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mercredi 11 février 2015

Epilogue

Epilogue
- Dites-moi, Ophélie, pourquoi faites-vous tout ça ?

La question d’Hector plonge Ophélie dans une incertitude. Elle tient fermement un scalpel sur la jugulaire du professeur Stauros, tandis qu’il a le canon de son arme sur la tempe de David Tennant. La tension est à son comble. Mais le vieil homme semble vouloir lui faire entendre raison.

- Qu’est-ce que ça peut vous faire ? Si vous le tuez, ma vie ne vaudra plus rien, alors autant partir avec le prof. Après tout, tout est de sa faute.

- Comment ça de ma faute ? Intervient Stauros.

- Si vous ne vous étiez pas lancé dans cette folle expérience, Elliot Guerréor serait mort. David aurait consolé sa femme pendant un moment, mais il serait vite revenu vers moi. Il le fait toujours. Il en a envie mais elle n’est pas son genre, trop larguée comme meuf.

- Évitez de parler comme ça de ma bru, il se pourrait que mon index se crispe subitement.

- Allez-y le vieux, vous faites le mariole, mais tuer de sang-froid, ça n’est pas donné à tout le monde.

Tandis qu’Ophélie en était à presser la lame sur la chair tendre du cou, au point de faire perler une goutte de sang, Hector remarqua le discret point rouge sur l’épaule de l’infirmière. Comprenant qu’il devait faire son possible pour écarter la menace pesant sur Stauros, il prit le problème autrement :

- Ok, vous avez sans doute raison, je baisse mon arme et vous faites de même.

Ce revirement soudain fit froncer les sourcils de la blonde. Mais tant qu’elle fixait son attention sur Hector, elle ne remarquait pas la menace. Il baissa doucement le revolver en l’écartant suffisamment pour qu’il ne braque personne. Elle lui demanda de le lancer sur le bout de son lit, en guise de bonne foi. Comme on le dirait dans un poker, Hector misait son tapis. Il s’exécuta. Le temps de déglutir lui parut interminable. Ophélie finit par baisser la main. Au même instant, alors que la lame se trouvait encore à une dizaine de centimètres du cou de Michel Stauros, une détonation déchira le silence. Sans comprendre ce qui lui arrivait, Ophélie lâcha le scalpel. Elle hurla de douleur et de surprise. Le coup de feu donna le signal à l’inspecteur Egala qui enfonça la porte encore verrouillée.

Cinq minutes plus tard, Stauros était détaché, Ophélie menottée. Alicia, alertée par les inspecteurs, était auprès de son beau père les yeux en larmes. Ce dernier lui posa un baiser sur le front et lui souffla :

- Ne vous inquiétez pas Alicia, c’est un battant, je l’ai vu, il va s’en sortir.

C’est sur cette phrase que Michel Stauros entra de nouveau dans la pièce. Il venait de recevoir des soins suite au méchant coup sur la tête qu’il avait reçu. Entendant les paroles d’Hector, il poursuivit :

- Je présume Hector que vous avez pu vous en rendre juge.

- Il raconte quoi l’autre crispé du bulbe ?

Mégère parvint à faire sourire son hôte. Mais il préféra répondre d’une autre manière :

- Plaît-il ? De quoi me serais-je rendu juge ?

- Eh bien, du fait qu’Eli soit un battant pardi. Vous l’avez rencontré, non ?

Alors que le professeur, sa bru et l’inspecteur Egala l’écoutait, Hector Guerreor raconta son voyage dans le rêve de son fils. Il ne se montra pas avare de détails, ce qui, pour un archéologue, aurait été un comble. Mégère lui soufflait parfois certains faits et il lui rendit la politesse en appuyant le « pat » (figure des échecs rendant la partie nulle) de leur combat. Quand il arrêta, les trois auditeurs rejoints en cours de route par l’inspecteur Landry, étaient figés, ébahis. 

- L’esprit humain ne cessera de me surprendre. Le scénario que j’ai écrit est une plaisanterie à côté de la version que vous nous contez.

- Certes, par contre, Inspecteur, comment en êtes-vous arrivé à sonner la charge ?

