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samedi 22 mars 2014

Partie 3 - Chapitre 8 - Basile

Partie 3 - Chapitre 8 - Basile.
Je ne m'attendais pas à ça. Quand je suis entré dans cette grotte, je voulais prouver à cet entêté que j'étais fiable. Seulement, maintenant, qu'est-ce qui va lui permettre de se fier à moi ?
La grotte s'ouvre sur une vaste salle ou la roche n'a pas choisit entre la voute et le sol. L'odeur est particulièrement forte, mélange d'excréments et de sueur, saupoudré d'une once de moisi. On s'attendrait à devoir trouver rapidement un moyen pour voir où l'on met les pieds. Pas la peine, la grotte est illuminée. Je m'avance jusqu'au premier gros rocher. J'espère être rejoint par Éli et Alcinoa, mais je ne veux pas revenir en arrière comme un lâche. Non, je vais de l'avant jusqu'à ce que... Je découvre un spectacle horrible: plusieurs créatures humanoïdes velues regroupées autour d'un corps. Le bruit émis est significatif. Elles sont en train de dévorer leur encas. J'ai soudain l'impression que le sang de chaque membre de mon corps s'évapore. Une boule nauséeuse se forme à mi chemin entre mon estomac et ma bouche.
Oh, bien sûr, je sais ce que vous vous dites : Il a du faire bien pire quand il était le basilic. Tout d'abord, je n'avais pas conscience de ce que la bête faisait quand elle prenait le contrôle. Ensuite, c'est une chose de faire quelque chose, c'en est une autre de le voir faire en version gore.
J'ai dû déglutir un peu trop fort car l'une des bêtes relève la tête. Elle hume l'air pour analyser les effluves. Je prend conscience que je suis entre l'entrée de la grotte et leur festin. Donc le souffle de l'extérieur doit rabattre sur eux l'odeur de ma peur. Ils sont plusieurs à hésiter entre se retourner et continuer leur repas. Leur choix va être déterminant. S'ils abandonnent leur place pour se lancer à la recherche de l'odeur qu'ils viennent de relever, plus moyen de "revenir à table". Leur place sera prise par d'autres. Oui, je comprends ce que vous vous dites : Pourquoi ne sont-ce pas les autres qui se lancent à ma poursuite ? Peut-être ne sont-ils pas guerriers ? Dans ce moment de flottement, on croit qu'on peut faire tout un tas de chose car, dès que la décision est prise, tout se précipite.

