Partie
4 - Chapitre 4 - Alcinoa
Retrouver
le sens du toucher m'a fait un bien fou. A moins que ce soit les caresses
d'Éli. Toujours est-il que je me sens dans une grande forme. C'est d'ailleurs
ce qui est surprenant. Les derniers événements ont été grandement éprouvant. Pourtant,
tous ces traumatismes ont cédé la place à un bien être que je n'ai pas éprouvé
depuis que nous avons franchit le portail. J'ai le sentiment qu'Éli ressent la
même chose. Il se montre beaucoup plus souple avec Basile. Faut dire qu'il a
fait preuve de courage et qu'il est resté le dernier rempart pour nous protéger.
Les paroles
de Stauros nous ont mis en garde. L'avenir va être encore plus éprouvant. Mais
j'ai confiance. Le fait d'avoir faillit mourir nous a rapproché. Ça a renforcé nos
liens. Même si je sais pertinemment que nous allons encore risquer nos vies, la
seule pensée du réconfort que nous nous sommes prodigués me fait sourire. Je
marche au côté de l'homme de ma vie. Sa main dans la mienne me rappelle la
douceur et la tendresse qu'il m'a témoignée.
Mon
sourire s'efface. Je repense au flot d'images que Stauros a injecté en Éli. Du
fait que je lui tenais la main, j'en ai été témoin. Je suis troublé par la vue
de cet homme qui semble être son père. J'ai déjà vu ce visage. L'expression de
son regard m'a frappé. Je n'arrive pas à définir ou ni quand. J'ai beau passé
en revue les différents épisodes récents, je ne le situe pas. Soudain je comprends.
Je n'ai pas rencontré cet homme dans la réalité, mais en rêve. C'est l'homme
que j'ai soigné. Il avait nagé durant un long moment. Il est parti sur une mise
en garde alors qu'il était poursuivit par un monstre étrange. Comment est-il
possible que le père d'Éli apparaisse dans un de mes rêves ? Ça n'est pas
logique. A moins que je ne l'ai rencontré dans mon ancienne vie. Je ne vois que
cette explication. Éli me serre la main doucement. Je comprends qu'il me
regarde car il communique par petites pressions répétées. Je dois le détendre,
retrouver ce bien être que je ressentais il y a quelques minutes. Mais je ne
parviens pas à m'expliquer pourquoi. Pourquoi cet homme m'est apparu. Pourquoi m'a-t-il
mis en garde contre Basile ? S'il était si néfaste, il n'aurait pas pris autant
de risque pour nous défendre.
D'un
autre côté, être la conscience d'Éli l'oblige à le protéger. Il a pourtant
cherché à le tuer à Mycènes. Oui, mais il était sous le contrôle du Basilic. Cette
quête me fait perdre la raison. Je n'arrive pas à échafauder un raisonnement
cohérent. Il me manque des explications. J'ai beau essayer de fouiller dans le
flot d'images transmit à Éli, rien n'éveille la moindre réponse. Les deux
premières parties de sa mémoire étaient des tranches de vie. Son enfance
d'abord, puis son adolescence. Cette fois, ses souvenirs concernent une
personne. Comme-ci Stauros tentait de lui rappeler l'existence et l'influence
de cette personne sur sa vie. L'image qui m'a le plus troublée est celle ou Éli
me présente à son père. Je me suis reconnu malgré l'absence de mes ailes. Les
fées ont le pouvoir de masquer la réalité aux incrédules. Pourtant, nous
rechignons à utiliser ce subterfuge envers les personnes liées à notre devenir.
À moins que...
... Je
n'ai renoncé à être une fée pour vivre dans le monde des humains. Seulement, ça
ne colle pas avec mes souvenirs. Ceux concernant les combats qu'Éli a livrés
contre les ennemis de mon peuple avant notre fuite. Il y a donc deux passés
différents. Ce n'est pas possible. Sauf si Basile a raison et que Stauros soit
l'instrument de mon peuple pour nous séparer. Si c'était le cas, il connaîtrait
Basile. Il n'aurait pas été aussi surpris d'apprendre son existence. Maintenant
qu'il le sait, quel impact cela aura-t-il sur notre quête ? Il me faut mettre
les choses au clair :
-
Basile, penses-tu que ta présence n'engendre pas un risque pour notre quête ?
Ma
question lui fait stopper sa progression. Il me scrute comme pour percevoir ce
qu'elle peut bien vouloir sous entendre. C'est injuste que je puisse le voir alors
qu'Éli me reste caché.
- Je ne vois
pas en quoi ça engendrerait un risque. Au contraire, un combattant en plus ça
soulage, non ?
