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samedi 26 juillet 2014

Partie 4 - Chapitre 13 - Inspecteur Egala

Partie 4 - Chapitre 13 - Inspecteur Égala.
- Arrête ton petit sourire ! Qu'est-ce que tu veux que je te dise ? Que tu avais raison ? On n’en est pas encore là !
S'il est vrai que d'avoir vu juste me fait plaisir, l'affaire prenait une nouvelle tournure. Comme convenu, j'avais laissé Kat posait les questions au personnel de l'hôtel. Nous avons fait chou blanc avec la photo de David Tennant. Par contre, celle d'Ophélie a eu plus de succès. Le barman de l'hôtel restaurant se souvenait bien avoir vu notre infirmière à plusieurs reprises. Elle attendait quelqu'un. Contrairement à ce que je pensais, ce n'était pas David qui venait la rejoindre. Seulement, l'identité de son rendez-vous restait un mystère. Après avoir vidé son verre de martini blanc, elle quittait le bar pour rejoindre son bungalow. Le cuisinier a confirmé les dires du barman car les hommes n'avaient d'yeux que pour cette femme. Même les clients s'y risquaient. Tous essuyaient un refus de la belle qui ne pouvait cacher sa satisfaction.
Ce que je ne comprenais pas, c'était la raison qui pouvait pousser David Tennant à se trouver au même moment dans cet hôtel.
- Peut être pas lui, mais uniquement sa voiture.
Kat analysait toujours froidement la situation. Elle ne pouvait se résoudre à évoquer que ma théorie soit juste. Le gérant de l'hôtel s'était montré moins coopératif que ses employés. Quand nous avons souhaité consulter le livre des réservations, il nous a demandé de fournir une autorisation du procureur. Nous nous retrouvions coincés. Il semblait peu probable obtenir ce document sur de simples présomptions. Nous savions tous deux ce que cela signifiait, une planque !
Pour en avoir l'aval, il nous fallait convaincre notre chef. Là aussi, ça présageait une discussion certainement désagréable, surtout pour moi.
- On retourne au bureau. On rassemble tout ce que l'on a et tu me laisses parler au chef, ok ?
Quelque part, ça m'arrangeait. J'ai toujours eu du mal avec la hiérarchie. Ce n'est pas que nous avons un mauvais chef, non. Mais il lui faut toujours un dossier en béton armé pour qu'il se décide. Sauf quand Kat lui présente les choses. Il est plus coulant avec les filles.
Une fois arrivé, Kat n'a pas perdu de temps.
- Bien, maintenant que nous sommes là, rappelle-moi ta théorie.
- Tout dans la dentelle comme toujours Kat. 
- Tu veux cette planque oui ou non ? Alors convainc moi, je me charge du boss.
- Bien. Nous avons deux affaires apparemment sans lien entre elle à l'exception d'Alicia. D'un côté, son patron, le gérant du restaurant où elle bosse est victime d'une agression. Et de l'autre, une personne non identifiée pénètre le laboratoire où son mari est en soin.
- Hormis Alicia, y-a-t-il d'autres points communs ?
- J'y viens. Dans l'agression du patron, toutes les caméras du quartier qui auraient pu nous servir à l'identification des agresseurs étaient HS. De l'autre, la seule caméra utilisable n'a pu filmer que l'ombre d'une personne, donc inutile.
- Quoi d'autre ?
- Le professeur qui soigne le mari d'Alicia emploi une infirmière qui est en relation avec David Tenant, un ami du couple. La balise GPS de la voiture de ce dernier le montre régulièrement à proximité des endroits où on eut lieu les faits. Étant donné qu'il s'est fait éconduire par Alicia...
- Attend, tu ne m'avais pas dit qu'il avait pris un vent par Alicia.
- Tu crois ? 
- Ben maintenant ça change tout !
- Ah tiens, et pourquoi ?
- Parce que nous avons un mobile.
- C'est ce que je me tue à te dire.
