je fais subir à Éli un voyage initiatique qui est loin de tout repos, Hector s'est peut être mis en danger. Si la personnalisation d'Hector se fait tuer dans le rêve de son fils, peut-il revenir ? Y-a-t-il un lien entre la conscience de l'être humain et son corps ? La science n'a rien établit sur le sujet. Toujours est-il qu'Hector ne répond à aucuns stimuli réactionnels. Pourrait-il entrer en contact avec moi via le corps de son fils ? Il faut que je me prépare quelques questions pour pouvoir identifier celui qui me parle. Dans l'éventualité ou il me parle à nouveau.
J'ai retracé les différentes séquences du parcours d'Éli. J'en suis venu à être à 70% convaincu qu'il devait dormir dans son rêve. Ce qui induit qu'à son prochain sommeil, il se peut qu'il revienne à la réalité. Cette hypothèse serait factuelle si la conscience d'Hector n'avait pas migré. Qu'est-ce qui pourrait accréditer la thèse de la migration ? Il me faut revoir les vidéos plus anciennes. Celles ou Hector est en contact avec son fils. Si son corps réagit, ça pourrait dire qu'il n'y a pas de migration mais collaboration.
Je glisse le pointeur de mon écran vers un fichier vidéo plus ancien. D'après mes notes, Éli n'est pas encore arrivé à Delphes quand il rencontre son père. Je divise l'écran en deux. À gauche, je mets Éli, et à droite son père.
Les réactions des deux hommes coïncident à plusieurs moments. D'abord de manière fugace, comme si l'un des deux ne partageait pas la rencontre. Puis il y a correspondance. Éli a son pouls qui accélère, alors que celui d'Hector se calme. Il a dû, à ce moment précis, entrer en contact avec son fils. Le fait d'y parvenir le rassure.
Peu après, ils doivent combattre. Chacun est nerveux, leurs corps sont pris de soubresauts. Comment ça a pu m'échapper ? Je n'en reviens pas. Le rêve doit être particulièrement violent. Leurs respirations s'emballent. Soudain, Hector est saisi de spasmes. Il se raidit, chaque muscle de son corps est crispé. Puis il s'affale. Son cœur s'arrête. C'est à ce moment que le personnel intervient pour le réanimer. Il sera intubé car il ne parvient plus à respirer seul.
J'en conclu que l'esprit d'Hector devait bien être dans son corps. Ce qui induit que c'est Éli qui a prononcé mon nom. Je suis songeur quand je coupe la vidéo. Je laisse l'écran partagé et affiche le direct. Éli est calme, je ne sais pas ce qu'il rêve, mais rien ne semble l'affecter. Par contre, je discerne quelque chose de changer chez Hector. Ses yeux "roulent" sous ses paupières. Je me lève pour aller voir ça de plus près. J'entre dans la chambre et m'approche d'Hector. Il rêve !
- C'est génial ! Il n'est pas mort.
Mon enthousiasme m'a fait parler à voix haute. Je me demande s'il pourrait respirer seul. C'est délicat. Je débranche le tube du respirateur. Rien ne se passe. Je regarde ma montre. Pas plus d'une minute et je rebranche. Tout ce qui se passe autour de moi disparaît pour ne laisser que le cadran de ma montre. La trotteuse franchit le "3". Toujours rien d'autres que les mouvements oculaires. 
"6". Je sens la sueur perler sur mon front. J'aimerais tant que ce vieil homme puisse revenir. Il serait témoin de la résurgence de son fils. Il pourrait lui parler de vive voix. Je n'ai pas le privilège d'être père, mais j'imagine qu'il y a des choses que l'on souhaite dire avant de partir. 
"9" J'approche l'embout du tube du respirateur. 
"10". Quel dommage. 
"11".
- Allez Hector, secoue-toi !
Il prend une grande inspiration, comme un homme qui passe la tête hors de l'eau.
- OUI ! C'est ça, respire !
