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samedi 16 novembre 2013

Partie 2 - Chapitre 2

Chapitre 2 : Alicia
La rencontre de ce matin m'avait profondément troublée. Même si, je dois le reconnaître, j'avais des doutes sur les résultats éventuels de cette expérience, être témoin de la réaction d'Eli à mon baiser me laissait augurer un changement bénéfique. J'étais d'humeur joyeuse et je ne voyais pas ce qui aurait pu gâcher ce sentiment, jusqu'à maintenant. En arrivant chez moi, j'aperçois la voiture de David garée le long du trottoir. Au moment où je me range devant mon garage, je le vois sortir. Pas moyen de l'éviter cette fois. Il n'a pas dû apprécier le lapin posé hier. J'appuie sur la commande d'ouverture mais je n'ai pas le temps d'entrer qu'il frappe déjà à ma vitre. Je lui fais signe que je gare ma voiture. Il me répond :
- Vas-y, je t’attends...
Il est incroyable. Sous prétexte que je suis seule, il s'impose et va souvent jusqu'à régenter ma vie. Je n'ai aucune envie de le voir, seulement je vais devoir le supporter. Je sors de ma voiture et me tourne vers lui avec un sourire un peu forcé :
- Bonjour David, que me vaut le plaisir (je sais, je suis un peu hypocrite) ?
- Bonjour Ali, je me suis fait du mauvais sang hier... Tu m'as raccroché au nez et quand je suis passé, tu n'étais pas là...
J'avoue avoir envie de l'envoyer promener, mais je suis trop gentille :
- J'avais besoin d'être un peu seule, ne m'en veux pas s'il-te-plaît.
- Ce n'est pas bon de s'isoler, tu le sais. A moins que tu veuilles tout simplement m'éviter...
Il a touché au but. Mais comment lui faire comprendre sans le brusquer que l'espoir renaît en moi. Je lutte contre cette sensation grandissante car si je m'attache à la résurgence d'Eli et que cela soit vain, je serais anéantie. Je dois lui reconnaître une chose : il est pugnace. Il ne m'a jamais dit ouvertement qu'il souhaiterait voir notre relation devenir plus intime. Mais quel homme se montrerait à ce point dévoué s'il n'avait pas un objectif à terme ?
- Alors, tu ne réponds rien ? J'ai donc raison...
J'opte pour la franchise, on verra bien...
- Oui, hier j'ai tout fait pour t'éviter. La visite du professeur Stauros m'a épuisée psychologiquement. Mais cela ne change rien entre nous.
Je vois bien à son expression, une moue dubitative, que cela ne correspond pas à son attente. N'empêche qu'il ne perd pas le nord.
- Bon ok pour hier, mais là, t'as rien de prévu ?
- Écoute David, je travaille dans 2 heures, j'aimerais ranger un peu le bazar que m'ont laissé les assistants du professeur, donc je suis surbookée.
Pensez-vous que ça l'arrêterait ? Bien sûr que non, il s'est remis à insister, argumentant qu'il pourrait se rendre utile. Mais je n'ai pas envie que ma vieille voisine se mette à nouveau à faire des commentaires peu élogieux du genre "de mon temps, une femme, mariée qui plus est, ne recevait pas un homme chez elle sans chaperon". Du coup, je ne sais pas ce qui m'a pris, je lui ai répondu :
- T'es gentil, David, mais je n'ai pas besoin d'avoir une personne de plus qui fouille dans notre vie...
Je crois qu'il ne s'attendait pas à ce type de réaction car il a tourné les talons sur un "bon, très bien, j'ai compris... Ciao". J'avoue ne pas être très fière de moi néanmoins, je souris d'avoir obtenu quelques temps de tranquillité. Cela va me permettre de faire le point sur les derniers événements. Je monte les quelques étages puis j'entre chez moi. Je ferme la porte cherchant à tâtons l'interrupteur du couloir, soudain je sursaute en entendant le téléphone sonner.
- Allô, Alicia, excusez moi de vous déranger. J'ai omis de vous demander une chose tout à l'heure...
- De quoi s'agit-il, Michel ?
- Votre mari vous a-t-il offert du parfum ?
Sur le coup, je ne comprends pas la question, enfin, plutôt ce qui se cache derrière la question. Le professeur m'explique qu'il souhaiterait se livrer prochainement à la seconde expérience mettant en scène cette fois, le sens de l'odorat. Il recherche donc un lien olfactif entre Eli et moi. Quand je lui réponds qu'il m'a offert plusieurs parfums, je sens au son de sa voix, qu'il aurait préféré un choix plus sélectif. Recevant un autre appel, il me demande d'y réfléchir et de le tenir informé au plus tôt. Je raccroche tout en continuant d'y penser.
Je prends un carton que les assistants n'ont pas refermé. Le simple fait de le soulever et de me déplacer répand une effluve que je connais bien. Intriguée, je pose le carton sur mon lit et jette un œil à l'intérieur. C'est celui dans lequel se trouve la correspondance que nous avons échangés quand Eli était au service militaire. Il y a deux boites à chaussures pleines de lettres et autres cartes postales. A cet instant, le déclic se fait. J'aspergeai mon papier à lettre de mon parfum de l'époque, Odyssée !
Je laisse le carton où il est pour me diriger vers ma salle de bain. J'ouvre mon tiroir à parfum, en sort un flacon presque vide et regarde avec nostalgie le fond du liquide devenu couleur rouille. Il a certainement dû tourner depuis le temps. Mue par la curiosité, j'en asperge un peu sur l'intérieur de mon poignet. L'odeur est plus forte, plus concentrée, mais elle est restée la même. Je souris car s'il y a bien un parfum qui peut le faire réagir, c'est bien celui-là. Je regrette seulement que la maison qui le produisait, ne le fasse plus. Ce flacon est tout ce qu'il me reste.

