Partie
4 - Chapitre 1 - Inspecteur Égala.
J'en ai
vu pas mal dans ma carrière. Ça fait vingt ans que je traine mes guêtres dans
cette ville. Entre les règlements de compte, les trafics et tout le reste plus sordide
encore, j'étais convaincu qu'il en faudrait beaucoup pour m'impressionner. Je me
trompais. J'étais loin d'imaginer qu'il soit possible d'arpenter le rêve d'un
autre. Encore moins de faire revenir un comateux dans le monde des vivants. Oui,
je sais, tant qu'on respire, on est vivant. Mais bon, c'est pas une vie que de
vivre couper de la réalité. Quoique... A bien y réfléchir, il vit dans un rêve,
alors que moi, je trime dans ce cloaque. Vous vous demandez sans doute ce que je
pense de ce bazar ?
Comme
vous le savez déjà, je connais Alicia Guerreor. Enfin, quand je dis que je la
connais, c'est une façon de parler. Je suis intervenu sur l'accident dont ils
ont été victimes il y a dix ans. Par empathie, à l'époque j'avais encore ce
travers, je suis resté en contact avec elle. Seulement rien ne changeait. Elle
ne voulait pas accepter que son mari ne reviendrait pas. Je suis du genre à
regarder droit devant moi. Je ne comprends pas ceux qui s'accrochent à un
espoir qui tient plus du miracle qu'autre chose. J'avais moi aussi mes soucis. Bref,
j'ai pris mes distances.
Par contre,
je ne connaissais pas les autres, à commencer par ce "professeur"
Stauros. Ils ont quelques choses qui me répugnent tous ces gens à titres. Ils
sont, à mon avis, aussi répréhensibles que les dealers. Ils vous vendent du rêve
en échange de votre argent mais refusent d'être tenus pour responsables de votre
addiction. Quelle hypocrisie ! Les dealers sont jugés et écroués pour un temps.
Eux, personne ne les inculpe même si l'issue de leurs expériences est souvent
fatale. Michel Stauros est un véritable vampire. Il profite de la douleur
des gens pour leur proposer ses services. Il ne leur promet rien, c'est
"expérimental". Comme ça, si ça foire, on passe au suivant. Et Dieu
sait qu'il y en a des malheureux.
- Je ne
vous permets pas !
- Attend
le prof ! Je suis dans mon chapitre, je dis ce que j'ai envie. Tu me fais
gerber avec tes histoires à deux balles. Tu ne crois pas qu'elle n'a pas assez
souffert pour lui servir ton espoir édulcoré ?
- Bien sûr,
allez-y ! Traînez-moi dans la boue ! Votre esprit étroit de fonctionnaire ne
peut même pas effleurer une esquisse de compréhension. Avec vous, c'est toujours
comme ça. Vous pensez que nos diplômes ne valent rien tant qu'on n'a pas sauvé la
vie de quelqu'un que vous respecter. Ceux que vous ne connaissez pas, ne
comptent pas.
- Oh ! Hé
! Tu l'as mets en veilleuse oui. T'inquiète, t'es pas mon principal suspect.
Oui
parce qu'il faut dire qu'il y a pire qu'eux. Leurs employeurs sont encore plus vils
qu'eux. Tous ces chefs de cliniques, patrons d'hôpitaux qui jouent avec
l'argent des malheureux et qui considèrent les praticiens comme des chevaux de
courses. Tant qu'ils gagnent, ils sont rentables. S'ils se blessent, c'est l'abattoir.
Daniel Persol est l'un d'eux.
C'est le
patron de Stauros. Comme moi, il a découvert le petit monde de son protégé. Seulement,
il n'a pas apprécié d'avoir été tenu à l'écart de certaines décisions. Comme
celle de brancher un vieux farfelus atteint d'Alzheimer au stade terminal. Même
si l'hôpital est un endroit où beaucoup finissent leurs jours, autant éviter
que ce soit au cours d'expériences hasardeuses.
- Mes expériences
ne sont pas le fait du hasard.
- Bon, s'il
vous plait, le prof. Vous n'êtes pas obligé d'intervenir pour si peu.
- J'y
suis contraint, vous vous laissez aller.
- N'empêche
qu'il a raison sur un point : vous auriez dû me parler de cette idée farfelue.
- Elle
n'a rien de farfelue. Je n'ai que faire des méandres administratifs. Il me
fallait prendre une décision rapide face aux derniers événements.
Nous sommes
quatre dans le bureau du prof. Il ne se refuse rien le bougre. Bureau en acajou,
bibliothèques assorties et bondées de livres à grosses reliures de cuir. Un bonzaï
au milieu d'une reconstitution miniature d'un jardin asiatique. Les fauteuils
de bureau sont un mixte acajou et cuir de buffle. Ils sont confortables même si
en nous regardant, la seule qui soit bien assise soit Alicia. Elle reste
également muette comme une tombe. Elle nous écoute avec un sourire énigmatique.
