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samedi 15 novembre 2014

Partie 5 - Chapitre 10 - Basile

Partie 5 - Chapitre 10 - Basile.
J’ouvre les yeux après un battement de paupières. C’est la première fois que je vois cette pièce. Les murs sont faits de torchis. Le plafond est en bois, des planches grossières qui laissent apparaître le chaume qui doit servir d’isolant. Sur ma droite, face à la porte d’entrée, une cheminée dans laquelle pend un chaudron. Le sol est en terre battue. Les meubles sont en bois rudimentaire.
Face à moi, deux personnes. Elles me tournent toutes deux le dos. Elle, une fée gracieuse qui porte une armure qui lui retient les ailes dans le dos. Elle arbore une longue chevelure tressée à la couleur nuancée de rose au parme. Ses courbes sont voluptueuses, à damner un saint. Heureusement, je n’en suis pas un. Lui, peut être. Il a les mains posés contre le mur, de chaque côté d’une fenêtre ridiculement petite. Il regarde au sol en secouant la tête dans un mouvement de négation. Comme s’il était blasé par quelque chose. Les deux se tournent vers moi. Elle a un regard mitigé. Il me transperce des yeux. C’est fou, j’ai vraiment l’impression d’être dix ans en arrière, mais dans un péplum. J’ai devant moi, Elliot Guerreor attifé comme un fantassin et sa femme transformée en fée.
- Basile, tu les as amené jusqu’à nous !
Qui est ce « Basile » ? Moi ? On dirait bien qu’il me parle. A moins qu’il n’évoque un personnage qui n’est pas présent.
- Euh, plaît-il ?
L’entrée fracassante d’un soldat grec me sauve la mise.
- Le général Léonidas vous fait mander.
La fée entraîne Eli à la suite du spartiate. Elle se tourne vers moi et me dit :
- Viens Basile, ne t’inquiète pas, ça va lui passer.
En passant devant la fenêtre, je vois mon reflet. Je suis, moi-même, revêtu d’une armure de cuir cloutée, d’une large ceinture à laquelle pend une épée. Je porte une jupe, non, ce n’est pas possible ! Quelle honte d’être fringué de la sorte. Pourtant, tous les soldats que je croise portent le même type d’accoutrement. Il n’y a bien qu’Eli pour rêver de choses pareilles. Je suis tellement accaparé par l’environnement que je manque de lui rentrer dedans alors qu’il vient de s’arrêter. J’ai là l’occasion rêvé d’en finir avec lui. Je n’ai qu’à dégainer et lui enfoncer ma lame à la base du cou. J’en suis encore à tâter la poignée de mon arme, plongé dans l’indécision, quand il s’écarte. Je fais maintenant face à un colosse en armure dorée. Elle est tellement sculptée qu’on la dirait moulée sur son corps sculptural. Il porte à la main son casque de guerre dont la bannière rouge ondule au vent. Son visage est fermé. Il a les traits taillés à la serpe. Son regard est pénétrant, il affirme son autorité uniquement en vous fixant. Mais quand il se met à parler, sa voix ne tolère aucune contestation.

