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lundi 12 janvier 2015

Partie 5 - Chapitre 11 - Hector

Partie 5 – Chapitre 11 – Hector.
- Réveille-toi ! Allez !
- Hum…
- ALLEZ LE VIEUX, réveille-toi ! MAINTENANT !
- Allons bon, j’étais certain de l’avoir poutrer cette mégère !
- Autant à ton service, vieux bouc, je me rappelle d’un double impact. Personne n’en est sorti vainqueur.
Mégère arrive, pour la première fois, à me soutirer un sourire. La sensation est extrêmement désagréable. On dirait que ma bouche est en carton. Suis-je assoiffé à ce point ? A moins que c’est d’avoir été changé en arbre ?
En entendant Mégère me répondre mentalement, la scène de notre mort me revient à l’esprit. Soudain, je me rends compte que les premières paroles n’étaient pas les nôtres. Non, d’ailleurs, la conversation continue :
- Aïe ! Qu’est-ce que vous m’avez fait ? Pourquoi suis-je attaché ?
Je reconnais cette voix, c’est celle du Professeur Stauros. L’autre, la voix de femme, doit être son assistance. En tout cas, elle porte le même parfum entêtant.
- Vous êtes attaché pour ne pas gêner l’opération.
- Quelle opération ? De quoi parlez-vous ?
J’aimerais bien le savoir aussi. Seulement, la prudence me dicte de ne pas ouvrir les yeux. Il faut que j’arrive à les situer dans la pièce pour agir au bon moment. Je fais un effort violent pour me souvenir de la pièce. Mégère ne me rend pas la tache facile.
- Il est trop tard de toute façon, le mal est fait. Je ne peux pas réparer les torts causés.
Je ne le sais que trop. C’est déjà en soi un miracle que je sois encore en vie. Je dois encore le rester, pour Eli. J’ai beau réfléchir, pas moyen de me souvenir. Les images dans ma tête sont celles de la Grèce antique.
- Comment tu sais que c’est de la Grèce antique ?
Voyons, Mégère, tu sais bien que nous nous sommes affrontés dans la périphérie de Delphes. Une première fois avant qu’Eli n’y entre et la seconde, après qu’il en soit sorti.
- Décidément, il faut que je fasse tout à ta place ! Et peux-tu m’expliquer pourquoi nous ne sommes plus dans l’antiquité ?
Le rêve ! Bien sûr, merci Mégère, ça me revient. On est venu à l’hôpital pour entrer dans le rêve d’Eli. C’est Stauros qui lui a créé un rêve artificiel basé sur la Grèce. Tu étais la chimère et moi, Bellérophon.
- Piètre héros.
Je ne relèverai pas ton sarcasme. Donc, si les choses sont dans le même état qu’à notre arrivée, je dois être dans le lit contre le mur et Eli dans celui le long de la fenêtre. Stauros doit être plutôt vers le bout de mon lit et son assistance vers la fenêtre. Oui, c’est ça, d’ailleurs elle est ouverte. Parce qu’elle fume. Je n’ai donc qu’à attendre qu’elle recrache sa bouffée pour ouvrir les yeux. Maintenant !
C’est bien ça. Par contre, je ne connais pas le gars qui est entre nos lits. Il est relié à Eli par les connections cérébrales que j’ai utilisé pour entrer dans son rêve. L’assistante doit être de mèche avec lui, elle le protège, c’est pour ça que Stauros est attaché. Comment vais-je pouvoir l’aider ? Pas question de bondir du lit, la distance est trop importante. De plus, elle est armée. Faut que je regarde à nouveau.
Voilà. Eli a le sommeil agité, c’est pas bon signe. Il doit être dans un combat. Par contre, l’autre a le sourire aux lèvres. Qu’est-ce que ça veut dire ?
- A ton avis ? Qu’il assiste à quelque chose qui lui plait !
Elle a raison. Il n’est donc pas là pour aider Eli. Il faut que je fasse quelque chose.
- Bien sûr, un dernier acte héroïque. Mais regarde de toi ! On est plus en Grèce antique. T’es tout vieux et tremblant. Si tu te lèves, je suis sûr que tu t’écroules.
 Merci Mégère. Encore une fois, tu me donnes la solution.
- Comment ça ? Je ne comprends pas. Explique-toi vieillard.
Je n’ai peut être pas la force de lui sauter dessus, mais je peux utiliser ma faiblesse pour l’amener à moi. Il me suffit de feindre un malaise, elle se rapprochera. Quand elle posera son arme pour me soigner, je la lui prendrais. C’est simple.