Tous les regards convergent vers Mike Egala. Ce dernier préféra laisser sa collègue raconter :

- Nous avons serré le directeur de l’hôpital qui entretenait une liaison avec Ophélie. Dès que nous lui avons mis la pression, il est devenu très bavard. En fait de liaison, la belle le faisait chanter. Il obtenait ses faveurs mais devait, en échange, altérer le scénario que vous implantiez à votre patient. Jusqu’au jour où la vidéo révéla une présence incongrue.

- Quel rapport entre le directeur et l’agression de mon patron ? Demande Alicia.

- J’y arrive. C’est David Tennant le cerveau de l’histoire. Il avait évoqué les grandes lignes de son plan dans le restaurant ou vous travaillez. Sans doute que votre patron aura entendu quelque chose. Nous le saurons peut être quand il sortira du coma.

- Professeur, pensez-vous qu’on puisse débrancher David Tennant ? Questionne Mike Egala.

- Je crains que non. Il va nous falloir attendre. Le plan de cet homme n’est pas sans faille. Elliot Guerréor est alimenté, par intraveineuse certes, mais tout de même. Ce qui n’est pas son cas. Or, il va vite décliner, manquant ne serait-ce qu’à boire. Etant donné sa situation de stress, les surrénales s’épuisent provoquant une insuffisance. Cette dernière peut aller jusqu’au choc hypovolémique.

- Peut-on accélérer le processus ?

- Oui inspecteur Landry, mais ça peut être dangereux, répond Stauros, pour lui, mais aussi pour Elliot.

- Parce que vous trouvez que mon fils ne souffre pas assez ?

Bizarrement, tous se tournent vers Alicia, qui n’intervient pas. Mentalement en train de peser le pour et le contre entre la situation actuelle et la proposition de l’inspecteur. Il n’y a pas besoin d’avoir fait médecine pour savoir qu’un corps mal hydraté ne donne pas tout son potentiel. Sans compter que l’esprit est lui-même impacté par la faiblesse physique. Ses sourcils se froncent, ses lèvres s’écartent, puis se referment. Quand soudain, elle se lève et sort. Les autres la suivent du regard, seul Michel Stauros lui emboîte le pas.

- Je vous demande de tout faire pour qu’on déconnecte David d’Eli. Je ne veux pas que ce malade passe plus de temps dans son esprit.

- Vous rendez vous compte de ce que vous me demandez Alicia ! Provoquer une hyperthermie est enfantin, il suffit de pousser les radiateurs à fond. Mais le risque se situe dans la réaction face à l’accélération de la déshydratation.

- Eli risque-t-il quelque chose ?

- Étant donné qu’il est hydraté par intraveineuse, je dirais qu’à priori non. Mais je ne peux pas le cautionner. 

- Michel, je pense que vous devriez aller vous faire de nouveau examiner, vos pupilles sont dilatées, vous devez avoir une commotion.

Le professeur comprit le message. Son serment ne lui permettait pas de mettre en danger la vie, fusse-t-elle d’un tueur. Alicia fit sortir tout le monde et demanda à un infirmier de prendre en charge Hector. Ce dernier avait vu la détermination de sa bru. Il fit taire Mégère et donna son assentiment. Mike Egala prit tout de même la précaution de menotter David Tennant. Tous entrèrent dans le bocal pour suivre les événements.

Le thermomètre affiche une température toujours plus élevée. La sueur perle au dessus des sourcils des deux hommes, puis coule en sillons irréguliers. Si la poitrine d’Eli se soulève doucement, on peut remarquer les premiers signes de fébrilité chez David. Sa tête penche en avant, ses épaules se voutent. 

- C’est du sang qui coule de son nez ? Fait remarquer Kat.

- On devrait peut être prévenir Stauros, qu’en pensez-vous Alicia ?

- C’est hors de question inspecteur. Soit il se réveille, soit il meurt, mais il faut que ça cesse !

Les deux inspecteurs se regardent perplexe. Mike Egala reconnaît la lueur qui scintille dans le regard de sa partenaire. Elle va sortir, et prévenir le prof. Si le serment d’Hippocrate empêche Stauros de prendre part à cette expérience, ils ne peuvent cautionner la mort d’un homme. 