Je ne comprends pas le lien entre tous les événements.
On voit
clairement sur la vidéo surveillance qu'une personne s'introduit dans le
"bocal". Elle me fait délirer cette expression, chez nous le bocal, c'est
la salle aux pièces à conviction. Bref, on ne sait pas l'identifier. Qu'est-ce
qui permet à Alicia de penser que cette intrusion est liée à l'agression de son
patron ? Mystère ! Ça n'est pas logique. D'un autre côté, c'est vraiment pas de
veine que d'avoir deux délits dans son environnement proche. Mais ça arrive, et
ça arrivera encore. De toute manière, j'ai les infos qu'il me faut. Je n'ai plus
qu'à attendre que ce brave restaurateur sorte du coma.
- Sinon,
je pourrais toujours vous l'envoyer !
- Très drôle.
Décidément,
il est du genre susceptible, le prof. Après avoir serré la main aux deux hommes,
je m'approche d'Alicia. C'est alors qu'elle ouvre la bouche :
- Il n'y
avait rien sur les caméras du resto, n'est-ce-pas ?
Ça jette
immédiatement un froid. J'ai beau éluder avec le couplet "confidentiel,
enquête en cours", elle insiste.
- S'il y
avait eu le moindre détail exploitable, vous ne seriez pas venu !
- Là,
c'est trop. Je suis venu par amitié et par professionnalisme. Je ne dois
négliger aucune piste. Réfléchissez à ce que vous dites Alicia ! Tout ne tourne
pas autour de vous. Tout ne se résume pas à votre souffrance et à votre malheur
!
Je
remarque tout de suite que j'ai tapé fort. Pas besoin d'être inspecteur pour voir
l'effet de ma répartie. Oui, bien sûr qu'elle a raison. Si une caméra avait
enregistré l'agression de son patron, je ne serais pas venu pour une intrusion
dans un labo. Je la regarde porter la main à sa bouche tandis que ses yeux
s'embuent. Elle se reprend, elle est forte. Elle ne veut pas donner signe de
faiblesse devant trois hommes. C'est une fois de plus le prof qui s'en mêle :
-
Inspecteur, j'ose croire que dans votre métier vous en voyez de toutes les couleurs.
Mais ce n'est pas une raison pour traiter les gens comme ça !
- Je
sais prof, je sais.
Je n'ai
pas cessé de regarder Alicia s'efforcer de garder sa contenance. Il est évident
que quoique je dise, je la ferai craquer. Je la saisie par les épaules et
l'assure de la contacter très bientôt. Je quitte le bureau du prof le premier,
en proie à une réflexion profonde. Je tourne dans le couloir menant à l'ascenseur
que j'appelle en appuyant sur le bouton. Une fois à l'intérieur, j’attends que
les portes se ferment et appuie sur l'étage, disons plutôt, le sous sol requis.
Puis, comme dans les films, une main entrave la fermeture au dernier moment. Une
main de femme...
-
Alicia, je suis conscient d'y avoir été un peu f...
Ce n'est
pas Alicia mais une plantureuse infirmière. Non, ça fait vraiment cliché. Elle
me sourit, appuie sur le bouton correspondant à sa destination et me tourne le
dos. J'avoue laisser mon regard trainer sur les courbes quasi parfaite de cette
beauté au parfum entêtant. L'ascenseur s'ouvre pour la laisser passer. Elle
sait pertinemment que je la mate, d'où le petit geste de la main en guise de
salut. Un coupé sport l'attend. Elle ouvre la portière sans même un regard vers
moi. Le bolide démarre en trombe, j'ai juste le temps de lire l'immat, par
réflexe.
Une fois
dans ma C4 de fonction, j'allume mon PC. J'entre l'immatriculation, histoire de
voir qui sort avec l'infirmière de mes rêves. Tandis que le pédigrée du propriétaire
de la voiture s'affiche, ma portière s'ouvre brusquement.
- Vous
ne verrez pas d'inconvénient à me ramener chez moi, inspecteur ?
Je n'ai pas
le temps d'infirmer ou de confirmer qu'Alicia monte déjà dans la voiture. J'appuie
trop tard sur le bouton "veille" de mon ordi. Elle a aperçu l'homme.
- Vous
lui voulez quoi à David ? Il n'a pas payé une contravention pour excès de
vitesse ?
- Vous
le connaissez ?
- David
Tennant ? Bien sûr, c'était le meilleur ami de mon mari.
Rhô l'inspecteur Egala...Mon personnage préféré(^^)...Blague à part, excellente idée de tourner l'histoire vers l'enquête à proprement parler! On réfléchi en même temps que lui et tu nous guides ou tu veux qu'on aille...Cependant,(je me permets encore... ), attention aux fautes d'orthographe, des singuliers qui tout à coup se retrouvent au pluriel (quand Egala parle de Stauros, "ils profitent"...), etc...
RépondreSupprimerBien vu les fautes! C'est corrigé, en tout cas pour le "Il profite" ...
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