- Tu te rends compte que tu débloques grave ?
Voyons, un peu de salive, et quelques suffoquements.
- Ophélie, Hector Guerreor s’étouffe. Il doit avoir un œdème des suites d’avoir été intubé.
- Je m’en fiche, il n’a qu’à crever le vieux. Je dois surveiller que tout se passe bien pour David. Le reste n’a aucune importance.
- Vous ne pouvez pas dire ça ! Ce n’est pas vous. Ophélie, vous avez fait vos études de médecine. Qu’on soit médecin ou infirmière, on se voue à la santé des patients. Vous ne pouvez pas tout sacrifier pour un mec.
- C’est vous qui m’avez jeté. Je ne fais plus parti de l’effectif de cet hôpital. Vous aviez qu’à y réfléchir avant de me virer.
- Je ne voulais pas vous virer, j’y ai été contraint par la direction.
- Vous mentez, le directeur ne m’aurait pas viré, il aurait eu trop peur…
- Trop peur de quoi ?
- Laissez tomber.
- Non, je ne laisserais pas tomber. Sauvez cet homme. Je vous en prie ! Sinon, détachez-moi.
- Et puis quoi encore.
- Qu’est-ce que vous risquez ? Vous êtes armée, pas moi. SAUVEZ LE OU DETACHEZ MOI !
- Tu vas la fermer !
Pauvre Stauros, il se prend un coup. Mais il arrive à ses fins. Elle s’approche de moi. Je m’arc-boute pour accentuer l’impression que je m’étouffe. Bingo ! Elle pose le flingue sur le lit, juste à côté de ma tête.
- Elle va voir que tu simules !
La réflexion de Mégère me donne une décharge électrique. Le stress m’envoie de l’adrénaline. Sans réfléchir, je donne un violent coup de tête en avant. Mon coup de boule est loin d’être académique, mais il frappe en plein sur le zygomatique, l’os sous temporal. Surprise tant par le geste que par la douleur du choc, Ophélie recule d’un pas en se prenant le visage dans les mains. Ce n’est pas une criminelle. Elle n’a pas le réflexe de prendre son arme. J’en profite. Quand elle ouvre à nouveau les yeux, c’est pour découvrir que je tiens son flingue. Enfin, pour l’instant. Il est lourd et je suis beaucoup plus faible que je ne le pensais.
- Rend moi cette arme vieillard. Tu risques de blesser quelqu’un.
Ce n’est pas une criminelle, mais elle a de la suite dans les idées. Elle approche. Je tire. Le son est étouffé pas le silencieux mais Eli et celui qui à côté sursautent. Le carreau dans lequel j’ai tiré vol en éclat. J’ai réussi ce que je voulais, elle recule.
- Détachez-le !
- Vous rigolez ? Vous avez à peine assez de force pour tirer une balle dans une fenêtre. Vous n’aurez pas le cran de me tirer dessus. Vous n’êtes pas un tueur. Alors, vous pouvez garder l’arme, je n’en ai pas besoin. Bientôt David rejoindra votre fils et le tuera. Mourir dans son rêve fera de lui un légume, ce qui en soit, ne le changera pas beaucoup.
- Ecoutez le Ophélie, je ne porterais pas plainte, souffle Stauros.
Je me rends compte que mon baroude d’honneur n’a pas servi à grand-chose. Certes, j’ai l’arme, mais je n’ai pas la force de m’en servir comme il faudrait. Elle a raison, je n’ai pas envie de la flinguer en lui tirant dessus.
- Ahahah ! Quel pitoyable tableau ! T’as réussi à lui piquer son arme, mais tu ne peux pas t’en servir. Du coup, ton fils va mourir sans que tu ne puisses rien faire.
Encore une fois, la phrase acerbe de Mégère me transperce. Mon cerveau amoindri va à cent à l’heure. Comment vais-je pouvoir aider Eli ? Je ne veux pas rester le spectateur de son trépas.
- C’est pourtant ce qui va se passer, sauf si tu as un regain d’énergie.
Pas besoin d’un regain d’énergie. Je tourne l’arme vers la tête de mon voisin. Le regard d’Ophélie marque la surprise. Je lui dois bien une explication :

- Vous n’êtes pas sans savoir que je suis un mort en sursis. Il ne me reste plus longtemps à vivre. S’il y a une chose que je peux encore faire, c’est permettre que mon fils me survive. Votre partenaire doit rejoindre mon fils, dans son rêve, pour le tuer. Si je le tue avant qu’il n’atteigne son but, mon fils vivra. Qu’avez-vous à répondre à cela ?

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