X

C’est incroyable ! Basile a l’air d’être carrément ailleurs. Ses coups passent à des kilomètres d’Eli. Son visage est couvert de sueur, son regard est fiévreux. Si au début de l’affrontement, il était impossible de dire lequel avait le dessus, maintenant ce n’est plus le cas. Les deux combattants sont harassés. Eli donne l’impression d’avoir des poings pesant des tonnes. Sa garde est basse et son jeu de jambes fatigué. Basile est marqué par les coups reçus mais aussi par un mal étrange. Ses lèvres sont desséchées. Son teint s’altère, comme s’il était nauséeux. Soudain il se met à crier :

- Tu ne pouvais pas mourir comme le commun des mortels ! Non ! Monsieur Eli s’accroche ! J’ai mis des années à la convaincre de te débrancher ! Et quand elle le fait, tu nous fais une résurgence.

- T’es en train de me dire que tu m’affrontes pour ma femme !

En découvrant cette vérité, Eli est frappé par un tourbillon d’images. Tout ce que Stauros lui a implanté à chaque sens récupéré ressurgit. Mais plutôt que d’être un assemblage décousu d’images, c’est le kaléidoscope de sa vie. Chaque moment, chaque souvenir le frappe de plein fouet jetant à terre ce qu’il prenait pour la réalité. Plongé dans une sorte de transe, il ne doit son salut qu’à la grande faiblesse de Basile qui tombe à genou. Quand le maelström pictural cesse, Eli voit le décor qui l’entoure disparaître. Il ne reste bientôt qu’à deux dans une immensité blanche. Impossible de savoir ou est le haut du bas, rien n’existe plus que les deux hommes agenouillés au sol. L’un est pris de vomissement, tremble comme une feuille. L’autre regarde autour de lui et éclate de rire.

- Basile, ou devrais-je dire David. Jamais elle n’aurait été à toi. Même si j’avais baissé le rideau, elle n’aurait jamais trouvé le réconfort dans tes bras.

- Qu’est-ce qui te fait dire ça ? Répond David entre deux spasmes.

- Simplement parce que c’est la personne la plus pure qu’il m’ait été donné de rencontrer. L’amour qu’elle m’a donné m’a rendu meilleur parce que c’est la plus belle part de sa personne. Et elle me l’a offerte en dot. Si tu avais été un ami, tu n’aurais même pas pu imaginer un tel scénario possible.

- Tu me fais gerber avec ta poésie à deux balles. T’es pitoyable.

- Peut être, mais ce n’est pas moi qui suis à genou en train de vomir mes tripes. Tu as deux solutions, tu te rappelles ta formule : Soit, tu retournes d’où tu viens et tu vis, soit tu restes et tu meurs. Contrairement à toi, je ne te ferai pas souffrir, mais tu ne peux plus rester dans ma tête.

A peine Eli a-t-il finit sa phrase qu’il se met à grandir, il devient colossal. David se lève tant bien que mal et se met à courir dans la direction opposée, le bras soutenant son ventre. Quand il se retourne, il aperçoit un géant haut comme un immeuble de trois étages. La panique le gagne, d’autant plus qu’il le voit faire un pas vers lui. Alors qu’Eli se met à courir, David disparaît, comme s’il était tombé dans un trou. A ce moment précis, l’immense décor d’un blanc uni commence à s’estomper, laissant apparaître des formes. Il comprend qu’il recouvre la vue. Les ombres nimbées d’un halo se précisent. Il y a quelqu’un assis à ses côtés qui lui tient la main. Mais son regard est attiré par du mouvement à sa droite. Alors que les détails se précisent, il voit l’une des dernières personnes qu’il avait vues avant de plonger dans la nuit. Un homme grand, musculeux et quelque peu dégarni. Il emmène son adversaire qui est menotté. Il croise son regard qu’il lui indique l’autre côté avec un clin d’œil.

Alcinoa, non, Alicia est là assise sur le bord du lit. Ses yeux sont pleins de larmes. Elle s’approche et lui pose un baiser sur les lèvres. Puis, dans un sanglot elle lui souffle :

- Bon retour mon amour, tu m’as tellement manqué.

1 commentaire:

  1. YYeeess! Le réveil, superbe, et le dénouement magnifique!
    Bravo mon ami!

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