Je me redresse et fais demi-tour tout en tentant de ne pas perdre de vue les trois hommes-rats bondir dans ma direction en dégainant. Leurs couinements résonnent dans la grotte. Mais mon cri supplante tout les autres bruits. Je ne cherche plus à regarder derrière, je fonce droit devant. La lumière de l'extérieur vacille pour découper une silhouette que je reconnais de suite. Sans hésiter je plonge vers le sol. J'entends le gladius d'Éli tournoyer à toute vitesse pour se figer avec un bruit sourd dans le premier de mes poursuivants. Tout en continuant à avancer, Éli effectue quelques moulinets qui stoppent net l'élan des guerriers. Seulement pour chaque rat qui tombe, deux prennent la place. Je reste médusé de voir Éli tantôt assommer trois assaillants d'un coup de bouclier, tantôt en occire un ou deux d'une passe fatidique. Soudain son cri me sort de ma torpeur :
- T'attend quoi pour m'aider ?
Je me relève, dégaine mon arme juste à temps pour parer une attaque dirigée sur moi. Tant que j'étais au sol, tous se dirigeaient vers Éli, alors que maintenant, le flot se divise en deux. Le problème réside dans le fait que je ne suis pas aussi rompu au combat que lui. Il m'en coûte de le dire, mais c'est la vérité. Visiblement, les rats doivent s'en apercevoir, de plus en plus me chargent. Éli doit s'en rendre compte, pourtant il ne fait rien.
Non, ça y est, j'y suis, il le fait exprès. Je me fais "poutrer" par les rats, comme ça il est débarrassé du boulet sans se salir les mains. Quand les pièces se mettent en place dans mon esprit, je sens monter la colère. Celle dans laquelle j'étais lors de notre premier combat n'est rien à compter de celle qui monte. A mesure que je sens chaque fibre de mon être fulminer, je suis beaucoup plus percutant face à mes assaillants. Je finis par me rendre compte que je suis en train d'imiter chaque mouvement d'Éli. N'ayant pas de bouclier, je me sers néanmoins de mon bras, poing serré, comme d'une massue.
Combien peut-il en avoir ? Même si j'ai pris du retard, le tas de poussière noire autour de moi commence à être impressionnant, et il en arrive toujours. Je n'ai pas le temps de ramasser un bouclier, pourtant il le manque cruellement. Si, dans un premier temps ce sont des fantassins qui nous ont chargés, maintenant nos assaillants sont plus organisés. En première ligne, il y a les hoplites, petite lance et bouclier, ainsi que les combattants dit "CAC", corps à corps. Ces derniers ont un armement hétéroclite qui va de la dague à l'espadon en passant par la hache. Si leur technique de combat est de loin inférieure à la mienne, c'est leur nombre qui peut faire la différence. À moins que ça ne soit les secondes lignes. Archers et autres manipulateurs élémentaire. La première salve de flèches m'a pris au dépourvu. Je crois bien que j'allais lâcher mon arme quand, à travers le nuage de poussière, j'ai vu les archers décocher. J'ai dû sursauter quand la plupart se sont figées dans le bouclier qu'Éli a dressé devant nous.
Moi qui croyais qu'il voulait ma mort, ça m'a rassuré d'une force. Jusqu'à ce qu'il dise :
- Prend un bouclier ! Je t'interdis de mourir autrement que de ma main !
Donc, il veut me voir mort, mais il veut le faire lui-même. Ce n'est pas le genre à me planter dans le dos, non, c'est en duel, celui commencé à Mycènes.
Tandis que nous continuons à faire face, un cri féminin suivi de celui d'une bête qui hurle retentie. Je lis dans le regard farouche d'Éli qu'il me tient pour de ce qui ressemble à la capture d'Alcinoa. L'avantage de la situation est que les flèches ne pleuvent plus. A l'instar de mon partenaire, je rengaine mon arme. N'ayant pas un bouclier épique sur lequel les traits s'éclatent, je laisse tomber le mien qui ressemble à un hérisson emplumé. Les homme-rats n'ont pas le temps d'avancer. A peine Éli a-t-il récupérer son gladius lancé au début du combat, qu'il fait un geste circulaire de la main comme s'il voulait arracher la voute de la grotte. A cet instant, un craquement effrayant figea sur place nos adversaires qui n'eurent pas le temps de lever les yeux. Ils furent ensevelis par un éboulement monumental qui souleva un nuage dense de poussière. Pourquoi Éli n'a-t-il pas fait cela avant ? A croire qu'au plus il est en colère, au plus il est puissant. La dernière chose que j'ai vu avant d'être submergé par le nuage, c'est Éli, l'arme au poing, partir en courant vers la sortie. Instinctivement, je retiens ma respiration et lui emboite le