- Laisse-moi réfléchir. Voyons... Imaginons que le bellâtre ait toujours des vues sur ton amie. Il n'a pas intérêt à ce que le mari se réveille, tu me suis ?
- Continue.
Je ne peux m'empêcher de sourire en entendant Kat développer son raisonnement. Quand ça venait de moi, ce n'était que des présomptions. Mais elle expose sa théorie comme un fait. Tout s'imbrique. Les pièces disparates s'assemblent, tel un puzzle, faisant de David Tennant le cerveau de l'affaire. Nous avons regroupé les différents documents en notre possession. La carte des mouvements de la voiture, l'enregistrement de la vidéo fournie par Stauros et j'en passe. Et j'ai fini par lever les yeux sur ma partenaire. Elle pétillait d'impatience.
- Nous devrions présenter notre histoire après manger.
Kat et moi savons que le chef est généralement plus coopératif le ventre plein. Il est même admis, dans l'univers de la justice, qu'un juge est beaucoup plus sévère avant le déjeuner qu'après. Nous en avons profité pour préparer la demande de planque. Puis nous sommes partit manger un morceau. Elle est convaincue que nous allons obtenir gain de cause.
- Qu'est-ce qu'on fait s'il refuse ?
- Je voudrais voir un peu d'optimisme inspecteur Égala !
- Ok, excuse-moi.
Au moment où nous allions quitter la table, mon portable reçoit un message. Pourquoi ne l'ai-je pas consulté plus tôt ? C'est le deuxième de la même personne : Alicia.
Le premier : " Mauvaise nouvelle". Le second : "Rejoins moi à l'hôpital vite..."
Je me lève d'un bond en disant : "Je dois y aller !"
Kat se retourne pour me chambrer sur le paiement de la note. Elle se ravise en voyant mon visage :
- Tu veux que je vienne avec toi ?
- Non, on ne change rien. Va voir le boss et obtient cette planque, je reviens dès que possible.
- C'est grave ?
- Assez pour que j'y aille, mais t'inquiète, je gère.

C'est l'avantage quand on bosse avec un partenaire comme Kat. Pas besoin de mots pour se comprendre. Ça évite les discussions inutiles. Je fonce à ma voiture tout en me demandant dans quel état je vais retrouver Alicia.

mardi 22 juillet 2014

Partie 4 - Chapitre 12 - Basile

Partie 4 – Chapitre 12 – Basile.
Comment voulez-vous réfléchir correctement avec une déclaration comme celle qu’elle m’a faite. Sérieux ! C’est abusé.
Parasite !
Ce mot résonne encore dans ma tête. C’est dingue le temps qu’il faut pour se reconstruire une réputation. Pourtant, je n’ai jamais voulu être infecté par le basilic, le voir utiliser mon corps comme réceptacle. Mais, tout le monde s’en fout de ce que je peux ressentir. C’est à peine si je reçois quelques signes de gratitude alors que je risque ma vie pour les protéger. Bon d’accord, au début, je voulais tuer éli pour avoir ma reine. Mais ça, c’était avant. Pourquoi avoir changé ? Il suffit de les côtoyer un minimum pour comprendre ce qu’est l’amour véritable. Il ne s’invente pas, ne s’impose pas. Jamais elle ne m’aurait aimé de la sorte si j’avais tué son héros. De ce fait, il me faut les aider.
Le monde dans lequel nous évoluons n’a de cesse que d’étouffer ce qui est beau. Il n’y a que combats et souffrances, malheurs et mort. J’en ai été moi-même l’artisan. J’aspire à la rédemption. Est-il possible d’effacer les images qui me hantent chaque nuit. Celles d’hommes et de femmes effrayés, hurlant de sentir leurs corps se transformer peu à peu en pierre. Bien sûr, la transformation est d’abord en surface, la peau devient dure. Puis les muscles se crispent jusqu’à se figer définitivement dans une pose qui sera éternelle.