Je n'ai pas le temps de me plonger davantage dans mes souvenirs, il me faut ranger tout ça et me préparer pour le travail. Mon patron a déjà été suffisamment sympa pour m'accorder ma matinée, il ne faudrait pas que j'arrive en retard pour le "rush" comme on dit dans le jargon des cuisines.
Une heure plus tard, je referme le local où s'entasse les cartons, je n’ai plus qu'à prendre une douche, revêtir ma tenue de travail et y aller. Pas besoin de prendre la voiture, un peu de marche me permettra de mettre de l'ordre dans mes pensées.

L'eau chaude me fait du bien. Ça ne tiendrait qu'à moi, j'y resterais des heures. Cette sensation de bien être est délicieuse. Malheureusement, tout bonne chose à une fin, et la différence de température me ramène vite à la réalité : Je suis seule, je dois aller travailler pour pouvoir gagner de quoi payer toutes les factures. Ça me rappelle l'époque où j'ai quitté le foyer familial pour prendre mon indépendance. Je n'ai jamais su comment ma mère avait vécu mon départ. C'était un sujet que nous évitions d'évoquer car il risquait de faire ressurgir des événements douloureux.  J'étais l'avant dernière d'une famille de six enfants. Mon père avait le seul revenu qui était bien souvent cruellement amputé par sa dépendance à l'alcool. Les disputes étaient monnaie courante. La dernière fois où j'ai vu mon père levait la main sur ma mère avant qu'il ne s'écroule dans son vomi, a été celle de trop. J'avais seize ans, je me suis enfuie chez ma sœur aînée, qui n'avait pas une meilleure vie. Du coup, j'ai toujours redouté d'entamer une relation amoureuse de peur de découvrir que la vie de famille soit toujours telle que ma mère et ma sœur la subissaient. Jusqu'à ce que je rencontre Eli. Il avait lui aussi un parcours écorché par la vie, pas le même que le mien, certes, mais occasionnant cette même attitude défensive vis à vis des autres. Nous nous sommes très vite bien entendus. Bien que plus jeune que moi, il avait ce quelque chose qui m'attirait. Pourtant, je m'interdisais de ressentir autre chose que de l'amitié envers lui. Ma soeur avait beau me répéter qu'il en pinçait pour moi, je lui répondais qu'il n'était juste qu'ami, sans plus. Elle avait pourtant vu juste bien avant moi. Et plus tard, le jour de notre mariage, elle m'avait glissé à l’oreille : "juste un ami, sans plus, hein"... Je n'avais rien répondu d'autre qu'un sourire en rougissant. Depuis, nos chemins s'étaient séparés, de sorte que nous n'avons de nouvelles des autres qu'à de rares occasions, bien souvent lors de rassemblements familiaux, mariage ou enterrement. La dernière fois, c'était pour l'accident qui avait plongé Eli dans l'état où il est depuis près de dix ans. Je ne leur en veux pas. Il n'est pas facile de trouver les mots pour réconforter quelqu'un dans ma situation. Sans compter sur le fait que nous sommes loin les uns des autres... Je soupire... Sans m'en rendre compte, je suis déjà prête à partir. Je prends mon sac à main, mes clés et je quitte mon appartement en direction du restaurant où je travaille depuis huit ans maintenant. Cela n'a rien à voir avec la façon dont j'envisageais la vie, des années auparavant. Mais je n'ai pas le choix. Maintenir Eli en vie me coûte la plus grosse part de mes revenus mais je suis certaine que si nos rôles étaient inversés, il ferait de même pour moi. Et puis, qui sait, si Michel Stauros parvient à le faire revenir, la vie reprendra son cours telle qu'elle était avant. Nous serons à nouveau ensemble, heureux. Je suis convaincue que cela aura valu tous ces sacrifices.

4 commentaires:

  1. Bien,bien! Le retour à la réalité continue...En parlant de réalité, il y a encore des coquilles qui trainent...Fais-tu lire ton texte à quelqu'un (ton épouse par exemple^^) avant de poster?
    Sinon, pour ce qui est des commentaires, as-tu autorisé les commentaires anonymes dans les paramètres de ton blog?

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  2. Merci de ton assiduité... Pour la relecture avant de poster, c'est pas toujours possible. Je viens de me faire corriger, je pense que le plus gros des coquilles a été corrigé. Quand aux commentaires anonymes... euh... je vais aller voir ça...

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  3. Hé,hé...Et oui, ce n'est pas de tout repos que d'être bloggeur^^
    Pour les coquilles...Bon, "revenues" par exemple, c'est "revenus"...Mais c'est pas bien important (il n'y peut être que moi qui tique à cause de ça^^)
    Par contre, pour les coms anonymes, si tu ne les autorises pas, alors seuls ceux qui ont un compte "blogger" pourront poster...Ce qui réduit considérablement le nombre de personnes!
    Sur mon blog par exemple, seul la moitié de mes lecteurs a un compte blogger...Heureusement que j'ai autorisé les commentaires anonyme (qui ne le sont que si la personne le désire, sinon elle indique sont nom...)

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  4. Bien vu le coup du "revenues"... c'est corrigé.
    Normalement, même les inconnus peuvent poster un commentaire, donc, j'attends.
    Je n'ai pas été voir d'autres blogs d'auteurs pour voir si c'est normal ou non...

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