- Est-ce toi qui a amener le Jarkore jusqu’à nous ?
Vu la tronche qu’il tire, je ne sais pas quoi répondre. Ma seule certitude est que j’ai plutôt intérêt à donner la bonne réponse. Le problème, c’est que je ne me souviens pas d’avant. Quoi, vous ne suivez pas ? Bien, je vous explique. Je ne suis pas Basile, je suis dans son corps. Euh, non, je ne suis pas le basilic, lâchez-moi avec ça ! Bon ! Tanpis, je lui réponds :
- Je n’en sais rien. C’est possible…
Ma réponse évasive a le mérite de m’accorder un sursis. A moins que ce ne soit ce que l’on entend :
- GRECS ! LIVREZ-MOI VOS INVITES !
- JAMAIS !
- Général, avant de répondre de la sorte, vous feriez mieux de regarder à l’extérieur d’Athènes ! Lui répond le Jarkore, enfin je crois.
Au même instant, un soldat chargé de veiller sur le mur d’enceinte s’écroule, le corps criblé de flèches. Celui qui nous harangue continue :
- Vous ! Spartiates ! Etes-vous réellement prêt à mourir ici, dans une ville qui vous a tant fait souffrir dans le passé. Une ville que vous avez toujours détestée !
Je ne sais pas qui il est, mais il semble bien renseigné sur l’histoire de la Grèce antique. Visiblement, en titillant les spartiates de la sorte, on sent bien monté la grogne. C’est alors que Léonidas répond :
- Nous ne laisserons pas des grecques, fusses-t-ils Athéniens, périrent par des mains de monstres ! Maintenant, plutôt que de crier de loin, VENEZ GOÛTER AU FER SPARTIATE !
Tous les soldats du Général poussèrent un cri en levant leurs armes. Si je n’ai pas sursauté quand Léonidas a levé le ton, j’ai du me plaquer les mains sur les oreilles quand ils se sont tous mis à hurler. Mais qu’est-ce que je fous ici ? Oui, je sais, je suis venu pour celui qui maintenant s’adresse au général en lui parlant à l’oreille. Je ne sais pas ce qu’il lui dit, mais il me toise d’un air sombre.
- C’est hors de question ! Vous êtes un héros, mais je ne peux pas vous laisser seul face au Jarkore.
- Je ne suis pas seul, général. J’ai Alcinoa et Basile à mes côtés. Nous avons passé à travers tellement d’épreuves, que je suis sûr que nous relèverons ce nouveau défi. Sans compter que vous aurez à défendre Athènes.
- Il faut déjà qu’ils franchissent les murailles, ça nous laisse…
Si ce bon vieux général voulait dire « du temps », je crois qu’il se met le doigt dans l’œil jusqu’au coude. Le craquement du bois sous les coups de bélier ne présage rien de bon. Par contre, si Eli arrive à le convaincre, ça fera mes affaires. Une fois seuls, je pourrais facilement le terrasser. Si nous devons faire face à un adversaire, il n’y aura rien d’étonnant à ce que j’ai l’arme à la main. Une fois Eli à terre, il ne me restera qu’à retourner d’où je viens et j’aurais gagné.
- Bien, je crois que je n’ai pas le choix. Nous ne pourrons pas tenir à 300 sur deux fronts. Si le Jarkore veut vous avoir, nous aurons les coudés franches pour faire face à l’armée qui veut entrer. Bonne chance Eli.
Ce dernier se tourne vers moi. Il me fait un signe de la tête pour m’inviter à le suivre. Il me passe devant, la fée lui emboîte le pas. J’ai toujours la main crispée sur la garde de mon glaive. C’est alors que je le voie saisir son arc, il nous mène au combat, c’est le moment. Ma lame est à la moitié du fourreau quand il se retourne pour me parler :
- Basile, Alcinoa, le général pense que le Jarkore tient l’acropole. Il ne pourra donc nous rejoindre qu’en descendant l’escalier qui est au bout de cette rue. J’attends de vous que vous vous mettiez en planque de chaque côté.
- Je ne suis pas d’accord. Il faut que nous fassions front ensemble Eli !
Oulà, il y a de l’eau dans le gaz entre les époux Guerreor. Par contre, je suis d’accord avec elle, car si nous ne sommes pas ensemble, je n’atteindrais pas mon but. Je n’ai pas envie de rester plus que nécessaire dans ce rêve débile.
- Moi aussi, je suis pour. L’union fait la force, si on se sépare, le Jarkore nous vaincra.
Le visage d’Eli se crispe. Il n’apprécie pas mon avis. Je décide d’enfoncer le clou :
- Tu n’as aucune chance sans nous.
Il se décompose. Je dois toucher exactement le point sensible. Si je continue, il va exploser. J’aurais ainsi l’occasion de le vaincre. Je dois le pousser à s’en prendre à moi.
- Combien de fois est-ce que je t’ai sauvé la mise, hein ? Qu’est-ce qui peut bien te faire croire que tu le battras, toi seul ?
Je vois son visage blanchir. Je connais bien Elliot Guerreor. Quand on arrive à ce niveau, il est déjà bouillant de colère. Il ne tolère pas qu’on doute de ses capacités. Seulement, il a une chance insolente, celui d’avoir une femme exceptionnelle. La fée intervient :
- A quoi tu joues Basile ? Tu crois peut être que nous aurions pu survivre sans le concours des uns et des autres ? Tu dois la vie autant à Eli, que lui te la dois. C’est en équipe que nous sommes parvenus jusqu’ici, c’est en équipe que nous continuerons.
Cette dernière phrase était plutôt destinée à Eli qu’à moi. J’ai un sentiment étrange vis-à-vis de cette fée. Elle a les traits d’Alicia, mais pas son caractère. C’est bizarre, on dirait… Non, ça n’est pas possible. Je n’ai pas le temps de réfléchir davantage. Plusieurs flèches à l’empennage noir se figent au sol à moins d’un mètre de nous. Vu la façon dont elles se sont plantées, les archers auraient pu nous avoir. C’est pour attirer notre attention et c’est réussit.
Je lève les yeux vers les escaliers qui mènent aux Propylées. Sortant de l’ombre des colonnes, un homme athlétique se dirige d’un pas sûr vers nous. Sa voix s’élève, portée par l’acoustique de l’environnement.
- Si vous tentez de m’atteindre de loin, mes archers vous transperceront !
Il est trop tard pour le duel face à mon adversaire de toujours. Il va nous falloir déglinguer ce pantin avant que je puisse lui donner sa dernière leçon. Eli lui répond :
- Qu’est-ce que tu veux ? Pourquoi ne pas nous tuer de loin, si c’est si simple ?
Il est dingue. Pourquoi ne pas se foutre à poil tant qu’on y est. Mais l’autre n’est pas gêné de faire la conversation à longue distance, quoiqu’elle s’amenuise.
- Je détiens le dernier sens de ton amie. Notre duel est écrit. Mais je te préviens. Ce n’est pas innocent que je sois le dernier de tes adversaires. Les autres n’étaient que des minables.
- C’est sympa pour eux ! Je suis sûr qu’ils vous tenaient en haute estime également.
Il éclate de rire. J’hallucine, on dirait de vieux potes qui se mettent en boite. Pourtant, quelque chose me dérange. Je scrute l’homme qui s’avance. Bien qu’il soit masqué, sa démarche ne m’est pas étrangère. Il porte une armure qui semble être le juste milieu entre souplesse et solidité. Quelle peut-être la matière ? Du cuir cousu sur une cotte de maille ? Ce n’est pas ses vêtements qui me chagrinent. Non, ça vient d’autre chose. Quand il se remet à parler, je n’en reviens pas :
- Je te propose un duel à mort. Toi contre moi. Ni plus, ni moins.
- Bien sûr, et si je te bats, tes archers nous finiront.
- Si tu gagnes, mes archers ne te poseront plus aucun problème, crois moi.
Le voilà au bas des escaliers. Il se dresse face à nous, de l’autre côté de la petite place ou nous nous trouvons. Si l’intensité du moment n’était pas aussi palpable, je pourrais m’extasier devant la magnificence de l’acropole en arrière plan. 