Je me rappelle ce que j’ai ressentit quand Eli a retourné le souffle pestilentiel. La forme reptilienne n’a pas échappé à la malédiction. Mais quand mon corps humain a repris forme, j’étais prisonnier d’un cocon de pierre. Quand on y pense, je leur dois la vie. Ils auraient pu me laisser moisir dans ce linceul granitique. Le basilic n’aurait pas eu cette pitié. Alors, tout à fait entre nous, pourquoi ne les aiderais-je pas ?
« Tu ne devrais pas être là. Ton objectif t'es à jamais refusé car tu ne peux diviser ce qui n'est qu'un ».
Cette phrase, que veut-elle dire ? Pourquoi ne devrais-je pas être là ? Parce qu’ils auraient dû me tuer ? Y-a-t-il une autre raison ? Si oui quelle est-elle ?
Je peux comprendre que mon objectif m’est refusé, puisque j’y ai moi-même renoncé. Seulement, ne pas pouvoir diviser ce qui n’est qu’un, c’est un peu fort. Je veux bien croire que l’amour unit deux personnes jusqu’à en faire plus qu’une, mais ça ne serait pas la première fois qu’un couple se brise. D’ailleurs, ils n’ont pas forcément besoin de moi. Ces derniers temps, ils me donnent l’impression de ne plus s’entendre autant. On dirait qu’Eli n’apprécie pas d’être dépossédé de son rôle de héros. Et Alcinoa n’en peut plus d’être la petite chose fragile. Elle a récupéré trois de ces cinq sens. Elle se sent mieux. Elle veut participer à la réussite de la quête. Quelque part, qui l’en blâmerait ? Eli est aussi « mutilé » qu’elle. Même si c’est invisible, un handicap reste quelque chose de difficile à gérer.
La caverne de la reine des Ménades est sur une île, enfin, un îlot entouré d’une rivière à débit rapide. Cet endroit devait appartenir aux hommes avant, car un pont fait de gros rondin en donne l’accès. A peine l’avons-nous traversé que nous sommes attaqués par des oiseaux putrides, sortes de vautours de couleur verdâtre. L’avantage de ce type d’attaque, c’est qu’on entend facilement l’ennemi venir. L’inconvénient, c’est que pour l’effet de surprise, c’est râpé.
Visiblement, ni Eli, ni Alcinoa ne font dans le détail. Les assaillants sont soit rôtis, soit foudroyés avant même d’être à portée de mon épée. L’odeur de la volaille grillée m’ouvre en général l’appétit, mais là, non. Le fumé à une odeur qui porte au cœur, accentué par la fumée qui pique les yeux.
Une fois la ceinture d’arbres qui entoure l’îlot derrière, nous découvrons une petite élévation de terre, pas même une colline. Sa hauteur n’excède pas celle des arbres. Par rapport à la surface de l’eau, elle doit faire, 6 ou 7 mètres maximum. C’est suffisant pour une belle entrée de grotte, bien sombre, comme on les aime… Je rigole, la dernière grotte ne nous a pas réussit. En tout cas, nous sommes repérés, une volée de flèches s’envole vers le ciel. Nous n’avons que quelques secondes avant que les traits meurtriers ne pleuvent tout autour de nous. Si nous chargeons, nous serons de belles cibles pour les snipers. Sauf si…
Alcinoa vient d’envoyer une boule de feu de la taille d’un éléphant. Je n’ai pas besoin de voir les ménades de la grotte pour savoir qu’elles paniquent. J’entends leurs cris. Peur pour certaines, douleurs pour les moins rapides. Eli, quand à lui, envoi une bourrasque dans le ciel. Les flèches se dispersent comme un jeu de mikado. Elles finissent leur course au sol, brisées. Je pense que reprendre le sceptre de la souveraine va être une ballade de santé avec ces deux là. Le sourire me vient aux lèvres jusqu’à ce qu’il se fige. Un éclair vient de déchirer le ciel couleur azur. Il n’est absolument pas naturel, mais l’ozone qui se dégage de l’impact prouve qu’il est bien réel. La reine des ménades est sortie de son repaire. 