Le souffle passe par le tuyau. Sa poitrine se soulève et s'abaisse en signe d'une respiration, fébrile certes, mais tout de même.
J'ai bonne espoir que son esprit revienne et qu'il reprenne connaissance sous peu. Je prends une chaise et m'assoie à proximité. Je souffle en m'adossant. Qui a dit que les médecins avaient une vie tranquille ?
Il faut que j'arrive à joindre Alicia. Je choisi de lui envoyer un texto, il est quand même deux heures du matin. Je vais devoir veiller toute la nuit.
Tandis que je laisse mon esprit vagabonder, Éli entre dans une phase de rêve. Il s'agite sur son lit. Sa tête tourne d'un sens puis d'un autre. Qu'est-ce qu'il voit ? Il a dû arriver à Athènes. À moins qu'il ne soit en train de traverser, les lignes ennemies. Non, j'ai remarqué que quand il combat, ses poings se crispent. Ce n'est pas le cas. Je me lève pour m'approcher. Sa tête s'immobilise. Son pouls s'accélère à nouveau. Je m'approche. Au moment ou je tends la main vers son visage pour soulever une de ses paupières, il le saisi le bras fermement. Je sursaute.
- Stau....ros...
- Éli, vous m'entendez ?
- O... Oui !
- Excellent ! Savez-vous ou vous êtes ?
- Athènes...
- Oui, enfin, non, ici, savez-vous où vous êtes ?
- Jarkore... Qui est...
- Éli, Athènes est un rêve. Là, vous êtes dans le monde réel.
La pression de sa main se relâche. A-t-il compris ce que je lui ai dit ? Alors que j'essaie de me dégager, l'étau se resserre.
- Stauros... Je vous haïe.
La prise se rompt. Il laisse tomber son bras sur le lit. Sa dernière phrase m'a glacé le sang. Alors qu'il me tenait le poignet, ses paupières se sont ouvertes. Il m'a toisé d'un regard absent mais particulièrement méchant. C'est dingue ! Je jurerai qu'il était aveugle. Ce constat signifie qu'il n'a pas encore récupérer la vue. Par contre, il faut à tout pris que je parvienne à lui implémenter des pensées moins belliqueuses à mon égard.
Il faut que je retourne à mon labo. Que je prépare la dernière phase. Autant dire que j'ai intérêt à être convaincant ! Je jette un œil vers Hector. Ses constantes sont régulières.
- Je peux continuer à le surveiller du bocal.
Je me précipite vers mon bureau afin de ne pas rompre la surveillance trop longtemps. J'entre, referme la porte derrière moi et m'assoit devant mon écran. En voyant une silhouette en reflet, je percute qu'il y a quelqu'un derrière moi. Je n'avais pas fermé quand je suis sorti voir Hector.
Trop tard !
Ma dernière sensation est une horrible douleur à la tête.

Tout devient noir...

dimanche 21 septembre 2014

Partie 5 - Chapitre 6 - Eli

Partie 5 - Chapitre 6 - Éli.
L'attente dans le sous-bois me parut interminable. Nous souhaitions traverser le camp de nuit afin de minimiser les risques d'être repérés. La rencontre avec le groupe de monstres s'était bien terminée, pour nous. Hormis notre dispute au sujet de la mise à mort de l'homme-rat, la fin de journée s'est passée dans un calme quasi religieux. Basile a retrouvé ses esprits, s'est excusé d'avoir mis notre quête en danger.
J'ai longuement réfléchit à ses derniers mots. Il voit l'aura d'Alcinoa. Au début, je ne comprenais pas pourquoi j'étais le seul à la percevoir. Ensuite, je me suis convaincu que ça devait avoir un rapport avec les paroles de l'oracle. Puisque nous étions liés, il m'est alors parut "normal" de la distinguer ainsi. Maintenant, je ne suis plus sûr de rien. Dans les souvenirs que Stauros m'a restitué, je ne vis absolument pas dans un monde tel que celui là. Je me vois évoluer dans un univers totalement différent. Pas de monstres, si ce n'est dans les livres. Toutes les villes que nous avons traversées, sont en ruine. Les gens qui peuplent mes souvenirs sont comme moi, ou Basile. Des êtres humains. Pas de fées, de satyres ni même d'araignées géantes.
