Vu par

dimanche 21 septembre 2014

Partie 5 - Chapitre 6 - Eli

Partie 5 - Chapitre 6 - Éli.
L'attente dans le sous-bois me parut interminable. Nous souhaitions traverser le camp de nuit afin de minimiser les risques d'être repérés. La rencontre avec le groupe de monstres s'était bien terminée, pour nous. Hormis notre dispute au sujet de la mise à mort de l'homme-rat, la fin de journée s'est passée dans un calme quasi religieux. Basile a retrouvé ses esprits, s'est excusé d'avoir mis notre quête en danger.
J'ai longuement réfléchit à ses derniers mots. Il voit l'aura d'Alcinoa. Au début, je ne comprenais pas pourquoi j'étais le seul à la percevoir. Ensuite, je me suis convaincu que ça devait avoir un rapport avec les paroles de l'oracle. Puisque nous étions liés, il m'est alors parut "normal" de la distinguer ainsi. Maintenant, je ne suis plus sûr de rien. Dans les souvenirs que Stauros m'a restitué, je ne vis absolument pas dans un monde tel que celui là. Je me vois évoluer dans un univers totalement différent. Pas de monstres, si ce n'est dans les livres. Toutes les villes que nous avons traversées, sont en ruine. Les gens qui peuplent mes souvenirs sont comme moi, ou Basile. Des êtres humains. Pas de fées, de satyres ni même d'araignées géantes.
Dans le dernier rêve que j'ai fait, je me voyais en train de donner des cours. Une matière comme l'histoire ou la géographie. J'avais l'impression d'être des années plus tard dans le temps. Est-ce que cette guerre a réellement eu lieu ? Les humains ont-ils triomphé des monstres ?
Il y a une heure environ, j'ai vécu une expérience étrange. Je m'étais assoupi contre un arbre, confiant dans la garde de Basile. Je ne voyais rien, comme-ci j'étais aveugle. Par contre, j'entendais des bruits. Un "bip" perpétuel résonnait. J'ai mis un moment à le rendre compte qu'il coïncidait avec les battements de mon cœur. Ensuite, une personne est entrée. Le bruit d'une porte, des pas, mon cœur s'est accéléré. J'ai senti la personne, un homme, me prendre la main. Il l'a soulevé, puis la laisser tomber. J'ai alors pris conscience de l'endroit ou j'étais allongé : un lit ! Pour la première fois, j'ai vraiment eu peur. J'avais le sentiment d'être prisonnier dans un autre corps, qui ne m'obéissait pas. La personne qui était près de moi s'est mise à frapper légèrement avec un objet sur mes jointures. Les genoux, puis les coudes. À chaque fois, mes membres régissaient sans que je ne leur intime l'ordre. Mes réflexes répondaient à chaque fois.
- Bien, bien, c'est en bonne voie, Éli.
Cette voix ! Je la connais ! Un homme que je rencontre à chaque victoire sur un boss : Stauros ! C'est lui qui teste mes réactions. Je voudrais l'appeler, mais pas moyen de faire sortir le moindre son de ma bouche.
Alors que je lutte pour parvenir à communiquer, Stauros continue à m'examiner. J'entends ses pas autour de moi. Je suis impuissant, ce qui accroît ma frustration. Au moment où je parviens, dans un terrible effort à bouger un doigt, je l'entends parler à nouveau :
- Le patient réagit bien aux stimuli réactionnels. Il semble s'approcher de la conscience corporelle. Il est trop tôt pour évaluer la résurgence de son esprit. Toutefois, il conviendrait de le soumettre prochainement à une présence bienfaitrice telle que celle de son épouse.
À ces mots, mon esprit reçut une véritable décharge énergétique. Ma bouche se crispa pour former un nom :
- Stau...ros !
À peine ai-je prononcé ce nom que je me sentis plonger dans un vide sans fond. La sensation que mon corps soit précipité dans un abîme me fit tressaillir.
- Éli ! Éli !
On me secoue.
J'ouvre les yeux. Alcinoa est devant moi. Son visage est inquiet. Elle cesse de me secouer quand elle me voit revenir parmi eux.
- Éli ! Tu m'as fait peur ! Qu'est-ce qui t'es arrivé ?
Je m'efforce de rassembler mes esprits. Je suis de retour dans cette réalité. Mais est-ce vraiment ma vie ? Il y a trop de coïncidences. Les paroles de l'oracle, celles de mon père et maintenant ce rêve étrange. Alcinoa attend toujours la réponse à sa question. Si je lui fais part de la vérité, elle ne comprendra pas.
- Ce n'est rien. Un cauchemar de plus. Ne t'inquiète pas.
Je regarde le ciel à travers la cime des arbres. Le jour laisse place à la nuit. Je me lève. Prend son visage au creux de mes mains et lui souffle :
