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vendredi 2 mai 2014

Partie 4 - Chapitre 1 - Inspecteur Egala

Partie 4 - Chapitre 1 - Inspecteur Égala.
J'en ai vu pas mal dans ma carrière. Ça fait vingt ans que je traine mes guêtres dans cette ville. Entre les règlements de compte, les trafics et tout le reste plus sordide encore, j'étais convaincu qu'il en faudrait beaucoup pour m'impressionner. Je me trompais. J'étais loin d'imaginer qu'il soit possible d'arpenter le rêve d'un autre. Encore moins de faire revenir un comateux dans le monde des vivants. Oui, je sais, tant qu'on respire, on est vivant. Mais bon, c'est pas une vie que de vivre couper de la réalité. Quoique... A bien y réfléchir, il vit dans un rêve, alors que moi, je trime dans ce cloaque. Vous vous demandez sans doute ce que je pense de ce bazar ?
Comme vous le savez déjà, je connais Alicia Guerreor. Enfin, quand je dis que je la connais, c'est une façon de parler. Je suis intervenu sur l'accident dont ils ont été victimes il y a dix ans. Par empathie, à l'époque j'avais encore ce travers, je suis resté en contact avec elle. Seulement rien ne changeait. Elle ne voulait pas accepter que son mari ne reviendrait pas. Je suis du genre à regarder droit devant moi. Je ne comprends pas ceux qui s'accrochent à un espoir qui tient plus du miracle qu'autre chose. J'avais moi aussi mes soucis. Bref, j'ai pris mes distances.
Par contre, je ne connaissais pas les autres, à commencer par ce "professeur" Stauros. Ils ont quelques choses qui me répugnent tous ces gens à titres. Ils sont, à mon avis, aussi répréhensibles que les dealers. Ils vous vendent du rêve en échange de votre argent mais refusent d'être tenus pour responsables de votre addiction. Quelle hypocrisie ! Les dealers sont jugés et écroués pour un temps. Eux, personne ne les inculpe même si l'issue de leurs expériences est souvent fatale. Michel Stauros est un véritable vampire. Il profite de la douleur des gens pour leur proposer ses services. Il ne leur promet rien, c'est "expérimental". Comme ça, si ça foire, on passe au suivant. Et Dieu sait qu'il y en a des malheureux.
- Je ne vous permets pas !
- Attend le prof ! Je suis dans mon chapitre, je dis ce que j'ai envie. Tu me fais gerber avec tes histoires à deux balles. Tu ne crois pas qu'elle n'a pas assez souffert pour lui servir ton espoir édulcoré ?
- Bien sûr, allez-y ! Traînez-moi dans la boue ! Votre esprit étroit de fonctionnaire ne peut même pas effleurer une esquisse de compréhension. Avec vous, c'est toujours comme ça. Vous pensez que nos diplômes ne valent rien tant qu'on n'a pas sauvé la vie de quelqu'un que vous respecter. Ceux que vous ne connaissez pas, ne comptent pas.
- Oh ! Hé ! Tu l'as mets en veilleuse oui. T'inquiète, t'es pas mon principal suspect.
Oui parce qu'il faut dire qu'il y a pire qu'eux. Leurs employeurs sont encore plus vils qu'eux. Tous ces chefs de cliniques, patrons d'hôpitaux qui jouent avec l'argent des malheureux et qui considèrent les praticiens comme des chevaux de courses. Tant qu'ils gagnent, ils sont rentables. S'ils se blessent, c'est l'abattoir. Daniel Persol est l'un d'eux.
C'est le patron de Stauros. Comme moi, il a découvert le petit monde de son protégé. Seulement, il n'a pas apprécié d'avoir été tenu à l'écart de certaines décisions. Comme celle de brancher un vieux farfelus atteint d'Alzheimer au stade terminal. Même si l'hôpital est un endroit où beaucoup finissent leurs jours, autant éviter que ce soit au cours d'expériences hasardeuses.
- Mes expériences ne sont pas le fait du hasard.
- Bon, s'il vous plait, le prof. Vous n'êtes pas obligé d'intervenir pour si peu.
- J'y suis contraint, vous vous laissez aller.
- N'empêche qu'il a raison sur un point : vous auriez dû me parler de cette idée farfelue.
- Elle n'a rien de farfelue. Je n'ai que faire des méandres administratifs. Il me fallait prendre une décision rapide face aux derniers événements.
Nous sommes quatre dans le bureau du prof. Il ne se refuse rien le bougre. Bureau en acajou, bibliothèques assorties et bondées de livres à grosses reliures de cuir. Un bonzaï au milieu d'une reconstitution miniature d'un jardin asiatique. Les fauteuils de bureau sont un mixte acajou et cuir de buffle. Ils sont confortables même si en nous regardant, la seule qui soit bien assise soit Alicia. Elle reste également muette comme une tombe. Elle nous écoute avec un sourire énigmatique. Je ne comprends pas le lien entre tous les événements.