Dans le dernier rêve que j'ai fait, je me voyais en train de donner des cours. Une matière comme l'histoire ou la géographie. J'avais l'impression d'être des années plus tard dans le temps. Est-ce que cette guerre a réellement eu lieu ? Les humains ont-ils triomphé des monstres ?
Il y a une heure environ, j'ai vécu une expérience étrange. Je m'étais assoupi contre un arbre, confiant dans la garde de Basile. Je ne voyais rien, comme-ci j'étais aveugle. Par contre, j'entendais des bruits. Un "bip" perpétuel résonnait. J'ai mis un moment à le rendre compte qu'il coïncidait avec les battements de mon cœur. Ensuite, une personne est entrée. Le bruit d'une porte, des pas, mon cœur s'est accéléré. J'ai senti la personne, un homme, me prendre la main. Il l'a soulevé, puis la laisser tomber. J'ai alors pris conscience de l'endroit ou j'étais allongé : un lit ! Pour la première fois, j'ai vraiment eu peur. J'avais le sentiment d'être prisonnier dans un autre corps, qui ne m'obéissait pas. La personne qui était près de moi s'est mise à frapper légèrement avec un objet sur mes jointures. Les genoux, puis les coudes. À chaque fois, mes membres régissaient sans que je ne leur intime l'ordre. Mes réflexes répondaient à chaque fois.
- Bien, bien, c'est en bonne voie, Éli.
Cette voix ! Je la connais ! Un homme que je rencontre à chaque victoire sur un boss : Stauros ! C'est lui qui teste mes réactions. Je voudrais l'appeler, mais pas moyen de faire sortir le moindre son de ma bouche.
Alors que je lutte pour parvenir à communiquer, Stauros continue à m'examiner. J'entends ses pas autour de moi. Je suis impuissant, ce qui accroît ma frustration. Au moment où je parviens, dans un terrible effort à bouger un doigt, je l'entends parler à nouveau :
- Le patient réagit bien aux stimuli réactionnels. Il semble s'approcher de la conscience corporelle. Il est trop tôt pour évaluer la résurgence de son esprit. Toutefois, il conviendrait de le soumettre prochainement à une présence bienfaitrice telle que celle de son épouse.
À ces mots, mon esprit reçut une véritable décharge énergétique. Ma bouche se crispa pour former un nom :
- Stau...ros !
À peine ai-je prononcé ce nom que je me sentis plonger dans un vide sans fond. La sensation que mon corps soit précipité dans un abîme me fit tressaillir.
- Éli ! Éli !
On me secoue.
J'ouvre les yeux. Alcinoa est devant moi. Son visage est inquiet. Elle cesse de me secouer quand elle me voit revenir parmi eux.
- Éli ! Tu m'as fait peur ! Qu'est-ce qui t'es arrivé ?
Je m'efforce de rassembler mes esprits. Je suis de retour dans cette réalité. Mais est-ce vraiment ma vie ? Il y a trop de coïncidences. Les paroles de l'oracle, celles de mon père et maintenant ce rêve étrange. Alcinoa attend toujours la réponse à sa question. Si je lui fais part de la vérité, elle ne comprendra pas.
- Ce n'est rien. Un cauchemar de plus. Ne t'inquiète pas.
Je regarde le ciel à travers la cime des arbres. Le jour laisse place à la nuit. Je me lève. Prend son visage au creux de mes mains et lui souffle :
- Tout va bien. Il nous faut prendre des forces pour la traversée de ce camp. Demain, nous serons à Athènes. Nous trouverons ton dernier sens et nous serons enfin libres !
Elle me fit un sourire timide. Sans doute que la portée de ma phrase n'avait pas la même signification pour elle. Seulement, j'étais trop perturbé pour me mettre à sa place. J'avais déjà beaucoup de mal à être à la mienne. Nous nous sommes restaurés pendant que les dernières lueurs du jour disparaissaient derrière le mont Parnasse.
