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mardi 22 juillet 2014

Partie 4 - Chapitre 12 - Basile

Partie 4 – Chapitre 12 – Basile.
Comment voulez-vous réfléchir correctement avec une déclaration comme celle qu’elle m’a faite. Sérieux ! C’est abusé.
Parasite !
Ce mot résonne encore dans ma tête. C’est dingue le temps qu’il faut pour se reconstruire une réputation. Pourtant, je n’ai jamais voulu être infecté par le basilic, le voir utiliser mon corps comme réceptacle. Mais, tout le monde s’en fout de ce que je peux ressentir. C’est à peine si je reçois quelques signes de gratitude alors que je risque ma vie pour les protéger. Bon d’accord, au début, je voulais tuer éli pour avoir ma reine. Mais ça, c’était avant. Pourquoi avoir changé ? Il suffit de les côtoyer un minimum pour comprendre ce qu’est l’amour véritable. Il ne s’invente pas, ne s’impose pas. Jamais elle ne m’aurait aimé de la sorte si j’avais tué son héros. De ce fait, il me faut les aider.
Le monde dans lequel nous évoluons n’a de cesse que d’étouffer ce qui est beau. Il n’y a que combats et souffrances, malheurs et mort. J’en ai été moi-même l’artisan. J’aspire à la rédemption. Est-il possible d’effacer les images qui me hantent chaque nuit. Celles d’hommes et de femmes effrayés, hurlant de sentir leurs corps se transformer peu à peu en pierre. Bien sûr, la transformation est d’abord en surface, la peau devient dure. Puis les muscles se crispent jusqu’à se figer définitivement dans une pose qui sera éternelle.
Je me rappelle ce que j’ai ressentit quand Eli a retourné le souffle pestilentiel. La forme reptilienne n’a pas échappé à la malédiction. Mais quand mon corps humain a repris forme, j’étais prisonnier d’un cocon de pierre. Quand on y pense, je leur dois la vie. Ils auraient pu me laisser moisir dans ce linceul granitique. Le basilic n’aurait pas eu cette pitié. Alors, tout à fait entre nous, pourquoi ne les aiderais-je pas ?
« Tu ne devrais pas être là. Ton objectif t'es à jamais refusé car tu ne peux diviser ce qui n'est qu'un ».
Cette phrase, que veut-elle dire ? Pourquoi ne devrais-je pas être là ? Parce qu’ils auraient dû me tuer ? Y-a-t-il une autre raison ? Si oui quelle est-elle ?
Je peux comprendre que mon objectif m’est refusé, puisque j’y ai moi-même renoncé. Seulement, ne pas pouvoir diviser ce qui n’est qu’un, c’est un peu fort. Je veux bien croire que l’amour unit deux personnes jusqu’à en faire plus qu’une, mais ça ne serait pas la première fois qu’un couple se brise. D’ailleurs, ils n’ont pas forcément besoin de moi. Ces derniers temps, ils me donnent l’impression de ne plus s’entendre autant. On dirait qu’Eli n’apprécie pas d’être dépossédé de son rôle de héros. Et Alcinoa n’en peut plus d’être la petite chose fragile. Elle a récupéré trois de ces cinq sens. Elle se sent mieux. Elle veut participer à la réussite de la quête. Quelque part, qui l’en blâmerait ? Eli est aussi « mutilé » qu’elle. Même si c’est invisible, un handicap reste quelque chose de difficile à gérer.
La caverne de la reine des Ménades est sur une île, enfin, un îlot entouré d’une rivière à débit rapide. Cet endroit devait appartenir aux hommes avant, car un pont fait de gros rondin en donne l’accès. A peine l’avons-nous traversé que nous sommes attaqués par des oiseaux putrides, sortes de vautours de couleur verdâtre. L’avantage de ce type d’attaque, c’est qu’on entend facilement l’ennemi venir. L’inconvénient, c’est que pour l’effet de surprise, c’est râpé.
Visiblement, ni Eli, ni Alcinoa ne font dans le détail. Les assaillants sont soit rôtis, soit foudroyés avant même d’être à portée de mon épée. L’odeur de la volaille grillée m’ouvre en général l’appétit, mais là, non. Le fumé à une odeur qui porte au cœur, accentué par la fumée qui pique les yeux.
Une fois la ceinture d’arbres qui entoure l’îlot derrière, nous découvrons une petite élévation de terre, pas même une colline. Sa hauteur n’excède pas celle des arbres. Par rapport à la surface de l’eau, elle doit faire, 6 ou 7 mètres maximum. C’est suffisant pour une belle entrée de grotte, bien sombre, comme on les aime… Je rigole, la dernière grotte ne nous a pas réussit. En tout cas, nous sommes repérés, une volée de flèches s’envole vers le ciel. Nous n’avons que quelques secondes avant que les traits meurtriers ne pleuvent tout autour de nous. Si nous chargeons, nous serons de belles cibles pour les snipers. Sauf si…
Alcinoa vient d’envoyer une boule de feu de la taille d’un éléphant. Je n’ai pas besoin de voir les ménades de la grotte pour savoir qu’elles paniquent. J’entends leurs cris. Peur pour certaines, douleurs pour les moins rapides. Eli, quand à lui, envoi une bourrasque dans le ciel. Les flèches se dispersent comme un jeu de mikado. Elles finissent leur course au sol, brisées. Je pense que reprendre le sceptre de la souveraine va être une ballade de santé avec ces deux là. Le sourire me vient aux lèvres jusqu’à ce qu’il se fige. Un éclair vient de déchirer le ciel couleur azur. Il n’est absolument pas naturel, mais l’ozone qui se dégage de l’impact prouve qu’il est bien réel. La reine des ménades est sortie de son repaire. 