On voit clairement sur la vidéo surveillance qu'une personne s'introduit dans le "bocal". Elle me fait délirer cette expression, chez nous le bocal, c'est la salle aux pièces à conviction. Bref, on ne sait pas l'identifier. Qu'est-ce qui permet à Alicia de penser que cette intrusion est liée à l'agression de son patron ? Mystère ! Ça n'est pas logique. D'un autre côté, c'est vraiment pas de veine que d'avoir deux délits dans son environnement proche. Mais ça arrive, et ça arrivera encore. De toute manière, j'ai les infos qu'il me faut. Je n'ai plus qu'à attendre que ce brave restaurateur sorte du coma.
- Sinon, je pourrais toujours vous l'envoyer !
- Très drôle.
Décidément, il est du genre susceptible, le prof. Après avoir serré la main aux deux hommes, je m'approche d'Alicia. C'est alors qu'elle ouvre la bouche :
- Il n'y avait rien sur les caméras du resto, n'est-ce-pas ?
Ça jette immédiatement un froid. J'ai beau éluder avec le couplet "confidentiel, enquête en cours", elle insiste.
- S'il y avait eu le moindre détail exploitable, vous ne seriez pas venu !
- Là, c'est trop. Je suis venu par amitié et par professionnalisme. Je ne dois négliger aucune piste. Réfléchissez à ce que vous dites Alicia ! Tout ne tourne pas autour de vous. Tout ne se résume pas à votre souffrance et à votre malheur !
Je remarque tout de suite que j'ai tapé fort. Pas besoin d'être inspecteur pour voir l'effet de ma répartie. Oui, bien sûr qu'elle a raison. Si une caméra avait enregistré l'agression de son patron, je ne serais pas venu pour une intrusion dans un labo. Je la regarde porter la main à sa bouche tandis que ses yeux s'embuent. Elle se reprend, elle est forte. Elle ne veut pas donner signe de faiblesse devant trois hommes. C'est une fois de plus le prof qui s'en mêle :
- Inspecteur, j'ose croire que dans votre métier vous en voyez de toutes les couleurs. Mais ce n'est pas une raison pour traiter les gens comme ça !
- Je sais prof, je sais.
Je n'ai pas cessé de regarder Alicia s'efforcer de garder sa contenance. Il est évident que quoique je dise, je la ferai craquer. Je la saisie par les épaules et l'assure de la contacter très bientôt. Je quitte le bureau du prof le premier, en proie à une réflexion profonde. Je tourne dans le couloir menant à l'ascenseur que j'appelle en appuyant sur le bouton. Une fois à l'intérieur, j’attends que les portes se ferment et appuie sur l'étage, disons plutôt, le sous sol requis. Puis, comme dans les films, une main entrave la fermeture au dernier moment. Une main de femme...
- Alicia, je suis conscient d'y avoir été un peu f...
Ce n'est pas Alicia mais une plantureuse infirmière. Non, ça fait vraiment cliché. Elle me sourit, appuie sur le bouton correspondant à sa destination et me tourne le dos. J'avoue laisser mon regard trainer sur les courbes quasi parfaite de cette beauté au parfum entêtant. L'ascenseur s'ouvre pour la laisser passer. Elle sait pertinemment que je la mate, d'où le petit geste de la main en guise de salut. Un coupé sport l'attend. Elle ouvre la portière sans même un regard vers moi. Le bolide démarre en trombe, j'ai juste le temps de lire l'immat, par réflexe.
Une fois dans ma C4 de fonction, j'allume mon PC. J'entre l'immatriculation, histoire de voir qui sort avec l'infirmière de mes rêves. Tandis que le pédigrée du propriétaire de la voiture s'affiche, ma portière s'ouvre brusquement.
- Vous ne verrez pas d'inconvénient à me ramener chez moi, inspecteur ?
Je n'ai pas le temps d'infirmer ou de confirmer qu'Alicia monte déjà dans la voiture. J'appuie trop tard sur le bouton "veille" de mon ordi. Elle a aperçu l'homme.
- Vous lui voulez quoi à David ? Il n'a pas payé une contravention pour excès de vitesse ?
- Vous le connaissez ?
- David Tennant ? Bien sûr, c'était le meilleur ami de mon mari.


2 commentaires:

  1. Rhô l'inspecteur Egala...Mon personnage préféré(^^)...Blague à part, excellente idée de tourner l'histoire vers l'enquête à proprement parler! On réfléchi en même temps que lui et tu nous guides ou tu veux qu'on aille...Cependant,(je me permets encore... ), attention aux fautes d'orthographe, des singuliers qui tout à coup se retrouvent au pluriel (quand Egala parle de Stauros, "ils profitent"...), etc...

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  2. Bien vu les fautes! C'est corrigé, en tout cas pour le "Il profite" ...

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