Basile se couvrit de la cape d'invisibilité. Puis nous nous sommes approchés de l'orée du bois.
Une bonne centaine de mètres nous sépare des premières tentes. Une fois à ce niveau, nous aurons trois fois cette distance à parcourir en pleine milieu des monstres. Quand nous aurons dépassé les dernières palissades, il nous restera à franchir le champ de bataille.
- Nous avons deux kilomètres à couvrir au pas de course. Es-tu certaine de pouvoir maintenir ton corps sous forme élémentaire pendant tout ce temps ?
Alcinoa acquiesça en haussant les épaules. Ça voulait dire, on verra bien. Je n'avais pas non plus la certitude de pouvoir y parvenir. Seul Basile serait en quasi sécurité grâce à la cape.
Nous avons pris une grande respiration et nous sommes élancés.
Courir sous forme élémentaire donne l'impression de flotter au dessus du sol. Nous pénétrons le premier camp, celui des centaures, sans rencontrer le moindre problème. La plupart des monstres dorment sous l'effet de l'alcool. Visiblement, ils ne craignent pas une sortie des athéniens. Ils en profitent pour se donner du bon temps. Au détour d'une tente, un centaure monte la garde. Avant qu'il ne prononce le moindre son, je le transforme en poussière noire.
Nous continuons notre avancée. Je sais que Basile n'est pas loin car je distingue ses pas dans la terre meuble du chemin. Je lui chuchote de prendre garde à marcher plutôt dans l'herbe. Il s'exécute sous mes yeux. Les tentes changes de formes. Celles de toiles des centaures laissent place à des espèces de tipis de bois et de boue. Nous sommes parmi les homme-rats. Nous nous frayons un chemin dans l'obscurité, évitant les feux de camps. Des éclats de voix gutturales nous parviennent. Plusieurs monstres ripaillent joyeusement. Nous perdons du temps à nous faufiler entre les tentes, mais nous ne sommes toujours pas repérés. Si la nuit nous permet de nous cacher, elle a l'inconvénient de nous faire découvrir les obstacles au dernier moment.
Alors que nous sommes en passe de sortir du camp des homme-rats, nous débouchons dans ce qui ressemble à un charnier. Les corps de plusieurs monstres sont entassés les uns sur les autres dans des états de décomposition plus ou moins avancés. Je parviens à retenir un haut le cœur. Ce n'est pas le cas de Basile qui renvoi ce qu'il a mangé il y a peu. Le bruit est étouffé par la ripaille des monstres tout proches. Nous nous remettons en route et pénétrons dans le dernier camp avant la palissade, celui des satyres. Alors que les premiers festoient allègrement, les satyres sont plus méfiants. Je distingue un groupe qui affûte leurs armes. Nous les contournons. Au moment ou nous passons devant une tente, un monstre sort. Il est aussi surpris que nous. Cette fois, c'est Basile qui en fait de la poussière. Le problème, c'est qu'il n'était pas seul. Deux autres satyres sortent en armes. L'un d'eux souffle dans une conque donnant l'alerte.
Nous nous débarrassons rapidement des deux importuns. Mais le mal est fait. En peu de temps, les monstres affluent de toutes parts. Les plus hargneux sont déjà en armes. Les autres arrivent avec ce qu'ils avaient en main. Il nous reste cinquante mètres à franchir pour atteindre la palissade. Les armes nous traversent le corps sans dommage. Alcinoa et moi parvenons à avancer mais je ne sais pas comment s'en sort Basile.
Nous nous retrouvons très vite dos au dernier barrage. Des monstres de toutes sortes affluent formant un attroupement qui rage de ne parvenir à nous blesser.
Un craquement sourd provient de la palissade. Elle vient de céder aux assauts répétés d'un Basile furieux d'être acculé. Mais ce qui nous ouvre une voie de sortie, révèle aussi la présence de notre allié invisible. En quelques secondes, lances et flèches pleuvent en direction du passage créé.