Ses vêtements fument encore. Elle est entourée de sa garde personnelle, deux guerrières. L’une est une archère, et l’autre épéiste. Elles nous jaugent de loin mais nous font comprendre que la distance n’est pas un problème.
- Je prends celle à l’épée.
Je sais, c’est un peu égoïste, mais je n’ai aucune envie de me frotter aux autres.
- Je me charge de la reine, je vois son bâton et elle n’a pas prêt de le lâcher.
Il ne reste que l’archère pour Eli. Il fait un signe à l’archère. Elle encoche un trait. Il sourit, et lui fait signe qu’elle peut y aller. Le fou, il charge avec un grand cri, qui me fait sursauter. Il a ses deux gladius prêt à pourfendre tout ce qui passera à proximité. Je crois que les ménades ont compris que ça tournait en combat singulier. Bizarrement, elles n’en sont pas gênées. Au contraire, on dirait qu’elles préfèrent ça.
Je dégaine mon arme et descend mon bouclier sur mon avant bras. Mes yeux croisent ceux de mon adversaire. Elle sourit puis s’élance. Je me suis fait arnaquer, ce n’est pas une ménade, c’est une fusée ! Elle franchit la centaine de mètres qui nous sépare à une rapidité déconcertante. Je ne peux plus m’inquiéter de mes compagnons. La dernière chose que je remarque, c’est la stupeur de l’archère qui comprend qu’elle se bat contre un nuage dont les coups sont bien réels.
Bing, blong, clang. Voilà ce que j’entends derrière mon bouclier. Non seulement elle court vite, mais elle enchaine les frappes à une vitesse démentielle. Comment j’ai pu être aussi bête. Je ne vais pas m’en sortir, sauf si elle baisse de régime. Je n’arrive même pas à me concentrer pour en appeler aux éléments.
J’ai à peine senti la première blessure. Si l’adrénaline m’a permis de prendre un peu confiance en moi, j’ai fini par être toucher encore et encore. Bras et jambes dégoulinent de sang. Je me cramponne à mon bouclier pour tenter de donner des coups. Vainement. Comment Eli ferait-il ? Il se changerait en fumée ou en courant d’air, comme face à l’archère. Ou alors… Oui, voilà la solution !
Je profite d’une attaque qui s’écrase une nouvelle fois sur mon bouclier pour repousser la ménade. Comme elle est rapide, elle fait un bond en arrière. Je baisse ma garde, soufflant comme un taureau dans une arène. Elle ne va pas résister à se fendre pour me porter un coup plus sévère que les estafilades que j’ai reçu. Je n’ai pas beaucoup de temps, quelques fractions de secondes tout au plus. C’est un tout pour le tout. L’action se met à ralentir. Je vois ses muscles se bander sous l’impulsion du mouvement. Elle veut me perforer le ventre. Si je me loupe, je vais voir mes entrailles jonchées le sol. La lame semble entraîner l’avant-bras, le bras puis l’épaule. C’est son corps qui part en avant, sa jambe également. Elle doit faire un pas si elle veut me toucher. C’est maintenant ! Le moment ou son pied quitte le sol. Elle est en équilibre précaire. J’ai laissé mon bouclier continuer son geste. Mon bras est derrière moi. Un solide mouvement d’épaule et je peux la désarmer avant l’impact fatidique. Ce n’est pas seulement mon épaule mais tout mon tronc qui se tourne pour faire face à mon adversaire. Mon bras gagne en vitesse à cause du poids du bouclier.
Son pied s’approche du sol, s’il le touche, elle pourra esquiver.
Je ne la quitte pas du regard, je lis sur son visage qu’elle a compris ce qui se passe. La détente de mon mouvement de rotation accélère mon geste. Elle fronce les sourcils, comme pour donner tout ce qu’elle a dans cette attaque. Soudain, c’est l’impact. Mon bouclier s’écrase sur son poignet et l’action reprend sa vitesse normale. Elle lâche son épée et n’a pas le temps d’éviter la suite, un tour sur moi-même pour que mon épée finisse ce que mon bouclier à commencer. Nous tombons tous deux. Moi, à genou, elle en poussière.
Alors que j’avale avec difficulté ma salive, je me rends compte qu’il n’y a plus de bruit autour de nous. Le combat est fini également pour mes compagnons. J’essaie de tourner la tête, mais le sol se met à tourner. Le décor se brouille puis plonge dans les ténèbres.
Alors que mon esprit lâche prise, la dernière question qui résonne dans ma tête est : suis-je mort ?


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