Ses vêtements fument encore. Elle est entourée de sa garde personnelle, deux guerrières. L’une est une archère, et l’autre épéiste. Elles nous jaugent de loin mais nous font comprendre que la distance n’est pas un problème.
- Je prends celle à l’épée.
Je sais, c’est un peu égoïste, mais je n’ai aucune envie de me frotter aux autres.
- Je me charge de la reine, je vois son bâton et elle n’a pas prêt de le lâcher.
Il ne reste que l’archère pour Eli. Il fait un signe à l’archère. Elle encoche un trait. Il sourit, et lui fait signe qu’elle peut y aller. Le fou, il charge avec un grand cri, qui me fait sursauter. Il a ses deux gladius prêt à pourfendre tout ce qui passera à proximité. Je crois que les ménades ont compris que ça tournait en combat singulier. Bizarrement, elles n’en sont pas gênées. Au contraire, on dirait qu’elles préfèrent ça.
Je dégaine mon arme et descend mon bouclier sur mon avant bras. Mes yeux croisent ceux de mon adversaire. Elle sourit puis s’élance. Je me suis fait arnaquer, ce n’est pas une ménade, c’est une fusée ! Elle franchit la centaine de mètres qui nous sépare à une rapidité déconcertante. Je ne peux plus m’inquiéter de mes compagnons. La dernière chose que je remarque, c’est la stupeur de l’archère qui comprend qu’elle se bat contre un nuage dont les coups sont bien réels.
Bing, blong, clang. Voilà ce que j’entends derrière mon bouclier. Non seulement elle court vite, mais elle enchaine les frappes à une vitesse démentielle. Comment j’ai pu être aussi bête. Je ne vais pas m’en sortir, sauf si elle baisse de régime. Je n’arrive même pas à me concentrer pour en appeler aux éléments.
J’ai à peine senti la première blessure. Si l’adrénaline m’a permis de prendre un peu confiance en moi, j’ai fini par être toucher encore et encore. Bras et jambes dégoulinent de sang. Je me cramponne à mon bouclier pour tenter de donner des coups. Vainement. Comment Eli ferait-il ? Il se changerait en fumée ou en courant d’air, comme face à l’archère. Ou alors… Oui, voilà la solution !
Je profite d’une attaque qui s’écrase une nouvelle fois sur mon bouclier pour repousser la ménade. Comme elle est rapide, elle fait un bond en arrière. Je baisse ma garde, soufflant comme un taureau dans une arène. Elle ne va pas résister à se fendre pour me porter un coup plus sévère que les estafilades que j’ai reçu. Je n’ai pas beaucoup de temps, quelques fractions de secondes tout au plus. C’est un tout pour le tout. L’action se met à ralentir. Je vois ses muscles se bander sous l’impulsion du mouvement. Elle veut me perforer le ventre. Si je me loupe, je vais voir mes entrailles jonchées le sol. La lame semble entraîner l’avant-bras, le bras puis l’épaule. C’est son corps qui part en avant, sa jambe également. Elle doit faire un pas si elle veut me toucher. C’est maintenant ! Le moment ou son pied quitte le sol. Elle est en équilibre précaire. J’ai laissé mon bouclier continuer son geste. Mon bras est derrière moi. Un solide mouvement d’épaule et je peux la désarmer avant l’impact fatidique. Ce n’est pas seulement mon épaule mais tout mon tronc qui se tourne pour faire face à mon adversaire. Mon bras gagne en vitesse à cause du poids du bouclier.
Son pied s’approche du sol, s’il le touche, elle pourra esquiver.
Je ne la quitte pas du regard, je lis sur son visage qu’elle a compris ce qui se passe. La détente de mon mouvement de rotation accélère mon geste. Elle fronce les sourcils, comme pour donner tout ce qu’elle a dans cette attaque. Soudain, c’est l’impact. Mon bouclier s’écrase sur son poignet et l’action reprend sa vitesse normale. Elle lâche son épée et n’a pas le temps d’éviter la suite, un tour sur moi-même pour que mon épée finisse ce que mon bouclier à commencer. Nous tombons tous deux. Moi, à genou, elle en poussière.