Je prends une décision instinctive. Je passe de l'élément air à celui de la terre. Levant les bras au ciel, le sol m'obéit. Une vague tellurique stoppe tous les traits. Je hurle un "FUYEZ" à mes compagnons. C'est sans compter sur une Alcinoa têtue. Les bras tendus, elle claque dans les mains dans un geste qui forme une onde de choc. Les deux premiers rangs sont littéralement repoussés en arrière. J'en profite pour créer une barrière rocheuse qui referme le passage derrière nous. Alcinoa et moi reprenons la forme élémentaire vaporeuse de l'air pour nous lancer dans un sprint vers Athènes. Les monstres ont vite repris l'attaque. Les projectiles pleuvent autour de nous.
Basile doit courir devant nous puisque je marche dans ses pas. Alors que la muraille protectrice de la ville grandit de plus en plus, un bruit sourd que je ne connais que trop bien retentit devant moi. Il est suivi d'un râle rauque. Le sol se couvre de sang. Ma tension est à son comble. Je me retourne vers nos belligérants. Je lance une énorme colonne de feu dans leur direction. Elle a l'avantage de stopper net l'envoi de flèches et autres armes de jet.
Il reste une centaine de mètres à franchir. Basile retire la cape. A ce moment, je constate l'ampleur de la blessure. La flèche est plantée là où le cou rejoint l'épaule. Si la colonne n'a pas été touchée, l'artère sous claviculaire est sectionnée. Basile me lance un regard effrayé. Pas question de soigner maintenant. Je fais la seule chose qui le passe par la tête. Je gèle la plaie pour stopper le flot écarlate continu. Il a tourné de l'œil. Il va falloir le porter. Alcinoa envoie une seconde salve incendiaire pour nous assurer le répit nécessaire à ce que je porte Basile. Il est lourd le bougre.
Les portes de la ville s'ouvrent. Sous la lumière des torches se découpe la silhouette d'un homme arme que je connais. Le général Léonidas ordonne qu'on me soulage de notre blessé. Comme Alcinoa continue à incendier la palissade dressée autour du campement des monstres, Léonidas organise ses troupes. Les archers inondent de flèches les monstres qui échappent aux flammes.
Profitant du désordre dans les rangs ennemis, les athéniens chargent. Alcinoa se tourne vers moi et d'une voix de commandement me dit :
- Prends ma place, je vais soigner Basile.
Léonidas lève des sourcils interloqués en me voyant obtempérer. Je me mue en un golem de feu. Mes boules de feu sèment l'anarchie parmi les monstres qui succombent sous les coups des soldats.
Après une heure d'une bataille épique, je suis épuisé. Alcinoa vient me prodiguer les soins qui me requinquent. Basile est sauf mais endormit. Léonidas s'approche de nous.
- Par les dieux, quelle bataille ! Nous n'avions pas gagné de la sorte depuis longtemps. Voilà qui va freiner leurs ardeurs. Nous vous devons beaucoup.
Léonidas nous apprend que la ville est peut être à nous, mais que des monstres tiennent le temple. L'un d'eux est redoutable. Il se bat sous un masque de mort.
- C'est le Jarkore !
Le général confirme que c'est bien le nom sous lequel il commet ses méfaits.
Nous avons essuyé de nombreuses batailles, pourtant, nous n'aurons pas le temps de nous reposer bien longtemps. Léonidas refuse de nous laisser affronter ce monstre sans son soutien.
- Général. Vous ne pourrez pas tenir cette position en étant pris en tenaille par les monstres. Sauf votre respect, si vous tenez les monstres hors de la ville, nous pourrons nous pourrons nous occuper des résistants dans le temple. C'est pour ça que nous sommes venus jusqu'ici.
Après quelques secondes de réflexion, Léonidas me tend la main. Je lui saisie l'avant-bras dans une poigne ferme.