pas. Ce que je le vois faire dès que je parviens à l'air libre, le rend encore plus terrible à mes yeux. On pourrait penser que l'effondrement de la voûte soit un mouvement de colère. Mais c'est en le voyant émerger subitement devant le colosse qui retient Alcinoa que l'on prend la mesure de sa stratégie. Je suis certain qu'il est consumé par la rage à mon encontre, mais il garde le contrôle. En deux mouvements très rapides, il saisit d'une main la lame sous la gorge de la fée et plante son arme à la base du cou de son adversaire. Alcinoa se retrouve recouverte de poussière noire. Il se retourne vers moi et me claque un "protège-la" qui ne souffre pas d'être contesté. Il reste neuf homme-rats. Deux archers qui bandent déjà leurs arcs. Un chaman qui manipule l'eau de la mer dressant une vague de plus en plus haute. Et six guerriers, non cinq, trois... Bref, Éli est tellement rapide, qu'il arrive même à briser les flèches avant qu'elles ne soient tirées. La vague qui devait s'abattre sur nous retombe dans un grondement sourd. Il n'y a plus personne pour la faire déferler. Impressionnant, c'est le mot qui convient. En regardant autour de moi, je ne vois que de la poussière noire et les armes et armures hétéroclites de nos assaillants. Je m'attendais à ce qu'Éli me bouscule, mais il semble exténué. La colère a laissé place à une grande fatigue. Il est debout, les bras pendant le long de son corps. Sa tête est dirigée vers le sol. Alcinoa avance vers lui avec le pas hasardeux qui témoigne de son handicap. Je n'entends pas ce qu'il se dise mais je devine qu'elle le rassure. Elle n'a aucune blessure. Moi par contre, je me rends compte que je ne suis pas sorti indemne de l'affrontement. J'ai plusieurs estafilades qui saignent plus ou moins. Éli est dans le même état avec une flèche logée dans le mollet droit. Vu la position d'entrée, je dirais qu'il a dû la recevoir quand il m'a protégé. Je le regarde casser la pointé en grimaçant puis la retirer. Tandis qu'Alcinoa utilise son bâton pour le soigner, je ne sais pas comment je dois prendre ça. Il est évident qu'il a plus qu'envie de m'éliminer. C'est le jugement d'Alcinoa qui le retient. Il a l'occasion de laisser à d'autres de le faire, pourtant, il me protège. Pourquoi ? La question doit transparaitre sur mon visage car Éli y répond en plongeant son regard bleu pénétrant dans le mien :
- Si le basilic est toujours en toi, tu mourras de ma main. Sinon, tu mérites autant qu'un autre d'être protéger, même si tu m'horripiles. Par contre, il va falloir que tu t'expliques sur ce que tu as fait durant le combat.
Je saisie tout de suite à quoi il fait allusion. En même temps, c'est compréhensible. Un combattant de mon niveau ne progresse pas en un affrontement. Or j'ai été capable de copier le moindre mouvement d'Éli pour me défendre. Le problème, c'est que si je suis honnête, il va me tuer. Je ne peux pas lui dire que j'ai cette capacité mimétique. Sinon comment lui prouverais-je que je ne suis plus le Basilic ? A la réflexion, je me rends compte que quelque soit ma réponse, il ne me croira pas. Il a fait de moi l'homme à abattre. Pourquoi cette haine ?
C'est Alcinoa qui me libère du poids de la réponse :
- Il faut croire qu'il a un bon maître d'arme. Maintenant, Basile, détends-toi et laisse l'eau s'infiltrer en toi. Le phénomène de guérison peut être légèrement désagréable.
L'explication est reportée. C'est ce que je décrypte de l'expression d'Éli. Heureusement qu'elle a dit que ça serait "légèrement" désagréable. Outre la brûlure des plaies qui se referment, l'insinuation de l'eau provoque des envies de se gratter au sang. A mesure que le traitement fait effet, les démangeaisons laissent la place à une sensation difficile à expliquer. C'est comme-ci vous sortiez d'une douche froide revigorante. La surface semble endormie, alors qu'en profondeur, le tonus est indéniablement présent. Je remercie Alcinoa pour son soutien. Elle sourit en coin et se permet une confidence tandis qu'Éli est parti se décrasser dans la mer :
- Je ne pourrais pas toujours t'éviter de répondre à ses questions. Et s'il s'avère que tu n'es pas honnête, je ne m'opposerais pas à sa vengeance.

Ça a le mérite d'être clair. A moi de définir comment je vais la jouer. J'ai une alliée qui peut faire pencher la balance, mais c'est à double tranchant. Si je me plante, je passe direct dans la catégorie "éliminable". Ça met la pression.

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