- Sauf
si la difficulté de notre quête se règle en fonction du nombre de personnes.
- Ça
serait vicieux, mais bon, personne ne le sait.
J'ai du
me rembrunir car Éli intervient :
- Tu en
as parlé à Stauros ?
Devant
mon signe affirmatif de la tête, Éli poursuit :
- Depuis
quand le sait-il ?
- Depuis
la caverne d'Arachnée. Il est apparu quand Basile est sorti pour vérifier que
le boyau qui remontait vers la surface était praticable. Il y a autre chose
aussi.
- Quoi donc
ma chérie ?
Même si
ces deux derniers mots me vont droit au cœur, j'ai l'impression d'être en
pénitence.
- J'ai
vu les images qu'il t'a injecté.
- Je
n'ai aucun secret pour toi. Elles concernaient toutes mon père.
Basile intervient
:
- Il est
pas gonflé votre Stauros d'attendre que je tourne le dos pour venir.
Je
n'avais pas vu ça sous cet angle. Il est vrai que d'apparaître pile au moment
où Basile soit partit rend suspect son intervention. D'ailleurs Basile ne se
prive pas de le souligner. C'est Éli qui émet une hypothèse :
- A
moins qu'il ne puisse me rendre ma mémoire uniquement quand ma conscience ne risque
pas de faire barrage.
Cette
fois, c'est Basile qui se renfrogne. Soudain Éli lève son bras. Depuis le début
de notre quête, je l'ai vu faire se signe avant chaque affrontement. Je ne
distingue que ses brassards, mais je sais que quand il lève son bras gauche,
c'est signe de danger et qu'il faut nous taire. Il m'entraîne vers un gros
rocher et me souffle de rester à couvert. Je commence à en avoir marre d'être
tout juste bonne à me cacher ou à guérir leurs plaies. Je sens la colère
grandir en moi et avec elle, les éléments que je ne percevais plus correctement.
Maintenant que j'ai recouvré le toucher, je sens les picotements significatifs.
Ma colère attise le feu. Je finis pas voir de toutes petites flammèches jaillir
au bout de mes doigts. Et si cette fois, je prenais part au combat. Mon odorat me
révèle l'approche de ménades. Elles sont plusieurs et avances en tenaille. Je
vois Éli, ou tout du moins son armure, campé sur ses deux pieds avec Basile à
ses côtés. Les premières flèches fusent vers eux. Elles sont en surnombre et ne
s'attendent pas à me voir. Il me faut attendre l'attaque des spadassins.
Ensuite, je pourrais m'occuper des archères. Mon cœur accélère. Je ne l'ai vois
pas, mais je l'ai sens. En me fiant à mon nez, je pourrais les avoir. J'en ai
la conviction.
Quelle
est cette lumière ? C'est Basile ! Il est parvenu à créer un bouclier de feu. Il
fait quatre mètres de diamètre. Les hoplites qui fondaient sur eux stoppent
brusquement leurs courses. Incroyable. Je n'en reviens pas qu'il arrive à
maîtriser les éléments. Néanmoins, les archères restent un problème. Même si
Éli parvient à détourner leurs traits en se servant de bourrasques, quelques
flèches se figent dans le bouclier de Basile. En regardant le combat, je perçois
les flèches qui franchissent le bouclier de feu. Ça me permet de définir la
position des tireurs. Il y en a cinq. Les flammes se réduisent. Basile ne
parviendra pas à garder cette barrière très longtemps. Éli se met à utiliser le
eu pour en extraire des projectiles qu'il envoie avec rage sur les combattantes
de proximité. Elles sont lestes et véloces. Chaque boule de feu rate sa cible pour
s'écraser plus loin. C'est maintenant que je peux intervenir. Je profite d'une
volée qui me permet de choisir une direction. Tout en restant à moitié protéger
par le rocher, je me lève et balance toute ma frustration dans une colonne de
feu qui ouvre une rivière de flamme. Le cri de l'archère touchée de plein fouet
est bref. Pas besoin de les faire souffrir.
- Reste
abritée Alcinoa ! Hurle Éli.