- Mes hommes et moi repousserons ces monstres jusqu'au Styx s'il le faut. En attendant, allez-vous reposer. Vous en aurez besoin.
Si l'offre du général est logique et évidente, je redoute le moment ou je fermerais les yeux. Alcinoa me rejoint. Elle a compris ce que je ressens.
- Ce ne sont que des rêves Éli. Je serais là quand tu ouvriras les yeux.
Elle pose ses lèvres sur les miennes. Je réponds à son sourire.

J'espère seulement qu'elle dise vrai.

samedi 6 septembre 2014

Partie 5 - Chapitre 5 - Inspecteur Kathia Labry

Partie 5 - Chapitre 5 - Inspecteur Kathia Labry.
Le boss a été plus facile à convaincre que je ne l'aurais cru. À peine dix minutes de palabres et j'avais obtenu ma planque. J'ai de suite envoyé un sms à mon collègue. D'ordinaire, il me répond rapidement. Mais là, rien. Au début, je n'y ai pas prêté plus attention que ça. J'ai préparé le matos, appareil photo, lunette nocturne, amplificateur de sons et tout le reste. La journée a défilé rapidement.
Vers 17 heures, j'ai consulté mon portable machinalement. Toujours pas de messages. Qu'est-ce qui peut bien le retenir de la sorte, me suis-je demandée. Il est parti en catastrophe après avoir reçu un texto, non deux. Je me suis décidée à l'appeler en direct, quitte à me prendre une ronflée. Direct sur la messagerie. C'est pas son genre. Un problème à la maison ? Il ne m'a pas parlé de soucis quelconques. Si j'appelle chez lui, sa femme va vouloir des explications. Je ne peux pas lui faire ça. Elle en a déjà bavé lors de son accident. Elle a clairement dit que l'appel qu'elle avait reçu cette fois là, l'avait profondément bouleversé. Depuis, je sais qu'elle est toujours inquiète de le voir partir le matin.
Je ne vais pas aller voir le boss. Lui ne se gênerait pas d'appeler sa femme. Pour lui, on est flic avant tout. C'est pour ça qu'il est deux fois divorcé. Ce qui n'empêche pas ses deux ex de s'en faire pour lui. Comme quoi, le divorce n'arrange pas tout, loin de là. Moi, je n'ai pas ce genre de soucis, je suis seule. Ce qui en soit, n'est pas la panacée.
Nous devons commencer notre planque à 19 heures. J'ai un peu moins de deux heures pour lui mettre la main dessus. Sérieux, il va m'entendre de m'avoir laissé tout gérer. Je vais aller voir Ted. Il pourra peut être me dire ou est sa voiture. Je monte un étage pour gagner le bureau des geek. Comme toujours, ça sent le tabac froid, la sueur et la pizza. Ted est celui que je préfère, ou plutôt, celui qui m'énerve le moins. Son péché mignon, c'est les jeux en ligne, les mmorpg pour les connaisseurs. Quand il ne bosse pas, il est toujours à fond dans une partie. À l'entendre, c'est le meilleur endroit pour jouer. Pas de problème de lag ou de freeze. Je n'y comprends pas grand chose hormis que c'est le pied de jouer avec le matos du boulot. Les autres sont plutôt branchés sous la ceinture. À chaque fois que je rentre dans le bureau, j'ai l'impression d'être déshabillée du regard. Mais pas lui. En plus il ne se cache pas. Il continue à jouer jusqu'à ce que ta demande le titille plus que son jeu.
- Ted, j'ai besoin que tu me localises la voiture de Mike.
- Labry, pourquoi c'est toujours moi que tu viens voir pour des trucs aussi débile.
- Parce que t'es le meilleur.
Bien sûr, j'ai dit ça intentionnellement. Pas parce que je le pense, mais pour les commentaires des autres geek.
- Tu n'y connais rien ! Sur quoi repose ton jugement ?
Et voilà. Nous y sommes. Maintenant, je vais avoir mon info uniquement parce qu'ils voudront me prouver que j'ai tord.
