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samedi 17 mai 2014

Partie 4 - Chapitre 3 - Michel Stauros

Partie 4 - Chapitre 3 - Michel Stauros.
Quel crétin ! Mais qu'est-ce qui m'a pris d'accepter que ce flicaillon vienne fourrer son nez partout. En plus, il est perclus de préjugés. Il ne peut pas être objectif. Sans compter qu'il m'a foutu dans une mouise pas possible. Daniel est parti furibond. Il n'a pas apprécié que je ne l'informe pas pour Hector. C'en est même étrange. J'ai trouvé sa réaction disproportionnée. Tous les papiers ont été faits, l'hôpital ne risque aucune attaque. Pourtant il m'a semblé nerveux. Surtout quand nous avons visionné la vidéo. Il devrait être celui qui souhaiterait le plus que l'on fasse la lumière sur les intrusions dans son établissement.
Et Alicia ! Elle m'invite au restaurant pour me planter là. Elle se barre avec le flic. Durant tout le temps de l'entretien, elle est restée muette. Ce n'est qu'à la fin qu'elle intervient. Pour quel résultat ? Je vous le donne en mille ! Se faire passer pour une femme instable. Et par voie de conséquence, je deviens nigaud de la croire. En temps normal, je n'accorde pas beaucoup d'importance à ce que pense les autres de moi. Mais il y a des limites, j'ai ma fierté.
Je n'ai pas trop le temps de m'appesantir sur mon sort. Il se trouve qu'Éli progresse plus vite que je ne le pensais. Pourquoi ? Peut être est-ce la présence de son père. En suivant le programme que j'avais instauré, il devait acquérir le sens du toucher. La particularité de ce sens est qu'il est double. Il y a le toucher direct et l'indirect. Pour m'assurer de ce dernier, j'avais branché un ventilateur. Tourné vers le lit, il doit me permettre de déceler une réaction capillaire à la fraîcheur. Je suis agréablement surpris de constater la "chair de poule" qui parcoure le bras de mon patient. Reste le direct à tester. Rien de plus simple, une plume qui remonte à fleur de peau sur la face intérieure de l'avant bras.
Je fais un bond quand la main d'Éli se referme sur mon poignet. Je n'aurais jamais cru qu'après dix ans dans le coma, il puisse encore avoir une telle poigne. Ça n'a duré qu'une seconde, mais j'ai ma preuve que la sensibilité tactile est bien revenue. Je souris en reposant sa main le long de son corps. Il n'a pas fait d'arrêt cardiaque. Enfin des résultats qui ne mettent pas sa vie en danger.
Même s'il y a de quoi être on ne peut plus satisfait, je suis inquiet. Je n'avais pas prévu qu'il aille si vite. J'avais passé du temps à créer le scénario. Il aurait dû galérer plus. Ça me donne l'impression qu'il a un soutien. S'il s'avère que j'ai raison, il va me falloir revoir le niveau de difficulté. Je ne me suis pas lancé dans cette aventure pour risquer une réussite partielle. Et s'il continue à cette vitesse, il arrivera peut être à sortir du coma, mais pour combien de temps. Il faut que je me remette au travail.
Le prochain sens est l'ouïe. Le monstre que j'ai prévu pour le garder s'appelle Polyphème. C'est un cyclope haut de plus de trois mètres et armé d'un gourdin gros comme une branche de chêne. D'après les notes d'Éli, il serait le gardien d'un troupeau de moutons. La légende raconte qu'il habiterait une île. J'ai fait une petite entorse en le plaçant sous le mont Parnasse. En quittant la ville de Delphes, il sera obligé de traverser les grottes de ce mont pour rallier Athènes. Si Éli a trouvé un allié, il est légitime que j'apporte un soutien à mon gardien. J'ai un faible pour les hommes sangliers. Ils sont brutaux, résistants et capables de les occuper pour qu'ils soient moins fringants face à mon cyclope. La mythologie dit que les cyclopes travaillaient dans les forges du dieu Héphaïstos. Ils doivent donc être capables de réaliser des ouvrages de métal, comme des pièges. Je pense qu'il pourrait manipuler le feu. Ça accentuera le danger vis à vis d'Alcinoa. Bien, je n'ai plus qu'à synthétiser tout ça et à l'implémenter dans le programme.
- Chercherais-tu à le tuer ?
La question m'a fait faire un bond. J'étais tellement concentré que je n'ai pas entendu la porte de mon labo s'ouvrir.
- Non, pas vraiment Daniel. Je lui rends simplement la tâche plus ardue.
- Dans quel but ?
- Au plus il peinera pour atteindre le but, au plus il augmentera ses chances de s'y accrocher.
- Tout de même, ça le donne l'impression d'être disproportionné.
- Depuis quand es-tu spécialiste dans ce domaine ?
Je regrette immédiatement le ton sarcastique employé. Mais Daniel a la sagesse de ne pas relever. Je tente de changer de sujet :
- Pourquoi es-tu là ?
- Disons que je veux suivre de plus près tes travaux.
- Tu ne me fais plus confiance ?
- Je veux me prémunir d'autres surprises, mauvaises surprises.
- Écoute Daniel, je te l'ai déjà dit. Je suis désolé de ne pas t'avoir mis au courant pour Hector, mais...
- Pas de ça avec moi Michel !
Je vais encore prendre une soufflante. Il faut que je parvienne à le rassurer, je ne veux pas l'avoir sur mon dos constamment.
