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samedi 21 juin 2014

Partie 4 - Chapitre 8 - Eli

Partie 4 - Chapitre 8 - Éli
Delphes. Enfin, nous arrivons dans cette ville magnifique. Berceau de l'oracle d'Apollon, elle reste bien défendue contre les attaques incessantes des monstres. Malheureusement, c'est au prix de nombreuses vies. J'aime à croire qu'en réduisant en ruines les camps environnants de ménades et autres satyres, nous avons contribué à lui donner un répit.
L'allée principale est longée de statues à l'effigie des dieux grecs. Nous gravissons doucement la volée de marches qui mène à la place principale. Elle est bondée de monde. On reconnaît aisément les paysans des environs venus trouver refuge derrière les murs d'enceinte. Il y a aussi les carrioles des marchands qui, en temps normal, sillonnent le pays. L'un d'eux harangue les badauds tentant de faire contre mauvaise fortune, quelques affaires. Je m'approche de son étal. Il vend principalement des armes et armures en tout genre. Je lui cède les quelques plus beau trophées trouvés par-ci par-là. Je vois au regard d'Alcinoa, qu'elle voit une armure. Elle est particulièrement ouvragée. Je me mets à marchander, comme les temps sont durs, je parviens à l'obtenir pour un bon prix. Le marchand me déclare qu'elle fait partie d'une panoplie. D'autres pièces doivent exister. Il me raconte l'avoir trouver sur un soldat sous le mont parnasse, juste avant que le cyclope ne s'y installe. Je le laisse m'expliquer l'endroit sans trop croire de pouvoir le retrouver.
Alcinoa s'est écarté du groupe dès que j'ai commencé à m'intéresser à l'armure. Elle a les yeux rivés sur un bâtiment de pierres blanches. Basile m'explique que c'est le temple de l'oracle. Je m'attendais à tout sauf à ça. La religion grecque antique faisait la part belle à ce personnage. Une femme bien souvent et généralement belle d'apparence. Mais pourquoi Alcinoa s'y intéresse telle ? Je lui pose la question. Elle me répond qu'elle aimerait la voir. Je ne comprends pas très bien pourquoi mais nous lui emboîtons le pas. A l'entrée, une servante de l'oracle nous demande si nous avons une offrande. Devant notre négation, je pensais rebrousser chemin. Mais la porte du temple s'est ouverte devant une seconde servante.
- Approchez ! L'oracle veut vous voir.
Allons donc, nous avons une audience. J'ai toujours été réfractaire à ce que je considérais comme de la mythologie. Je suis le mouvement, l'esprit obtus. Faut dire que j'ai été déjà bien bousculé avec ce qui s'est passé la nuit dernière. A peine avais-je repris des forces suite à la blessure de la chimère, que je me retrouvais à effectuer mon tour de garde. Alcinoa a mis du temps à s'endormir mais les émotions des derniers jours ont fini par lui fermer les yeux. Peu de temps après, des mots ont été écrit dans la poussière devant moi. "Éli, mon fils, il faut te réveiller". J'ai du me pincer pour être sûr de ne pas mettre endormi. Une fois assuré que je ne rêvais pas, il s'en est suivi une conversation, une suite de questions :
- Qui es-tu ?
- Je suis ton père.
A ces mots m'est revenue l'image d'un guerrier en armure noir dont le casque dissimulait le visage. J'ai continué mes questions tandis que j'attendais de lire les réponses dans la poussière.
- Pourquoi ne puis-je pas te voir ?
- Je ne sais pas, seule la fée peut me distinguer.
- Que me veux-tu ?
- Te dire tout ce que je n'ai pas pu durant ma vie.
- Pourquoi maintenant ?
- Parce que je vais bientôt perdre mon dernier combat.
- Je ne comprends pas, quel combat ?
- Celui contre la maladie qui me ronge de l'intérieur.
- N'y-a-t-il rien à faire ?
- Voilà trente trois ans que je lutte. Je sens mes forces m'abandonner.
- Comment puis-je t'aider ?
- En te réveillant avant qu'il ne soit trop tard.
- Je ne comprends toujours pas.
- Ce que tu vis ici est un rêve.
- Tu parles, un cauchemar plutôt !
- Réfléchis à tes souvenirs.
- Ceux que je reçois de Stauros ?
- Oui ! Ils représentent ta vraie vie.
- Impossible ! Tu cherches à m'embrouiller ! Tu es un sbire des anciens du peuple des fées. Tu veux sous séparer !