- Elle doit être dans un parking souterrain car elle n'apparaît pas à l'écran.
- Ou dans un tunnel du périph.
Les réponses se suivent jusqu'à celle que j'attendais :
- Je ne sais pas ou est sa voiture, mais avant que l'on perde le signal, il entrait dans le parking de l'hôpital.
Bingo, la compétition a fait décrocher Ted de sa partie et maintenant j'ai ma réponse.
- Tu comprends maintenant pourquoi je m'adresse à toi. T'es pas le plus rapide, mais ta réponse est nettement meilleure.
- Je sais. Maintenant que tu as mon attention, c'est tout ce que tu voulais ? La prochaine fois, appelle ton collègue, il te le dira sans que tu ne me dérange.
- Si je suis là, c'est qu'il ne me répond pas.
Le froncement de sourcils m’indique que j'ai aiguisé sa curiosité. Il s'assoit derrière son ordi et ajuste ses lunettes, ça devient sérieux.
- Il ne veut peut être pas être dérangé. Ce qui expliquerait pourquoi je triangule son portable au même endroit.
- Ok Sherlock, merci du coup de main.
Je quitte le bureau en entendant s'élever une contestation du genre "moi aussi j'aurais pu arriver à la même conclusion avec de meilleures explications". Je ne relève pas. Il faut que je charge la voiture et que j’aille voir pourquoi il est si long.
Une fois arrivée dans le parking de l'hôpital, je tourne jusqu'à trouver sa voiture. Personne à l'intérieur. Je me gare à proximité. Je descends. J'appelle, des fois qu'il serait dans le coin. Pas de réponse. Qu'est-ce qu'il a bien pu venir faire ici ?
- Réfléchit Kat !
Je commence à m'énerver. Je décide d'appeler son portable. Ça sonne. J'entends sa sonnerie. Il n'y a que lui pour avoir la musique du "flic de Beverly Hills". Je ne l'entends plus. C'est la messagerie. Je vais rappeler, dans deux minutes, pour ne pas tomber direct en messagerie. Je fais un non de la tête afin de rejeter une idée stupide. À moins que...
Ça y est, je vais pouvoir tenter à nouveau. Je me rapproche malgré tout de sa voiture. Pas de doute, la mélodie vient du coffre. Il n'est pas le genre à mettre son portable dans le coffre.
- Il n'est tout de même pas...
Je refuse de terminer ma phrase. La caisse est fermée. Pas moyen de crocheter la serrure. Je retourne à la mienne, me saisie de la manivelle du cric. Désolé, Mike, je sais que tu aimes ta caisse, mais tu ne me laisses pas le choix.
"BLING !"
Voilà, y a plus qu'à déverrouiller le coffre, la manette se trouve en bas à gauche des pédales.
- Haut les mains ! T'as braqué la mauvaise caisse !
Je sens son flingue entre mes omoplates.
- C'est moi, Mike !
- Kat ! Mais t'es folle ou quoi ? T'as vu ce que t'as fait à ma vitre avant !
Je me retourne avec la manivelle encore en main. Il est furieux et moi choquée de voir son état.
- Qu'est-ce qui t'es arrivé ?
- Tu viens de me péter la vitre ! Nom d'un chien, qu'est qui t'as pris ?
- Mike, t'es sourd ou quoi ? T'as vu dans quel état tu es ?
A ce moment, il réalise ce que je suis en train de lui dire.
- Ah, le sang ? On m'a frappé dans le dos. Un infirmier m'a trouvé allongé par terre. Mais pourquoi t'as péter ma vitre ?
Je lui dois bien une explication. Je lutte contre l'envie de le questionner sur les circonstances.
- Tu ne réponds pas à mes messages, ni à mes appels. J'ai retracé ta voiture et j'ai entendu ton portable dans le coffre. Comme elle était fermée...
- Tu as cru bon de la fracturer. Tu ne pouvais pas monter à l'accueil ? On t’aurait renseigné.