Alors que j’avale avec difficulté ma salive, je me rends compte qu’il n’y a plus de bruit autour de nous. Le combat est fini également pour mes compagnons. J’essaie de tourner la tête, mais le sol se met à tourner. Le décor se brouille puis plonge dans les ténèbres.
Alors que mon esprit lâche prise, la dernière question qui résonne dans ma tête est : suis-je mort ?


dimanche 13 juillet 2014

Partie 4 - Chapitre 11 - Alicia

Partie 4 - Chapitre 11 - Alicia.
Je me sens ridicule. Hier, je me suis énervée toute seule contre les insinuations de l'inspecteur. J'en ai perdu connaissance. Puis je me suis retrouvée dans sa famille. Si au départ, j'étais sur la défensive, le repas a été un bon moment. Ça m'a permis de décompresser. Quand il m'a raccompagné, nous n'avons abordé que des banalités. Sa chance d'avoir une famille, un havre de paix qui lui permette de souffler de sa vie trépidante. Je n'ai pas su décrypter son sourire quand il m'a déposé. Et maintenant, après une nuit étonnamment calme, je suis un peu décontenancée. Éli et moi avons toujours voulu avoir des enfants. Ma stérilité a été un cauchemar. Mais nous y avons fait face ensemble. Nous étions présents pour les naissances dans la famille et chez les amis. Ça nous mettait du baume au cœur d'être les "tonton et tata". Puis il y a eut l'accident. La solitude a pris la place de la gaieté. Peut être me suis-je aigrie. Au fond de moi, je comprends qu'il ne soit pas facile d'expliquer à des enfants que leur oncle ne peut plus venir les voir. Et si j'ai essayé de ne pas rompre les liens, j'ai vite ressentie la gêne que ma présence engendrait. Les enfants sont devenues de jeunes adolescents. Ils ont grandit en nous oubliant. Hier, j'ai eu du plaisir à voir cette famille, mais aussi une grande tristesse. On ne cesse toujours de se convaincre que si les rôles étaient inversés, nous aurions réagit différemment. Peut-on en être sûr ? Aucunement.
C'est avec cette mélancolie dans le cœur que j'ai été au rendez-vous avec le professeur Stauros. Il avait l'air tout excité. Contrarié même. Il m'a invité à aller boire un café comme s'il voulait me tenir à l'écart de l'hôpital. Son discours sur la part féminine d'Éli, bien que cohérent, m'a laissé sur ma faim. Je n'ai jamais fait d'étude de psychologie du comportement. Du coup, je n'ai pas compris grand chose. Hormis que la fée censée me représenter, n'est pas ce qu'il escomptait. Quand il a reçu le sms qui le rappelait à son bureau, je suis restée, plongée dans un chaos sentimental. Le bar dans lequel nous étions étant à proximité, il est reparti en trombe. En proie à toutes sortes de raisonnement et de questions, j'ai commandé un deuxième café. Tandis que j'attendais ce dernier, j'ai aperçu Ophélie sortir de l'hôpital. Elle était visiblement en colère. Elle parlait à quelqu'un au téléphone. Au bout de deux minutes après qu'elle ait raccroché, un coupé sport que je ne connais que trop bien est arrivé. Elle s'y est engouffrée. J'ai immédiatement payé l'addition et me suis précipitée à la voiture.
La chance semble être avec moi. La voiture de David est arrêtée à un feu rouge, ce qui me permet de démarrer et de me glisser dans la circulation. Bien que quelques voitures nous séparent, je peux voir les deux occupants en train de se disputer. Je m’évertue à les suivre à distance, espérant ne pas être repérée. Au bout de dix minutes de filature, je me retrouve dans un quartier résidentiel assez huppé. David et Ophélie descendent pour entrer dans un immeuble de standing. J’attends quelques minutes puis je descends. Je m’approche de la porte vitrée. Les boites aux lettres n’est accessible qu'en franchissant l'entrée. Impossible de le faire sans éveiller l'attention du vigile en faction derrière son comptoir. Je regarde autour de moi, dans la rue. C'est à lors que l'idée me viens. Je prends les publicités des boites aux lettres environnantes puis, m'armant de courage, j’entre.