J'ai haussé le ton. Alcinoa s'est réveillée. Les mots ont arrêté de se former dans la poussière. Quelques secondes ont suffit pour qu'elle reprenne ses esprits. Elle s'est mise à regarder tout autour de notre camp. Après s'être assuré qu'il n'y avait personne, elle s'est tournée vers moi pour le demander pourquoi j'avais parlé si fort.
- J'ai dû m'endormir et parler dans mon sommeil.
Elle a feint de me croire sans doute. Elle a posé sa tête sur mes cuisses pour tenter de s'endormir à nouveau. Je ne crois pas qu'elle y soit parvenue. Les mots de mon soi-disant père tournaient dans ma tête. Sans parler de la réaction d'Alcinoa. Qu'est-ce qui peut pousser une aveugle à chercher du regard quelque chose ou quelqu'un ? Je n'ai trouvé qu'une réponse : Ce que le vieil homme m'a dit à son propos est vrai. Dès lors, pourquoi le reste ne le serait-il pas ?
L'intérieur du temple est entièrement fait de marbre blanc. Les soubassements sont sculptés. Les socles des colonnes sont recouverts d'or. Il y a des braseros dans lesquels fume de l'encens rendant l'atmosphère entêtant. Au fond de la salle, quatre marches mènent à un trône. Une femme aux longs cheveux noirs de jais nous scrute. Si Alcinoa est heureuse de se trouver là, Basile montre des signes de nervosité. Je dois être le seul incrédule de nous trois. Visiblement, cette femme nous voit tous. Son regard passe de l'un à l'autre sans montrer la moindre expression. Arrivés devant le trône, elle se lève. Elle est vêtue d'une longue robe blanche faite d'une seule pièce. Une fine ceinture d'or lui entoure les hanches. Elle nous sourit en ouvrant la bouche :
- Bienvenus étrangers. Je vous attendais.
Devant ma moue dubitative, elle me regarde et s'adresse à moi :
- Il te reste encore des épreuves avant de te réveiller, dormeur.
Je suis médusé. Basile étouffe un rire moqueur tandis qu'Alcinoa est plongée dans un grand désarroi. L'oracle continue en s'adressant à Alcinoa :
- Tu es liée au dormeur mais pas comme tu l'imagines. Tes sens t'aideront à comprendre ce que ton esprit rejette jusqu'à maintenant.
Nous sommes deux à froncer les sourcils, incapable de saisir le sens de ces paroles.
- Quand à toi, tu es le parasite. Tu ne devrais pas être là. Ton objectif t'es à jamais refusé car tu ne peux diviser ce qui n'est qu'un.
À ces mots, je sens la colère monter en moi. Parasite = le basilic ! Depuis le début, il joue un rôle en se faisant passer pour ce qu'il n'est pas. Alors que ma main s'approche de la garde de mon arme, l'augure se tourne à nouveau vers moi.
- Dormeur, ce n'est pas ainsi que tu vaincras. Garde ta fougue pour les gardiens qu'il te reste à affronter. Même si sa présence ne s'explique pas, il participera à votre victoire. Car celui qui l'a amené parmi vous ne peux plus l'affecter.
Je comprends mieux pourquoi les oracles étaient si prisés. Ils ont de belles paroles que chacun peut interpréter selon ses aspirations. Seulement, je n'étais pas au bout de mes surprises.
- Il vous faudra trouver l'endroit où est retenu Chiron. Il est le seul dont les conseils vous permettront de vaincre Polyphème. La reine des ménades le retient prisonnier dans son repaire au nord. C'est à une demi-journée de Delphes.
- Pourquoi est-il prisonnier ?
Un sourire se dessine sur les lèvres de l'oracle suite à ma question.
- Ainsi, tu accordes du crédit à mes paroles, Dormeur. Il est celui qui forme les héros. Ceux-là même qui défendent cette cité. Plus de héros, plus de résistance. Va, maintenant. Et quand tu auras délivré Chiron, amène-moi le sceptre de la reine.
L'oracle s'assoit sur son trône. Son visage ne montre plus aucune expression. Je sens bien qu'Alcinoa aimerait en apprendre davantage, comprendre ce qu'elle lui a dit. Mais l'entretien est terminé et notre offrande sera le sceptre. Je tourne les talons conscients que toutes velléités envers Basile ont disparues. A peine sommes-nous sortie du temple que nous entendons au loin, vers le nord, un rugissement que nous connaissons bien.


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