- Très bien. Tu veux que je te transmette toutes les informations, pas de problème. Je ne ferais rien sans ton aval. Mais je ne peux pas travailler avec quelqu'un qui regarde par dessus mon épaule.
- Ce n'est pas ce que je te demande.
- Alors que veux-tu ?
- Je veux que tu changes d'assistante.
Je reste bouche bée. En fait, je ne vois pas le lien. Je fronce les sourcils alors il enfonce le clou.
- Il faut que tu trouves une raison, mais tu dois t'en séparer, le plus tôt possible. Voilà les dossiers de plusieurs candidats pour la remplacer.
- Attend, tu sais ce que tu me demandes ? Tu veux que je mente à une employée qualifiée ?
- Non, tu n'auras pas à mentir. Elle a eu un différent avec Mme Guerreor non ?
- On peut pas appeler ça un différent.
- Appelle ça comme tu veux, mais elle a reçu un coup de sa part.
Comment peut-il être au courant de ça ? Je ne l'ai fait figurer nulle part. Et j'ai demandé à Ophélie de ne pas en parler. Les vidéos ! J'ai omis d'effacer les vidéos qui enregistrent toutes les interventions. Il a du les visionner. Je ne vois que cette explication. Je repars à la charge :
- Te rend tu compte du temps qu'il m'a fallut pour la former. Elle connaît tout le programme par cœur. Elle est très efficace dans son travail. Pourquoi me faudrait-il prendre le risque de tout recommencer avec une autre personne ?
- Parce que c'est ta seule garantie pour que je ne m'ingère pas plus dans ton travail. C'est à prendre ou à laisser. Je te laisse libre de la méthode, du moment que ça vienne de toi.
- Elle risque de saisir le syndicat.
- J'en fais mon affaire. Elle ne doit pas savoir que je suis derrière ça. C'est à cette seule condition que tu auras mon soutien et que tu garderas les coudés franches.
- Je n'aime pas ça, Daniel. Tu ne peux pas me demander de faire ça.
- Non seulement je le peux, mais je le fais. Tu as jusqu'à demain soir. Sur ce, passe une bonne soirée.
La porte claque derrière lui en me faisant sursauter. Je reste prostré, réfléchissant aux raisons qui le poussent à me demander ça. Ensuite, je me torture l'esprit pour tenter d'imaginer comment je vais procéder. Ne parvenant plus à travailler, je décide de rentrer. Je referme le labo après avoir pris soin d'annuler les accès d'Ophélie. Demain va être un très mauvais jour. Il faut que je trouve une raison valable.
Je rejoins ma voiture sur le parking. Je suis songeur. Ça ne ressemble pas à Daniel de congédier un employé pour une telle raison. Si elle avait frappé Alicia, je pourrais l'admettre. Mais ce n'est pas le cas. C'est même l'inverse. A moins que ce soit Alicia qui le lui a demandé. Le seul moyen de le vérifier, c'est l'appeler. Mais si je l'appelle, il va falloir que je lui explique. Elle fait déjà des plans sur les intrusions alors là, elle aura de quoi "psychoter". Elle risque d'en parler à l'autre empêcheur de tourner en rond, voir carrément à Daniel. Je suis pris au piège. Comment vais-je m'en sortir ?
Je rentre chez moi. Je suis toujours à retourner cette situation dans ma tête. Je me sers un "Kavalan", un whisky de 20 ans d'âge. Son feu irradie le fond de ma gorge. J'essaie d'assembler les différentes pièces du puzzle. Il y a trop d'événements étranges pour que ce soit des coïncidences. C'est pas vrai... Je me mets à parler comme Alicia. Décidément elle a une mauvaise influence sur moi. Pourtant, la curieuse réaction de Daniel durant le visionnage de la vidéo, sa demande concernant Ophélie, son chantage. Ça fait beaucoup. Mais quel lien y-t-il entre Daniel et Ophélie ?
Faut que j'arrête. C'est mon patron, il est en droit de modifier les affectations du personnel. Peut-être veut-il mettre une personne à lui dans mon environnement ? Quelqu'un qui lui rendrait compte de mes faits et gestes. Vu qu'il n'a pas apprécié mes initiatives, ça reste le plus plausible. Je n'aime pas mieux cette solution. Comment faire confiance à quelqu'un si l'on est persuadé qu'elle joue double jeu ?
Voyons les candidatures. Ça me donnera peut être un éclairage nouveau sur les intentions de Daniel. Il en a sélectionné trois. C'est peu. Trois hommes, youpi, quelle chance ! Oui je sais, je suis ironique. On va mettre ça sur le compte de l'apéro qui commence à me chauffer. Je m'en sers un deuxième. En lisant les cv des candidats, j'ai l'impression d'avoir un copier-coller.

Le troisième verre me détend complètement. Je me demande ce que Daniel dirait si je choisissais un candidat en dehors de sa sélection. La décontraction laisse place à une frustration empreinte de colère. Exaspéré, je balance mon verre qui éclate au sol. Je bois au goulot. Mes idées s'embrouillent. Je m'effondre sur mon canapé avec, dans les yeux, Ophélie et Daniel dansant un tango sur une bouteille de whisky.

1 commentaire:

  1. Ah ! Grosse surprise de la part de Daniel !!! Serait-il en cause dans ce qui s'est passé ? Après tout, il a accès au bureau de Stauros...bizarre bizarre... Vivement la suite !

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