- Bonjour Monsieur, je viens distribuer les dernières publicités.
L'homme d'une cinquantaine d'année m'a regardé de pied en cape et m'a fait signe de m'activer. J'ai commencé à mettre les publicités dans les boites tout en lisant les noms. J'ai fini par trouver celui d'Ophélie. Soudain, l'ascenseur s'est mis en branle. Il me restait encore quelques boites à faire. Seulement j'avais peur de me retrouver face au couple. J'ai fourré ce qui me restait dans la première boite à proximité et je suis partie. Je n'ai même pas salué le gardien dans ma hâte.
Revenue à ma voiture, je me suis enfoncée dans mon siège. David monte dans sa voiture et démarre en trombe. Ou va-t-il précipitamment ? Je m'efforce de ne pas le perdre tout en restant à bonne distance. Comme par hasard, mon téléphone sonne. Je regarde brièvement la photo qui s’affiche, c’est David ! M’a-t-il repéré ? Non, je ne pense pas, il s’arrêterait sur le côté si c’était le cas. Que me veut-il ? Si je décroche, il va entendre que je suis au volant. Je choisis donc de laisser sonner. Le signal de messagerie retentit, il me laisse un message. Il s’engage sur la voie rapide, je ne pourrais pas le suivre s’il décide d’appuyer sur le champignon. Je le laisse filer pour m’arrêter sur la première place de stationnement. J’écoute ma boite vocale :
- Salut Ali, je me disais que ça faisait un moment que je n’étais pas aller voir Éli. J’ai l’intention d’y aller, je passe te prendre ok ? A tout de suite.
Calamité ! Il se dirige tout droit chez moi. Tant pis pour lui, il verra bien que je ne suis pas là. Par contre, il compte aller à l’hôpital. Je peux y être avant lui. Je n’aurais qu’à éteindre mon portable et faire style de découvrir sa venue.
Alors que je mets mon clignotant pour repartir, mon portable sonne une fois encore. Cette fois, c’est l’inspecteur Egala qui m’appelle. Je décroche.
- Bonjour inspecteur, comment allez-vous ?
- J’ai connu des jours meilleurs. J’aimerais m’entretenir à nouveau avec vous. Peut-on se rencontrer ?
- Je vais voir mon mari ce matin, vous pouvez m’y rejoindre si vous voulez.
- Entendu, ma collègue sera avec moi.
- Pas de problème, à tout à l’heure.
Il a la voix d’un prédateur. Qu’est-ce que ça veut dire ?
Je vais le plus vite possible dans la mesure où la circulation est assez dense aujourd’hui. Je ne suis pas encore arrivée que je reçois un nouvel appel de David. Il doit avoir constaté mon absence. Ce qui veut dire qu’il va direct à l’hôpital. Ça va se jouer à peu de chose. Instinctivement, j’enfonce la pédale d’accélérateur. Il ne faudrait pas que j’arrive après lui.


samedi 5 juillet 2014

Partie 4 - Chapitre 10 - Alcinoa

Partie 4 - Chapitre 10 - Alcinoa
Je suis complètement perdue. D'abord, il y a ce curieux personnage qui prétend être le père d'Éli. Ses révélations sur son passé n'ont rien à voir avec mes souvenirs. Puis il y a la déclaration de l'oracle. Qu'en comprendre ? Je ne fais qu'un avec le dormeur. Pourquoi a-t-elle appelé Éli de la sorte ? Cerise sur le gâteau, nous devons délivrer un fabricant de héros. Jusque là, nous n'avions pas besoin de l'aide de quiconque. Hormis celle de Basile bien sûr. J'ai bien cru qu'Éli allait le fendre en deux quand elle a parlé de parasite. Il doit être aussi égaré que moi.