- J'ai cru que tu étais avec ton portable.
- Bien sûr...
- Ben quoi, tu ne me crois pas. Qui t'a fait ça ?
- Si je le savais.
- T'as été voir les caméras de surveillance ?
- Ohé, tu parles à ton équipier. Tu sais, je suis peut être moins bon que toi, mais je mérite ma paie.
Je lui bourre mon coude dans le ventre gentiment. Il fait mine de souffrir le martyre.
- Alors, ces caméras ?
- Tu vas rire. Elles n'ont rien enregistrées, hormis ce que tu viens de faire. Quand je t'ai vu sur les écrans, je suis descendu. Pas assez vite visiblement.
- C'est bon, je vais de la payer la réparation. Arrête de me rabattre les oreilles avec ça. Comment c'est possible ?
- Quoi ?
- Ben qu'elles ne filment pas le passage ou tu te fais agresser.
- Elles filment normalement, et d'un coup, tout est brouillé.
- Attend, tu rigoles ?
- Je suis des plus sérieux. La dernière chose qu'on voit, c'est la discussion que j'ai avec Alicia Guerréor. Je reçois un appel, on la voit monter dans sa voiture, puis plus rien.
- Encore elle ! Décidément, à chaque fois qu'il y a un problème de caméras, elle est dans le coin.
- Je ne crois pas qu'elle y soit pour quelque chose.
- T'es sérieux ? Elle est toujours là. Son patron se fait agresser, problème de caméras. Qui arrive quelques minutes après : Alicia Guerréor ! Tu te fais agresser, rebelote, problème de caméras et elle est encore là !
- Ok, mais réfléchit ! Si elle est responsable, pourquoi apparaître à chaque fois ?
- C'est simple : avec ton raisonnement, elle est innocente. Elle joue sur le fait que si elle était coupable, on ne la verrait pas. Ni vu ni connu, j't'embrouille !
- Tu insinues qu'elle se montrerait sur les caméras pour s'innocenter ? Parce que ça serait trop prévisible de ne pas se faire voir ! C'est pervers comme raisonnement. En plus, qu'aurait-elle à y gagner ?
- L'assurance vie de son mari : la coquette somme de 500000€ !
- Sauf que t'as oublié un détail.
- Lequel ?
- Elle ne toucherait rien. Si son mari était mort sur le coup dans l'accident, elle aurait touché. Mais là, si son mari décède après dix ans de coma, elle aurait quedal.
- Là, c'est toi qui dois l'expliquer.
- Tu sais les petites lignes dans les contrats d'assurance. Si tu ne les lis pas, tu te fais baguer. Son contrat stipule qu'elle touche le dividende en cas de mort accidentelle, de maladie, genre cancer ou autres. Mais pas en cas de rupture du système d'assistance de vie.
- Et pourtant elle a quand même signé pour qu'on le débranche ?
- Oui, à cause du coup. Elle ne vit plus. Elle travaille plus que nous deux pour pouvoir payer les soins. Alors, je te repose la question : quel serait son intérêt ?
- Faut que je réfléchisse. On va avoir du temps.
- T'as l'accord pour la planque ?
- Tu ne m'as pas laissé négocier avec le boss pour rien.
- Je prends une chemise dans mon coffre, et on y va.
Je savais que Mike ne laisserait pas sa voiture dans cet état, dans ce parking. Nous avons pris chacun notre voiture, étape au garage de monsieur. Heureusement qu'il connaît bien le patron, je m'en sortirais qu'avec le minimum. Une fois dans ma voiture, nous avons pris la direction de l'hôtel. Nous nous sommes garés sur le parking, entre deux voitures, pile au bon angle pour voir arriver notre proie. Mike n'avait pas eu le temps de passer chez lui pour prendre du café et de quoi manger. Du coup, il veut appeler sa femme pour ne pas qu'elle s'inquiète.
- Allô, chérie, écoute, je dois...
- Bonsoir Inspecteur Égala. Désolé, votre femme ne peut pas vous répondre.