Je fais
la sourde oreille, après tout, je n'ai pas retrouvé mon ouïe. La seconde
colonne de feu dévaste tout dans la direction d'une seconde archère. Autant le
cri plaintif d'une mourante circule sur une fréquence que je perçois, autant
les jurons ne me parviennent pas. Je l'ai loupé. Éli franchit ce qui reste des
flammes en courant dans ma direction. Il pourfend au passage la ménade sur son
chemin et envoie une lame d'air que je voie passer juste devant moi. Je
m'agenouille précipitamment derrière le rocher. Le gladius d'Éli tombe devant
moi. Il a dû être touché. Basile fait face à quatre ménades. Son bouclier de
feu est un souvenir. Je vois à son visage, que cette démonstration de force l'a
considérablement épuisé. Malgré les contestations d'Éli, je me redresse pour aider
notre chaperon. Je propulse de toutes mes forces un mur de feu qui incendie
deux de ses assaillantes. Profitant de leur surprise, Basile réduit leur
nombre. Il se retrouve en duel, ce qui est plus équitable. Mon audace me vaut
d'être l'objet des tirs suivants. Éli fait obstacle de son corps. Il a dû être
à nouveau touché car je vois ses brassards en direction du sol.
- Alci,
je t'en prie, reste à l'abri.
Sa voix
est entrecoupée d'une respiration rauque. Il souffre. Pourtant je le voie. Il
utilise l'air pour que les flèches logées dans sa main et dans sa cuisse
tombent au sol. C'est à ce moment que je comprends qu'il n'y a pas que la
colère qui alimente sa capacité élémentaire. La peur et la douleur le
transcendent. Il s'élance tel le vent vers les archères qui le criblent de
flèches. Une fraction de seconde lui suffit pour mettre hors d'état de nuire chacune
des belligérantes.
Basile,
de son côté, parvient à se défaire de la dernière ménade. Il tombe à genou. Il
est blessé à la hanche. La javeline de son adversaire la perçait de part en
part. Je ramasse mon bâton et me précipite pour le soigner. Alors que son visage
est empreint de gratitude, j'entends Éli grondait derrière moi :
- Tu as
perdue la tête !
- Je
voulais vous aider. C'est autant ma quête que la tienne !
- Je ne
le sais que trop. Seulement c'est à moi qu'il incombe de te protéger et non
l'inverse. S'il t'arrivait quelque chose, je ne me le pardonnerais pas.
- Qui a
décidé qu'il n'y a que toi qui dois prendre des risques ? Depuis notre arrivée
dans ce monde, j'ai déjà été congelée et incendiée. Tu ne crois pas que j'ai
mon joug à porter. Il est hors de question que je reste en retrait. Si je dois
perdre la vie, je préfère que ce soit en me battant pour survivre !
Je dois
avoir haussé le ton considérablement car Basile me dévisage avec une expression
indéfinissable. Comme il me voie porter mon attention vers lui, il croit bon
d'ajouter :
- Moi,
je compte pour du beurre ?
- Ah
toi, la ferme ! Répondons-nous de concert.
- Au
moins vous êtes d'accord sur ce point ! Dit-il en souriant.
Je me
tourne vers Éli, le bâton à la main. Son armure pivote, il fait demi-tour en me
tournant le dos. Après avoir ramassé son arme qu'il avait laissé tomber, il se
remet en route sans rien dire. Je n'arrive pas à croire qu'il reprend la route
comme ça, muré dans le silence. C'est notre première dispute. A cet instant me
reviens les paroles de Stauros. Ce périple mettra notre amour à l'épreuve. Ce
matin, j'aurais juré qu'il s'était renforcé. Maintenant, je ne suis plus sûr de
rien. Je rumine, certaine du bien fondé de mon point de vue. Il boite, il est
blessé mais refuse que je le soigne. C'est alors que je me rends compte que mes
paroles lui ont sans doute fait plus de tords que les flèches. C'est aussi la
première fois que je marche seule, sans qu'il ne me tienne la main. Je suis
trois pas derrière lui et même si je ne le voie pas, je sais qu'il ne se
retourne pas. Basile a l'air perdu, partagé entre Éli et moi.
- Laisse
moi te soigner s'il te plait.
Je
l'implore en vain. Il continue d'avancer sans ralentir le pas. Une minute
après, minute qui m'a paru une heure, il finit par dire qu'il veut rallier
Ambrossos avant la nuit. C'est le dernier village avant Delphes. Nous pourrons
nous reposer. Je commence à m'en vouloir. Nous souffrons tous deux d'un
handicap. Même si le sien est invisible, il n'en reste pas moins frustrant. Suis-je
une égoïste de vouloir me battre à leur côté ? Qu'adviendrait-il de sa mémoire
si je perdais la vie ? Je comprends pourquoi il ne souhaite pas que je prenne
part au combat. Non seulement il me perdrait, mais il perdrait également son
passé.
Alors
que je suis décidée à faire la paix, c'est ce moment que choisis son père pour
apparaître.
Ah ! la première dispute XD mais bon, on sent qu'on ne doit embêter ni Alci ni Éli !
RépondreSupprimerEt le paternel qui débarque, on peut déjà prévoir qui sera le prochain personnage qui nous fera vivre ton récit :)