Nous marchons depuis une bonne demi-heure dans un silence troublant. Même la nature semble nous laisser réfléchir aux paroles de l'oracle. A quoi mes compagnons peuvent-ils penser ? Au bien fondé de cette quête ? À moins que ne soit à notre devenir ? Après tout, une fois mes sens récupérés que va-t-il se passer ? Un nouveau portail apparaîtra pour nous ramener à l'endroit que nous avons quitté ? Tant de questions sans réponses.
Le rugissement de la chimère se fait à nouveau entendre. Elle se rapproche de nous. Pourtant, nous ne sommes pas son gibier. Le vieil homme doit nous suivre. Je m'arrête. Il doit être proche, peut être nous regarde t-il en ce moment même.
- Vieillard ! Montre-toi !
Éli se retourne précipitamment. Je ne vois pas son visage, mais je suis certaine qu'il reflète l'espérance. Ça transparaît dans le ton de sa voix.
- Alcinoa, qu'est-ce que tu as ? Tu veux attirer la bête.
Une pointe d'agacement perce dans ma réponse.
- Si la bête se rapproche, c'est qu'il n'est pas loin.
Si Basile et Éli sont inefficaces, ce n'est pas mon cas. Il ne me répond pas. Est-ce qu'il a enfin admis que j'en avais marre d'être la petite chose précieuse qu'il faut protéger ? À moins qu'il ne s'inquiète pour son père, si tenté qu'il le soit. Mes compagnons s'arment, ils s'attendent à ce qu'elle nous attaque. Pourquoi le font-ils alors qu'ils savent que c'est vain ? Réflexes de guerriers ? Je profite de ce moment pour sentir les éléments autour de moi. La rivière qui coule non loin. L'air chargé d'électricité synonyme d'orage qui s'approche. Le vieil homme a dit que la chimère s'adaptait aux attaques précédentes. Mais comment peut-elle résister à l'asphyxie ? Je ne vais pas tarder à avoir la réponse.
Le vieil homme surgit du sous bois en trombe. Ses vêtements sont arrachés et sanguinolents. La chimère a dû parvenir à le toucher d'un bon coup de patte. Il a un regard désespéré. Je pense en deviner la raison car il ne regarde que moi. Il sait que son fils ne le voit ni ne l'entend. Il compte sur moi une nouvelle fois pour transmettre son message. Peut être a-t-il les réponses aux énigmes de l'oracle. Mais pour l'heure, il nous faut une nouvelle fois nous débarrasser du monstre qui le pourchasse.
Alors que la chimère entre à pas de loup, je vois Éli remettre sa lame au fourreau. Serait-ce un sourire qui se dessine sur ses trois têtes ? Ça tient plus de la grimace.
- Ainsi tu es parvenu à retrouver celle qui t'a aidé hier. Je ne crains plus rien de sa part !
Je vois rouge. Elle se pense immunisée contre moi. C'est ce qu'on va voir. Je laisse les éléments m'imprégner. Je sens l'eau toute proche. Sa force me pénètre. Jusqu'à maintenant, je l'ai toujours utilisé de manière bénéfique, voyons l'autre côté.
Le sourire de la chimère s'estompe quand elle constate que la rivière sort de son lit pour ramper jusqu'à moi. J'avance doucement afin de prendre place entre le chasseur et sa proie. C'est vrai que je ne le porte pas dans mon cœur. Mais je ne peux pas laisser ce monstre tuer cet homme. La chimère vomit une fois de plus un torrent de feu. N'a-t-elle donc rien retenu de notre affrontement ? La colonne de feu arrive à grand vitesse vers moi, calcinant toute végétation sur son passage. Soudain, à un mètre de moi, elle oblique. Comment fait-elle cela ? Elle dirige les flammes pour atteindre... Non !