- Tout va bien. Il nous faut prendre des forces pour la traversée de ce camp. Demain, nous serons à Athènes. Nous trouverons ton dernier sens et nous serons enfin libres !
Elle me fit un sourire timide. Sans doute que la portée de ma phrase n'avait pas la même signification pour elle. Seulement, j'étais trop perturbé pour me mettre à sa place. J'avais déjà beaucoup de mal à être à la mienne. Nous nous sommes restaurés pendant que les dernières lueurs du jour disparaissaient derrière le mont Parnasse.
Basile se couvrit de la cape d'invisibilité. Puis nous nous sommes approchés de l'orée du bois.
Une bonne centaine de mètres nous sépare des premières tentes. Une fois à ce niveau, nous aurons trois fois cette distance à parcourir en pleine milieu des monstres. Quand nous aurons dépassé les dernières palissades, il nous restera à franchir le champ de bataille.
- Nous avons deux kilomètres à couvrir au pas de course. Es-tu certaine de pouvoir maintenir ton corps sous forme élémentaire pendant tout ce temps ?
Alcinoa acquiesça en haussant les épaules. Ça voulait dire, on verra bien. Je n'avais pas non plus la certitude de pouvoir y parvenir. Seul Basile serait en quasi sécurité grâce à la cape.
Nous avons pris une grande respiration et nous sommes élancés.
Courir sous forme élémentaire donne l'impression de flotter au dessus du sol. Nous pénétrons le premier camp, celui des centaures, sans rencontrer le moindre problème. La plupart des monstres dorment sous l'effet de l'alcool. Visiblement, ils ne craignent pas une sortie des athéniens. Ils en profitent pour se donner du bon temps. Au détour d'une tente, un centaure monte la garde. Avant qu'il ne prononce le moindre son, je le transforme en poussière noire.
Nous continuons notre avancée. Je sais que Basile n'est pas loin car je distingue ses pas dans la terre meuble du chemin. Je lui chuchote de prendre garde à marcher plutôt dans l'herbe. Il s'exécute sous mes yeux. Les tentes changes de formes. Celles de toiles des centaures laissent place à des espèces de tipis de bois et de boue. Nous sommes parmi les homme-rats. Nous nous frayons un chemin dans l'obscurité, évitant les feux de camps. Des éclats de voix gutturales nous parviennent. Plusieurs monstres ripaillent joyeusement. Nous perdons du temps à nous faufiler entre les tentes, mais nous ne sommes toujours pas repérés. Si la nuit nous permet de nous cacher, elle a l'inconvénient de nous faire découvrir les obstacles au dernier moment.
Alors que nous sommes en passe de sortir du camp des homme-rats, nous débouchons dans ce qui ressemble à un charnier. Les corps de plusieurs monstres sont entassés les uns sur les autres dans des états de décomposition plus ou moins avancés. Je parviens à retenir un haut le cœur. Ce n'est pas le cas de Basile qui renvoi ce qu'il a mangé il y a peu. Le bruit est étouffé par la ripaille des monstres tout proches. Nous nous remettons en route et pénétrons dans le dernier camp avant la palissade, celui des satyres. Alors que les premiers festoient allègrement, les satyres sont plus méfiants. Je distingue un groupe qui affûte leurs armes. Nous les contournons. Au moment ou nous passons devant une tente, un monstre sort. Il est aussi surpris que nous. Cette fois, c'est Basile qui en fait de la poussière. Le problème, c'est qu'il n'était pas seul. Deux autres satyres sortent en armes. L'un d'eux souffle dans une conque donnant l'alerte.
Nous nous débarrassons rapidement des deux importuns. Mais le mal est fait. En peu de temps, les monstres affluent de toutes parts. Les plus hargneux sont déjà en armes. Les autres arrivent avec ce qu'ils avaient en main. Il nous reste cinquante mètres à franchir pour atteindre la palissade. Les armes nous traversent le corps sans dommage. Alcinoa et moi parvenons à avancer mais je ne sais pas comment s'en sort Basile.
Nous nous retrouvons très vite dos au dernier barrage. Des monstres de toutes sortes affluent formant un attroupement qui rage de ne parvenir à nous blesser.
Un craquement sourd provient de la palissade. Elle vient de céder aux assauts répétés d'un Basile furieux d'être acculé. Mais ce qui nous ouvre une voie de sortie, révèle aussi la présence de notre allié invisible. En quelques secondes, lances et flèches pleuvent en direction du passage créé.