Dire que c’est un champ de ruine maintenant. Il n’y a bien qu’Eli pour rêver de choses disparues. La fée est inquiète, ça s’entend au son de sa voix.
- Eli, tu ne vas pas le croire.
- Mon amour, s’il ne tient pas parole, tu n’auras qu’à le carboniser. Mais, j’ai une étrange impression. Il ne plaisante pas. Ne me demande pas de l’expliquer, mais je suis convaincu que ce duel va mettre un terme à notre quête, d’une manière ou d’une autre.
Il cueille son visage aux creux de ses mains et pose ses lèvres sur les siennes. Je les ai vu le faire des centaines de fois. Et comme à chaque fois, la jalousie me consume de l’intérieur. Pourquoi lui et pas moi ? Qu’a-t-il de plus que moi ?
Eli pose son arc, son carquois au sol. Il dégaine son gladius tout en se dégageant de l’étreinte de la fée. Je n’en reviens pas de faire et dire ça. Alors que je lui attrape le bras, je lui dis :
- Laisse-le. C’est sa révérence.
Je suis incapable de vous décrire la lueur que j’ai vu dans le regard de cette femme aux allures si fragile. Mais je peux vous assurer qu’elle n’a rien d’une poupée de porcelaine.
Les deux adversaires se jaugent, à quelques mètres l’un de l’autre. Chacun porte gladius et bouclier. Seul le Jarkore porte un masque. Quelque soit l’issue du combat, je suis gagnant. Soit il meurt et je n’aurais plus rien à faire ici. Soit il survit, et la fatigue me rendra la tache plus facile. Je n’ai qu’à savourer le spectacle et attendre la fin.
Ah, ça y est, ça commence !



2 commentaires:

  1. Je fais une petite pause pour cause de concours de nouvelles. Retour possible fin décembre...
    Merci à tous ceux qui me suivent...

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  2. Toutes mes excuses, je suis en retard, une grosse rhino bronchite m'a tenu durant toutes les vacances d'hiver.
    Je m'y remets doucement...

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