Éli est frappé de plein fouet. Quand les dernières volutes incandescentes le touchent, je le vois ! Il est lui même rougeoyant. Il est parvenu à se muer en un colosse de roche. Ainsi il est indemne. Le choc est visible sur les trois têtes du monstre. Peu de temps car elle bondit toutes griffes dehors. En réflexe, je tends les mains devant moi pour me protéger. L'eau obéit à mon esprit. Une vague repousse l'attaque. La chimère n'apprécie pas d'être mouillée. Elle s'ébroue avant de repartir à l'assaut. Je dois reprendre les rennes du combat. C'est sans compter sur la vélocité de mon adversaire. Les trois mâchoires claquent à quelques centimètres de moi. Le sol est trempé, c'est ma chance. Je visualise un lac gelé pour emprisonner les pattes arrière du monstre. Elle répond à ma ruse en soufflant son haleine brûlante tout en continuant d'attaquer à l'aide de ses deux autres têtes. Mais comment un vieillard a-t-il pu parvenir à vaincre un tel monstre ?
Je m'offre un bouclier de glace et une lance en stalactite. Tel un hoplite aguerri, je parviens à tenir la bête à distance. C'est alors que mes compagnons me viennent en aide. Éli en colosse de roche assène de violents coups de masse qui trouvent les cornes de la tête de bouc. Basile, qui ne manie pas encore les éléments avec autant de sûreté, choisit d'utiliser une nouvelle fois le feu. Vainement.
- Elle est insensible au feu depuis que je l'ai incendié en retournant se flammes contre elle.
J'en avais presque oublié le père d'Éli. D'un rapide coup d'œil, je le vois à genou derrière nous. Il trace un message sur le sol. Le fait d'avoir détourné mon attention durant quelques secondes me coûte cher. D'un coup de griffes, la chimère explose mon bouclier tout en m'ouvrant une plaie dans l'avant-bras. La douleur me fait lâcher mon arme. Éli comprend la menace, il change de tactique. Avant même que la bête n'en profite, il se jette sur elle et la saisit à bras le corps. La mâchoire de dragon se referme sur son épaule. La pression doit être terrible car plusieurs dents cassent sur la roche. Pourtant Éli ne lâche pas prise. Je voudrais pouvoir attaquer avec des piques de glace, mais je risquerais de toucher mon amour. Basile tente de la pourfendre de son épée. Là encore en vain. Alors que je reste indécise, le père d'Éli ramasse ma lance de glace et charge. La chimère rugit de douleur tandis que sa tête de bouc cesse de bouger. C'est à ce moment que le coup fatal s'en suit. La queue de scorpion s'abat lourdement sur le vieillard qui hoquette de douleur. J'ai beau crié un "non" déchirant, elle a atteint son but. Éli, maintenant sur son dos, transforme sa main en une lame de pierre acérée. Il la plonge entre les omoplates de la chimère qui s'effondre. Dans un éclair de lucidité, je me saisis de mon bâton et projette mon rayon de soin sur le vieil homme qui gît au sol. Les deux belligérants sont touchés au même endroit. Les derniers mots du monstre sont :
- J'ai gagné...
A-t-elle compris que l'un et l'autre étaient liés ? Alors que son corps se change en une poussière noire, Hector lui répond :
- Personne ne sors vainqueur d'un tel combat. Si, si (il crache du sang) je meure, tu disparais avec moi...
Ses yeux se referment laissant couler une larme.
Éli est redevenu normal, je ne vois plus son visage. Pourtant je suis certaine qu'il regarde son père. A voir la tête que fait Basile, il doit le voir.
- Qui est cet homme ? Déclare t-il.
- Mon père... Je crois.
Éli ouvre la terre d'un geste de la main. Il y place le vieil homme et referme. A peine la terre a-t-elle recouvert son père qu'une pousse d'arbre sort de la tombe. C'est un cèdre. L'arbre millénaire.
Je le retourne vers le message qu'il avait tracé dans la poussière du sol.
- Ne m'oublie pas, mon fils. Je suis fier de toi.
Est-ce un sanglot qu'il laisse échapper ? Je n'ai pas le cœur à le lui demander.

Nous ramassons nos affaires et suivons Éli, qui, une fois encore, se mure dans le silence. 
Cette fois-ci, je le comprends.