Je prends une décision instinctive. Je passe de l'élément air à celui de la terre. Levant les bras au ciel, le sol m'obéit. Une vague tellurique stoppe tous les traits. Je hurle un "FUYEZ" à mes compagnons. C'est sans compter sur une Alcinoa têtue. Les bras tendus, elle claque dans les mains dans un geste qui forme une onde de choc. Les deux premiers rangs sont littéralement repoussés en arrière. J'en profite pour créer une barrière rocheuse qui referme le passage derrière nous. Alcinoa et moi reprenons la forme élémentaire vaporeuse de l'air pour nous lancer dans un sprint vers Athènes. Les monstres ont vite repris l'attaque. Les projectiles pleuvent autour de nous.
Basile doit courir devant nous puisque je marche dans ses pas. Alors que la muraille protectrice de la ville grandit de plus en plus, un bruit sourd que je ne connais que trop bien retentit devant moi. Il est suivi d'un râle rauque. Le sol se couvre de sang. Ma tension est à son comble. Je me retourne vers nos belligérants. Je lance une énorme colonne de feu dans leur direction. Elle a l'avantage de stopper net l'envoi de flèches et autres armes de jet.
Il reste une centaine de mètres à franchir. Basile retire la cape. A ce moment, je constate l'ampleur de la blessure. La flèche est plantée là où le cou rejoint l'épaule. Si la colonne n'a pas été touchée, l'artère sous claviculaire est sectionnée. Basile me lance un regard effrayé. Pas question de soigner maintenant. Je fais la seule chose qui le passe par la tête. Je gèle la plaie pour stopper le flot écarlate continu. Il a tourné de l'œil. Il va falloir le porter. Alcinoa envoie une seconde salve incendiaire pour nous assurer le répit nécessaire à ce que je porte Basile. Il est lourd le bougre.
Les portes de la ville s'ouvrent. Sous la lumière des torches se découpe la silhouette d'un homme arme que je connais. Le général Léonidas ordonne qu'on me soulage de notre blessé. Comme Alcinoa continue à incendier la palissade dressée autour du campement des monstres, Léonidas organise ses troupes. Les archers inondent de flèches les monstres qui échappent aux flammes.
Profitant du désordre dans les rangs ennemis, les athéniens chargent. Alcinoa se tourne vers moi et d'une voix de commandement me dit :
- Prends ma place, je vais soigner Basile.
Léonidas lève des sourcils interloqués en me voyant obtempérer. Je me mue en un golem de feu. Mes boules de feu sèment l'anarchie parmi les monstres qui succombent sous les coups des soldats.
Après une heure d'une bataille épique, je suis épuisé. Alcinoa vient me prodiguer les soins qui me requinquent. Basile est sauf mais endormit. Léonidas s'approche de nous.
- Par les dieux, quelle bataille ! Nous n'avions pas gagné de la sorte depuis longtemps. Voilà qui va freiner leurs ardeurs. Nous vous devons beaucoup.
Léonidas nous apprend que la ville est peut être à nous, mais que des monstres tiennent le temple. L'un d'eux est redoutable. Il se bat sous un masque de mort.
- C'est le Jarkore !
Le général confirme que c'est bien le nom sous lequel il commet ses méfaits.
Nous avons essuyé de nombreuses batailles, pourtant, nous n'aurons pas le temps de nous reposer bien longtemps. Léonidas refuse de nous laisser affronter ce monstre sans son soutien.
- Général. Vous ne pourrez pas tenir cette position en étant pris en tenaille par les monstres. Sauf votre respect, si vous tenez les monstres hors de la ville, nous pourrons nous pourrons nous occuper des résistants dans le temple. C'est pour ça que nous sommes venus jusqu'ici.
Après quelques secondes de réflexion, Léonidas me tend la main. Je lui saisie l'avant-bras dans une poigne ferme.
- Mes hommes et moi repousserons ces monstres jusqu'au Styx s'il le faut. En attendant, allez-vous reposer. Vous en aurez besoin.
Si l'offre du général est logique et évidente, je redoute le moment ou je fermerais les yeux. Alcinoa me rejoint. Elle a compris ce que je ressens.
- Ce ne sont que des rêves Éli. Je serais là quand tu ouvriras les yeux.
Elle pose ses lèvres sur les miennes. Je réponds à son sourire.

J'espère seulement qu'elle dise vrai.

2 commentaires:

  1. Oh,oh...Tu es dans la matrice Eli...Prends la pilule bleue^^

    RépondreSupprimer
  2. La triologie a-t-elle eut une influence sur mon sub-conscient ???

    RépondreSupprimer